Adaptée du roman d’Olen Steinhauer, Berlin Station n’est pas spécialement la série d’espionnage la plus convaincante du monde mais elle a des choses à raconter. Elle a beau mettre un peu de temps pour montrer ses capacités, elle parvient assez rapidement à proposer quelque chose de réellement divertissant et accrocheur. Ce à quoi je ne m’attendais pas du tout compte tenu des débuts de la saison. Au début, on a l’impression de voir plus ou moins une réécriture de l’histoire de Snowden en version beaucoup moins sympathiques. Mais la série se sert de son point de départ afin de proposer une dynamique différente de ce que j’avais imaginé au départ, ou encore laissait entrevoir les deux premiers épisodes. Bien entendu, ce n’est pas la meilleure série de la saison mais il se passe un truc. De plus, nous sommes plongés à Berlin, une ville où l’espionnage a été légion pendant des années avant la réunification. En se concentrant donc sur l’Histoire de cette bonne vieille Europe, Berlin Station parvient à connecter le genre espionnage proche du style de John le Carré à un truc plus exotique, provenant de l’Europe de l’Est, le tout mélangé à une bonne dose de thriller scandinave. Le mélange que l’on sort de cet ensemble ne colle pas toujours mais les personnages ont des choses à nous raconter, même dans les moments les plus longs de la série. Avec quelques bons clichés ici etc là, la série reste fidèle au genre et peut-être à ses travers.
Mais le côté cryptique de Berlin Station colle parfaitement à l’image que l’on peut vouloir de Berlin dans une telle série. On peut alors regretter que le réalisateur n’a jamais vraiment cherché à créer une ambiance particulière alors que Berlin est un terrain de jeu sombre fascinant pour un tel genre de série. A certains moments, Berlin Station parvient donc à trouver une certaine forme d’équilibre entre le suspense du complot et la dynamique que donne la chasse. Alors que l’on découvrait il n’y a même pas deux ans Deutschland 83 et que Homeland a déjà utilisé le terrain berlinois, l’Allemagne semble être à la mode dans les séries d’espionnage et un terrain de jeu qui plus est réellement intrigant. A certains moments, Berlin Station brise un peu la modernité des choses et l’on a l’impression de se retrouver en pleine Guerre Froide à l’époque du mur de Berlin. Si Berlin Station parvient à intégrer l’espionnage moderne à son récit (et la vision importante que l’espionnage peut avoir du monde arabe), ce n’est pas ce sur quoi Berlin Station cherche à concentrer tous ses efforts. La série veut un lien fort avec l’actualité tout en créant également sa propre vision des choses ce qui change un peu de ce que l’on avait pu voir jusqu’à présent. Cette série pourrait à certains moments faire penser à la brillante Rubicon (annulée trop tôt par AMC et qui reste parmi les meilleures séries de ces dix dernières années).
Bien entendu, Berlin Station ne s’enquiquine pas trop avec l’analyse et la réflexion poussée (ce qui faisait aussi l’un des intérêts de Rubicon) mais parvient malgré tout à donner à l’ensemble de ses histoires un but qui vaut le coup. Thomas Shaw, ses révélations sur la CIA, etc. cela ne peut que faire écho à l’actualité récente (Julian Assange, Edward Snowden), ces whistlerblowers qui ont su changer la vision que le grand public peut avoir des grandes institutions d’espionnage. On apprend à connaître chacun des personnages au fur et à mesure mais ce n’est peut-être pas non plus ce qu’il y a de plus intéressant dans Berlin Station. En choisissant de ne pas avoir une narration unilatérale, la série parvient à délivrer plusieurs points de vue différents et de les opposer à sa façon. Entre cynisme et morale, Berlin Station écueil alors au fil des épisodes un truc qui a la chance de sortir un peu du lot. Je dis bien un peu. Car oui, la série a encore des efforts à faire (si jamais une saison 2 est commandée) pour nous donner une impression différente de l’ensemble des choses et peut-être casser la banalité de certains moments qui pâtissent justement de ce côté parfois trop classique et trop sobre. Une mise en bouche qui mériterait donc bel et bien une suite, ne serait-ce que pour savoir si Berlin Station est capable de tenir son postulat de départ tout en se renouvelant constamment.
Note : 5.5/10. En bref, une série d’espionnage avec de l’ambition mais pas toujours les moyens pour la mettre en oeuvre.