[Critique] LA VALLÉE DES LOUPS
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Note:
Origine : France
Réalisateur : Jean-Michel Bertrand
Distribution : Jean-Michel Bertrand
Genre : Documentaire
Date de sortie : 4 janvier 2017
Le Pitch :
Jean-Michel Bertrand nous entraîne dans une grande aventure. Celle de la quête des loups sauvages, au plus profond de la montagne. Aventure et images extraordinaires au rendez-vous…
La Critique de La Vallée des Loups :
Il y a de ces animaux mythiques et charismatiques qui de part leur histoire millénaire partagée avec l’Homme suscitent curiosité, peur mais aussi fascination. Ces animaux de légende pourtant bien réels, inspirent le cinéma et l’art en général depuis fort longtemps. C’est le cas des loups, des requins ou encore de certains grands mammifères marins comme les cachalots ou les orques, mais c’est aussi le cas dans une autre mesure, des aigles royaux. Les grands rapaces sont d’ailleurs brièvement évoqués au début de La Vallée des Loups, et ils avaient déjà fait l’objet d’un film également signé Jean-Michel Bertrand, intitulé Vertige d’une rencontre, en 2010. Le loup, nouveau sujet du réalisateur est quant à lui un animal autochtone de la faune française, présent sur le continent européen depuis des millénaires. Grand canidé et donc redoutable prédateur, il a été exterminé par l’Homme dans le passé. Les derniers loups ayant survécu à cette chasse impitoyable menée depuis plusieurs siècles sur le territoire français, ont été tués dans les années 30. C’est plus tard, dans les années 80-90 que le prédateur est réapparu en France, sans jamais cependant avoir été réintroduit. La première observation confirmée du retour du loup sur le sol français fut faite en 1992, dans le Parc national du Mercantour. Les loups sont revenus naturellement par les Alpes depuis l’Italie, lentement et par étapes. Rappelons que les loups n’ont jamais été exterminés en Espagne et en Italie. Aujourd’hui, les associations environnementales et les organismes spécialisés estiment la population de Canis Lupus à environ 300 individus sur tout le territoire, voire moins. À titre de comparaison, ils étaient des milliers il y a de cela trois siècles.
Le loup fait donc partie de notre culture. L’espèce est davantage présente en Espagne et en Italie, pays dans lesquelles elle n’a jamais disparu, et où elle est strictement protégée. Ce qui n’est pas le cas en France, car même si Canis Lupus est protégé par plusieurs conventions européennes et internationales, cela n’empêche pas qu’un certain nombre de prélèvements (chasse) d’individus soient effectués chaque année, sur arrêtés préfectoraux. Cet état de fait, et le statut du loup, qui inquiète de plus en plus les ONG et certaines associations, ont entraîné le réalisateur à ne pas révéler les lieux exacts de tournage, pour ne pas mettre en péril les individus et la meute qu’il a pu approcher, après de longs mois de patience. Le tournage du film a en effet duré trois ans. On sait cependant que les superbes images ont été capturées dans les Hautes-Alpes. Les prédateurs, de façon générale, inspirent la peur et donc la défiance. Actuellement, pour ne citer qu’eux, les requins sont en danger d’extinction, tandis que les loups sont menacés dans certaines régions du monde en raison d’une chasse excessive, mais aussi parfois d’une perte de leurs habitats. La Vallée des Loups permet une autre vision, celle d’un animal craintif qui globalement essaie de vivre au plus loin des Hommes.
C’est donc une approche amicale qui met clairement en avant le fait que le loup est plutôt craintif.
Le loup, un prédateur de légende qui inspire le cinéma
le loup est présent sur Terre depuis des millénaires, il partage avec l’Homme une histoire commune riche, passionnante mais aussi déchirante. Longtemps chassés car craints, les loups bénéficient aujourd’hui d’une protection relative qui varie en fonction des lieux géographiques. Apprivoisés il y a plusieurs millénaires par l’Homme, ils ont notamment donné naissance aux chiens. Le loup est à la fois craint et redouté mais aussi admiré et vénéré, ce qui lui vaut une position toute particulière auprès des gens mais aussi dans l’imaginaire collectif. Le loup continue de fasciner et d’émerveiller et tout un mythe est né autour de l’animal. Sa représentation au cinéma est donc très conséquente. De bête féroce assoiffée de sang dans Le Territoire des Loups, film poignant mais critiqué pour sa vision erronée du prédateur – le réalisateur Joe Carnahan répondra aux critiques en mentionnant qu’il s’agit simplement d’une fiction et surtout d’une métaphore – à la vision amicale et douce de Croc Blanc, où un loup se familiarise peu à peu avec l’être humain, le canidé imposant fait régulièrement son apparition sur les écrans. Dans le très célèbre Danse avec les Loups de Kevin Costner, il est également vu comme un ami à respecter, comme c’est le cas dans Le Dernier Loup de Jean-Jacques Annaud sorti en 2015. À contrario, dans La Bête du Gévaudan ou Le Pacte des Loups comme dans le très célèbre conte du Petit Chaperon Rouge, maintes fois adapté sur petit et grand écran, c’est une nouvelle fois l’image de la bête féroce et menaçante qui l’emporte. Depuis le XVIIIe siècle, les loups ont été étudiés et leur réputation auprès des gens a évolué. Ils ne sont plus perçus comme des animaux féroces, mais plutôt comme des prédateurs intelligents, très sociaux, craintifs envers l’Homme, et vivants au sein de meutes extrêmement soudées. La Vallée des Loups s’inscrit très clairement dans une démarche authentique, s’évertuant à rendre à Canis Lupus son contexte de vie et donc sa réalité. Filmer les canidés dans leur espace naturel de vie pour étudier leur comportement réel en nature sauvage, et ramener des images honnêtes qui permettent une meilleure approche de cet animal majestueux, tel était l’objectif de la démarche. Le film propose également de nombreuses très belles images d’autres espèces comme les rapaces, les cervidés ou encore les renards, pour ne citer qu’eux.
