Jim Sullivan est le
chanteur préféré de Dwayne Koster qui aime écouter son disque le plus connu, UFO. Titre devenu mythique après la
disparition – réelle – de Jim Sullivan, évaporé comme s’il avait été emporté
par un OVNI (UFO en anglais) au
Nouveau Mexique, près de Santa Rosa. On n’a retrouvé que sa voiture. La légende
est en marche et Dayne Koster court derrière elle dans le roman qu’a écrit le
narrateur de La disparition de Jim Sullivan, livre où Tanguy Viel fournit les clés d’un ouvrage que nous ne
lirons pas. Tout en amassant sur lui un tas d’informations. Pourquoi et comment
cette histoire est née de la volonté d’écrire un roman américain après en être
longtemps resté aux romans français : « Mais
ces dernières années, c’est vrai, j’ai fini par me dire que j’étais arrivé au
bout de quelque chose, qu’après tout, mes histoires, elles auraient aussi leur
place ailleurs, par exemple en Amérique, par exemple dans une cabane au bord
d’un grand lac ou bien dans un motel sur l’autoroute 75, n’importe où pourvu
que quelque chose se mette à bouger. »
Il faut être mainstream ou disparaître comme auteur,
c’est en gros ce que pense l’écrivain quand il accroche une carte des
Etats-Unis au mur de son bureau et choisit Detroit comme décor – une ville où
un habitant peut voir jusqu’à trois mille deux cents vitres en même
temps : « Je n’ai jamais bien
compris ce que ça voulait dire, trois mille deux cents vitres en même temps,
mais, me suis-je dit, si j’écris une chose comme ça dans mon roman, alors on
pourra comprendre que mes personnages habitent une grande ville complexe et
internationale, une ville pleine de promesses et de surfaces vitrées. »
Puis il faut donner au personnage principal, Dwayne Koster, les
caractéristiques d’un héros de roman américain : la cinquantaine, une vie
sentimentale qui s’est compliquée, enseignant à l’université, lecteur de Moby Dick… Il faut aussi introduire des
flash-backs, même inutiles, fournir des détails en abondance, intégrer les
attentats du 11 septembre 2001, imaginer un adultère, « un point très important du roman américain, l’adultère »,
etc.
Il faut surtout, et Tanguy Veil s’y emploie avec
une redoutable efficacité, démonter les clichés du roman américain standard, autant
dire une série télévisée, jouer avec eux et les remonter autrement. Le grand
meccano de la fabrication littéraire dévoile ses rouages, à la fois simples et
sophistiqués. C’est formidable de drôlerie et d’intelligence.