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La scène se déroule à la laverie automatique de la rue Gassendi, Paris 14e. Attendant le terme d'un lavage ou d'un séchage, j'ai maintes fois contemplé les habitants du quartier, les passants. J'y ai observé Rodica, ou Sabine Azéma hier. J'ai papoté avec un clochard qui y cherchait l'âme sœur. Aujourd'hui je ne suis d'humeur ni causante ni patiente et par ailleurs tête en l'air. Le temps que dure ma lessive, je le consacre à faire un saut à la Poste, trois courses au supermarché, un autre saut à la Poste où j'ai oublié ma carte bancaire. Et je toque chez ma gardienne afin qu'elle me permette de déposer mes emplettes chez moi car j'ai claqué la porte sans m'emparer de mes clés.
Je marmonne dans ma barbe, je me traite d'andouille, de cloche à fromage.
À peine franchi le seuil de la laverie, je trouve mon linge dans une panière. Une jeune femme penaude bredouille :
- Je... les machines étaient toutes pleines... la vôtre était terminée...
- J'imagine que vous alliez m'attendre.
- ...
- Vous n'alliez pas partir en laissant mon linge seul dans la panière...
- Non non non.
Je la remercie et je prends congé, mon linge dans un sac, sous le bras.
De retour chez moi, je constate qu'une chaussette manque à l'appel. Tiraillé entre le à-quoi-bon-aller récupérer-la-chaussette à deux pâtés d'immeubles et le j'y-retourne-pour-le-principe, et la chaussette, je soupire.
La jeune femme me reconnaît. Nous scrutons la machine n°8 qui tourbillonne déjà avec son linge et ma chaussette.
- Il me manque une chaussette.
- ...
- Que fait-on ?
- ...
- Je vous donne mon adresse, le code de l'immeuble et vous glissez la chaussette dans ma boîte aux lettres.