Quand j'oublie ce qui m'agace.
Quand je surprends leur regard sur moi. Quand j'écoute l'amour qu'ils me réclament.
Quand je glisse mon nez dans leur cou, quand j'attrape leur main pour affronter la rue.
Je suis la plus heureuse.
Je suis heureuse. Je le sais, j'en ai peur. J'ai peur car je sais que je suis heureuse. Et c'est peut-être cette conscience du bonheur là qui fait que je suis heureuse. Parce que rien ne dure jamais, et que même si c'est différent, ce ne sera pas inévitablement moins bien, moins fort, moins doux. Ce sera autre chose.
Ernest pleure le soir. Ernest parle beaucoup de la mort. Des traits sur mon visage, du temps qui passe, de la peur de me voir disparaître et ne jamais revenir, du regret qu'il a de ne pas avoir rencontré mes grands-parents.
Octave rêve de rentrer seul de l'école. Il veut qu'on le considère comme un grand.
Chaque jour les transforme un peu et je distingue un tout petit peu clairement les Grands Blonds qu'ils seront, bientôt, demain.
Quelquefois je me surprends à rêver qu'ils soient déjà autonomes, pour qu'ils me rendent un peu de cette liberté dont je me sens privée, et puis, non, je savoure aussi tout ce chemin quotidien qu'il me reste à parcourir avec eux, à râler chaque matin parce que je ne parviens pas à les réveiller et qu'il va falloir que je me niche contre eux, tout chauds de sommeil, que je caresse les joues toutes rondes, que je les accompagne pour accueillir leur réveil et le nouveau jour qui va les rendre un peu plus grands encore.
J'ai du bonheur. Je le ressens profondément et m'en veux de ne pas le manifester toujours à sa juste mesure. Eux deux et Lui, L'Epoux. Mes parents, mes proches. Si on ne veut pas "fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve", comment peut-on faire pour le retenir, longtemps encore?
C'est Lundi, ici, et qu'est-ce qu'on attend pour être heureux?
(la semaine dernière il était question de gratitude, et la semaine prochaine : un livre pour bien commencer l'année)