Un documentaire d’aventure, l’approche des loups sauvages
La Vallée des Loups est un documentaire tout à fait singulier qui diffère beaucoup de ce que l’on a l’habitude de voir dans ce genre. Prenant le contre-pied d’un documentaire animalier commun, le film de Jean-Michel Bertrand propose tout autre chose. Il s’agit en effet plutôt d’un récit d’aventure, surprenant, original et bénéficiant d’images incroyablement belles, où le premier élément frappant est l’authenticité. Le protagoniste principal de ce récit est son réalisateur, qui de bivouac en bivouac, à pieds, en ski ou à cheval, parcourt les cols montagneux afin de trouver et de filmer les loups, avec le plus grand des respects. On peut également voir le réalisateur dormir sous une tente, à la belle étoile ou au coin d’un feu. On le voit aussi subir la violence d’un terrible orage, marcher durement dans des zones très enneigées, seul au monde, n’ayant rien d’autre qu’une caméra pour seule compagnie. De temps à autre, ses deux chevaux le rejoignent cependant sur quelques portions du voyage. Cette façon de filmer le périple est plutôt attrayante et revigorante car cela permet non seulement de se fondre dans la quête du réalisateur, d’observer l’aventurier en pleine nature mais cela développe aussi chez le spectateur le goût du voyage et de la découverte. Évidemment, Jean-Michel Bertrand est un montagnard chevronné qui n’en est pas à son coup d’essai. L’immense point positif dans tout ça, c’est la fascination et le respect sincère que ce dernier voue au loup. Cela garantit un tournage respectueux du grand prédateur et de son environnement mais également un objectif honnête. Sans compter que le tournage n’a pas nécessité de grandes équipes omniprésentes sur les territoires sauvages et reculés, mais la simple présence de Jean-Michel Bertrand et de son matériel. Le résultat obtenu est un film authentique qui n’appartient qu’à lui-même, difficile à mettre dans une case. La Vallée des Loups est un film animalier loin des sentiers battus et de la grande industrie, qui s’offre même une séquence somme toute assez surprenante. Mais malgré tous ces points positifs, on regrettera cependant une mise en scène quelque peu redondante, un manque d’entrain et des réflexions distillées tout du long, pas forcément intéressantes. Était-on vraiment obligé d’observer le réalisateur manger sa biscotte au beurre tous les matins et uriner aux quatre coins de la montagne ? Rien n’est moins sûr. Cette répétition malheureuse de certaines actions et un bavardage trop important nuisent à l’ensemble général.
Critique négative mise à part, La Vallée des Loups demeure un documentaire à saluer pour bien des raisons. Tout d’abord, c’est un projet concrétisé de grande envergure, qui a nécessité beaucoup de travail. Le film s’étale sur de longs mois, faisant défiler la pellicule au fil des saisons, nous emportant des douceurs du printemps aux couleurs magnifiques et flamboyantes de l’automne, jusqu’à l’univers étendu de blanc, manteau hivernal sublime recouvrant la montagne aux froides saisons. Au-delà de son aspect visuel indéniablement beau, le documentaire délivre aussi un message salutaire, discret mais bien présent, celui de la protection du loup, cet animal millénaire extraordinaire, seigneur des forêts européennes. La technique d’observation par immersion respectueuse porte aussi l’idée qu’il n’y a rien de plus émotionnellement fort que d’observer les animaux dans leur habitat naturel. Pour expliquer ce choix, Jean-Michel Bertrand s’est exprimé en ces mots :
« À l’état sauvage ces grands prédateurs évoluent librement sur d’immenses territoires. Ils ont des comportements sociaux et territoriaux à la hauteur de ces grands espaces. J’ai du mal à comprendre l’intérêt de raconter le sauvage en filmant des animaux captifs ou apprivoisés. Pas de liberté, pas de poésie, pas de magie. Seulement une image sur papier glacé, vide de son sens. Une imposture. »
En Bref…
La Vallée des Loups est un film immersif et prenant, qui a le grand mérite d’avoir ramené des images insolites de loups sauvages mais aussi de nombreux louveteaux dans leur milieu naturel. La Vallée des Loups aussi est aussi une ode à la liberté, au respect et à la préservation de la nature, source éternelle d’émerveillement.
@ Audrey Cartier