1. Réglons la question de suite : la Guadeloupe, encore l’ici ou déjà l’ailleurs ?
Peut-être en fait: France ou pas France, non? Oui pour ce qui est des panneaux routiers, des enseignes, des panneaux publicitaires au bord des routes. Une impression de familiarité, de déjà-vu. Les mêmes produits dans les rayons. Les monuments aux morts, les drapeaux au fronton des mairies... Et bien sûr la langue. Mis à part cela, le sentiment rapide d’une «France », certes, mais différente... « Les Antillais ne savent pas s'ils sont des Français à part entière mais ils savent qu'ils sont des Français entièrement à part » Aimé Césaire, 1968.




4. Qu’est-ce que tu gardes et qu’est-ce que tu jettes ? Je prends tout. D'abord parce que je n'ai pas le choix (ce qui rend sage) et parce que ça romprait l'équilibre. Enfin quand même... pour moi comme pour tous, j'éliminerais bien jusqu'au dernier cette punition de la nature qui accompagne ces contrées paradisiaques, ce vampire domestique qu'est le MOUSTIQUE, qui en plus semble adorer les peaux exotiques qui embarquent à Orly Sud... A nous trois nous avons déjà dû donner des litres de sang, une plaie. Je jette aussi une conduite fantaisiste sur la route (¡Madre mía !je me demande si on enseigne ici le même code que là-bas, à voir...), des embouteillages permanents, des voitures sans feux stops, partout tout le temps.


5. La Guadeloupe, une porte vers l'expatriation ? Oui, par bien des aspects c'en est déjà une, comme je te le disais. Être ici c'est reconnaître des détails familiers sortis de leur contexte d'origine. Le décor est ressemblant mais la pièce est tout autre. C'est une France américaine, un peu déclassée, où la nature est superbe et la ville cassée. Il faut changer certaines de ses habitudes et revoir ses attentes, comme on l’avait fait pour vivre en Inde, par exemple. C'est un mélange de population qui donne parfois l'impression que l'on reconstitue des scènes historiques : chacun est à sa place, qu'il le veuille ou non, on lui assigne un rôle et on attend de lui qu'il s'y conforme sans chercher à en jouer un autre. Ici, on n'aime pas l'usurpation d'identité. Tout ça est tour à tour surprenant, beau, laid, énervant, drôle, horripilant, amusant, émouvant.... Bref, c'est un précipité de vie que je suis heureuse de partager avec cette terre et ceux qui la peuplent.