Agnes b plébiscite la première hypothèse avec deux ! même si elle a conscience que la mort n'est pas une illusion. Elle a choisi 70 œuvres dans son immense collection qu'elle partage avec le public du musée de l'Immigration.
Cela fait des années que la créatrice ouvre l'espace de ses boutiques à l'art contemporain, en particulier la photo. La galerie du Jour (44 Rue Quincampoix, 75004 Paris) est ouverte depuis 1984.
Des années aussi qu'elle soutient (souvent sans que personne ne le sache) des actions artistiques. C'est une mécéne et une collectionneuse, à l'instar des Billarant, lesquels n'ont pas "besoin" qu'un musée les accueille puisque il ont aménagé le leur, dans un Silo à Marines (94).
J'ai visité cette exposition, qui vit hélas ses derniers jours de présentation. Ne manquez pas d'aller "feuilleter" ce carnet dont les chapitres sont calligraphiés de la main si élégante de cette femme exceptionnelle. Sauf mention particulière les oeuvres sur lesquelles je me suis arrêtée proviennent de la Collection agnès b.
La première photographie est un tirage de Ryan McGinley, Whirlrwind, 2004. Il introduit avec poésie l'exposition qui nous emporte dans le tourbillon de la vie.
Aux côtés des grands maîtres du noir et blanc du 20e siècle, figurent - dans une collection toujours curieuse de talents émergents - les regards de jeunes artistes qui témoignent d’amours naissantes : un baiser évanescent de Vincent Michéa, Baiser VI n°221, acrylique sur toile, 2011
Ils explosent de couleur avec le Pre-Kiss (2010. Digital C-Print monté sur aluminium) de la jeune Olivia Bee, artiste repérée via son blog, sans prétention autre qu’émotionnelle, et dont le travail a été exposé en 2014 dans la galerie d’agnès b. de NewYork. La dimension monumentale du tirage participe à l'émotion.
Au chapitre de la danse, cette photographie de Malick Sidibé, Nuit de Noël 1965, illustre encore selon moi l'amour. Elle figurait d'ailleurs dans le parcours de Love Stories au Quadrilatère de Beauvais (60) aux dernières Photaumnales.
"Dansez !" est une joyeuse injonction en néon multicolore de Claude Lévêque, artiste exposé par agnès b dès 1997 tandis que la danse que pratiqua Agnès adolescente est évoquée par une paire de chaussons roses.
La question de l'identité était un autre incontournable puisqu'elle est au cœur de la raison d’être du Musée national de l’histoire de l’immigration, qui présente deux oeuvres tirées de ses collections. J'ai retenu les Hittistes (littéralement "qui tiennent les murs") dont il émerge une impression de dépouillement et de grande solitude. Djamel Tatah peint inlassablement les mêmes personnages. Celle-ci (Sans titre, Djamel Tatah, 2008 © Musée national de l'histoire et des cultures de l'immigration) peut se lire comme l’allégorie d’une certaine jeunesse d’aujourd’hui, que l’on retrouve de part et d’autre de la Méditerranée, dans les rues de France ou d’Alger. L'artiste assume son geste :
En progressant vers le fond de la salle on remarque une œuvre phare : Deux clans, deux familles d’Annette Messager, qui fut réalisée et présentée en 1998 dans ces mêmes espaces par le Musée national des arts d’Afrique et d’Océanie dont les collections ont rejoint depuis le Musée du quai Branly tandis qu'agnès b faisait l'acquisition de l'installation d'Annette Messager.
La collection d’agnès b. abonde d'oeuvres liées à l'écriture, sous toutes ses formes et avec tous les outils scripteurs imaginables, y compris le néon. Le tableau de Denis O. Callwood, Jasmine (from the Gang Series), 1993-2007. C-Print, lance le débat.
La révolte emprunte des voies diverses. Elle survient comme dans la vidéo radicale de Regina José Galindo, qui met en scène sa marche téméraire contre la candidature d’un dictateur au Guatemala en 2003. On la voit avancer devant les militaires, portant une cuvette de sang, qu'elle pose régulièrement par terre pour y tremper un pied et poursuivre son avancée en laissant une trace rouge.
On ne pourrait la manquer. L'immense installation Medicaments City, ville bienveillante où tous les habitants auraient droit aux soins, façonnée par Bodys Isek Kingelez en 2003 occupe une place de choix au fond, devant une verrière qui donne sur Paris. Agnès b suit cet artisan de cités utopiques en matériaux de récupération, depuis l’exposition Magiciens de la Terre, en 1989.
Elle investit ensuite les domaines de l’installation et de la sculpture. Elle s’empare d’objets familiers, domestiques et intimes, qu’elle ne cesse de métamorphoser. Ainsi, avec Bukhara, elle inscrit en creux un planisphère sur un tapis persan aux dessins géométriques, faisant référence à l'exil de ses parents, contraint en 1948, sous la pression israélienne, de quitter leur maison de Haïfa et de s’exiler au Liban, et devant abandonner une grande partie de leur importante collection de tapis.
VIVRE !! La collection agnès b. au Musée national de l’histoire de l’immigrationDu 18 Octobre 2016 au dimanche 8 Janvier 2017Du mardi au vendredi de 10h à 17h30. Samedi et dimanche de 10h à 19h.L'entrée est gratuite pour les moins de 26 ans et pour tous le premier dimanche de chaque mois.Musée de l’histoire de l’immigration - Palais de la Porte Dorée293, avenue Daumesnil, 75012 Paris
Avec des oeuvres de Pierre Ardouvin, Eugène Atget, Roger Ballen, Banger, Jean-Michel Basquiat, Olivia Bee, Alighiero Boetti, Anastasia Bolchakova, Emmanuel Bovet, Brassaï, Henri Cartier-Bresson, Andre de Dienes, Claudine Doury, Robert Filliou, Nat Finkelstein, Martine Franck, Regina José Galindo, Gilbert & George, John Giorno, Nan Goldin, Emmet Gowin, Raymond Hains, Lucien Hervé, Rodolf Hervé, Katsuhiko Hibino, Bodys Isek Kingelez, Claude Lévêque, Helen Levitt, El Lissitzky, Ryan McGinley, Annette Messager, Duane Michals, Vincent Michéa, Radenko Milak, Pierre Molinier, Dennis O.Callwood, Antionette Ohannessian, Abbé Pierre, Damir Radovic, Man Ray, Clare Richardson, Willy Ronis, Paul Seawright, Malick Sidibé, Ernest T., Claire Tabouret, Rirkrit Tiravanija, Alan Vega, Andy Warhol, Gillian Wearing, Weegee, Christian Xatrec, et quelques autres des collections d'art contemporain du musée, Kader Attia, Mona Hatoum, Chéri Samba, Roman Cieslewicz, et Djamel Tatah.