"...Comment pourrais-je me permettre un monde, que je ne vois qu'au passage?"
-A.D.
Il y a ces publicités qui roulent depuis fin décembre sur l'ouverture de discussion autour de la maladie mentale. J'ai un léger malaise sur les visages montrés, un noir, un asiatique, deux femmes blanches, quand on sait que c'est l'homme blanc, en tout cas en Amérique, qui est le plus atteint par la maladie, ça me fait toujours drôle de ne jamais le voir ailleurs que quand il est trop tard aux nouvelles.
Elles suivent toutes le même concept. Une première personne parle, face à la caméra, de sa manière de composer avec la maladie mentale. Il y a cette très jolie jeune femme qui nous parle calmement de sa manière de gérer la maladie, puis la caméra zoom out légèrement et texte et image nous font comprendre qu'elle parlait de son chum, afro-américain. Il y a cette autre version, où un jeune homme parle de son coéquipier de hockey, son gardien de but, la caméra zoo-out, voilà les traits asiatiques. Il y a cette troisième version où Marie-Soleil Dion plaide sa cause. Finalement, il y a cette dernière version, peut-être y en a-t-il d'autres, et celle-là me bouleverse chaque fois.
Je ne sais trop si on a affaire à deux comédiennes ou si il s'agit d'une scène réellement sentie parce que réellement vécue, mais si ce sont deux comédiennes, il faut leur donner des rôles ailleurs, elle me font pleurer chaque fois. Il s'agit d'une adolescente qui nous parle de sa mère et qui la félicite d'aller mieux depuis qu'elle lui parle de sa maladie mentale. Elles ont toutes deux les yeux dans l'eau. Et chaque fois je m'arrête, les écoute, les regarde, et ai les yeux dans l'eau aussi.
La jeune fille semble issue d'une union latino ou italo québécoise.
Je sais que la maladie est partout. Je ne critique pas la chose. Mon malaise réside dans le fait qu'on semble nous dire que la maladie ne peut pas (outre M-S Dion) être purement québécoise. Elle est toujours importée de source étrangère.
C'est leur manière de nous dire qu'il y a encore beaucoup d'inconnu dans la maladie mentale?
Subtil, si c'est le cas.
Mais vrai.
Il faut parler de la maladie mentale. Il y en a beaucoup plus qu'on ne le pense. À divers degrés. Il y en a actuellement dans l'équipe Présidentielle à venir et à sa tête.
Dans l'absurde tuerie (ne le sont-elles pas toutes, absurdes?) de l'aéroport de Fort Lauderdale, un aéroport dans lequel nous atterriront dès jeudi, l'assassin se savait malade. Comme Marie-Soleil Dion mais en nettement plus incontrôlable.
Si sa famille dit vrai, mais on ne sait plus dans cette ère post-factuelle, le futur tueur a fait ce qu'il fallait alors faire et s'est livré lui-même aux autorités en disant qu'il entendait des voix et qu'il était victime de crises paranoïdes régulières. Ceux-ci l'ont gardé trois jours, puis il a été relâché. Ce n'est pas de l'avoir relâché le crime, c'est de l'avoir relâché armé.
Lancé dans ce monde qu'il ne comprenait plus. Et auquel il a tourné le dos à jamais. Grâce à son arme.
Je ne suis pas en faveur de la peine de mort, mais que faire dans un cas comme celui-ci?
Le monde ne lui parle plus!
Et quand lui, parle au monde, celui-ci ne l'écoute pas.
Ou pas assez.
Dur de ne pas penser que les choses ont été faites dans l'ordre en ce qui le concerne.
Sauf son geste final.
Qui le soustrait à nos vies tel qu'on le conçoit.
Il avait fait en sorte de vouloir être écouté dans ce monde là.
Et on le lui a refusé.
Ça n'excuse pas du tout son geste.
Mais des gens qui auraient faire plus que tendre l'oreille ont 5 morts et des familles éplorées sur la conscience.
La maladie mentale doit être entendue.
Autrement qu'à coup de fusil dans le sale pays qui s'en glorifie (du fusil).
Mais une fois entendu, saura-t-on quoi faire?
Cette fois-là, on a pas su.
Le tabou est facile à comprendre autour de la maladie mentale quand il mène
Le tabou naît d'une peur et celle-ci naît de l'ignorance.
Le gris est couleur de nuance, mais il est aussi couleur de brouillard.
Voyez déjà comme ça peut être compliqué?
Pour ces gens, l'image devient floue.
On sait encore trop peu ce qui rend tout ça trop flou pour eux.
Il s'agit d'une chimie cérébrale et hormonale complexe. D'une intensité dure à calibrer.
Parlons pour que ce flou ne le soit plus.
Le soit moins.
Parlons pour que le tabou ne le soit plus.
Le soit moins.
Ne serais-ce que pour apprendre à y répondre, savoir quoi faire. Où la placer? Comment la gérer?
La peur se dompte.
Nous irons alors tellement mieux.