(anthologie permanente) Pascal Commère, "une salamandre morte, ou peut-être pas"

Par Florence Trocmé

Pascal Commère publie Aumailles, aux éditions Les Découvreurs.
ÉCRIT PENSANT À VOUS
PASSANT PRÈS D’UN RUISSEAU
Aussi, pensant à vous, talus je voudrais dire
la petite lumière des villages, à l’entrée, vue d’en bas
et la route, entre les clôtures, qui monte, et l’odeur âcre
des troupeaux – ça prend d’en bas, comme les sources
(toujours dans l’eau une branche noire) talus j’aimerais
écrire de très loin et, de chaque côté, on ne voit
vos bosses que cela et d’autres mes talus, le cou
d’une bête qui enfle entre les fils se penchant,
et l’herbe en graine et grasse – talus est-ce
que ça vous console. Par les petits trous je voudrais
– les bêtes leurs yeux brillants, comme elles passer la tête
aussi où la terre s’ouvre, et la poser – est-ce que c’est
demander, et ce qu’il faut pour voir – ce n’est pas trop,
la petite lumière là-bas, je pense à vous, qui brille.
/
Poème, ballot de pluie, j’ai regardé
les bêtes se levant et le taureau qui flaire
vers l’épais – ce qui bouge, ou qu’on croirait :
l’herbe un peu rose et rien qui monte des graines,
ce qui est clair, sous la pluie, le ciel
plus foncé au-dessus des fermes.
Et je suis resté, à cause de cela
qui venait des collines un peu plus haut,
à regarder encore. Et la pluie
s’est mise à tomber à verse et j’ai marché
où le chemin longtemps s’accroche aux clôtures,
qui font comme du poil d’hiver et penchent
par endroits – c’est une autre saison devant,
je regardais au loin, et presque rien
ou un peu de brume, et je pensais à cela aussi
parce que les graines allaient mûrir avec le vent.
Et rien ne bougeait, et je n’y croyais pas.
(Ce qui bouge)

/
Un autre jour sur le canal – on dit
cela ici pour dire le halage :
une salamandre morte, ou peut-être pas
et, quand je la prends dans ma main, elle bouge
très faiblement. Et moi je pense,
dans le monde fragile, à toutes les choses
comme ça presque mortes ou pas encore,
et cela dans le froid remue – ventre étroit,
pâte pleine la couleur prise, le jaune très épais
dans sa propre couleur. Ou c’est peut-être
de la bave, ou le gris lentement qui vient,
ciel et cailloux – le froid
(Salamandre)

Pascal Commère, Aumailles, Les Découvreurs, 2016, pp. 39 à 41.
Pascal Commère dans Poezibao :  
bio-bibliographie, annonce parution Annonce de passage d’un dix cors….., extrait 1, Graminées et Les Commis (parution), extraits 2, ext. 3, ext. 4,