Au bruit de leurs sabots, ils sont partis en guerreSuivis de godillots écharpés des couleursD’un drapeau lessivé par des flots de misère. Ils se chauffent la voix ; ils mâchonnent des fleursQu’ils offrent en marchant.
Des gens leur prêtent plume et nom qu’ils asservissent,
D’autres cirent leurs pompes à l’étape du jour,Tandis que des valets rompus à leur serviceTentent de transmuter leurs rots en mots d’amourQu’ils mâchent en bêlant.Ils signent des livrets qu’ils n’ont jamais écrits,Clament des airs martiaux qu’ils n’ont pas composés,Haranguent les cohues qu’ils ont pourtant meurtries,Leur promettent l’Eden qu’ils ont déjà ruiné…Et vont en souriant.Leur désir les précède et les suit pas à pas :Le maroquin, le siège, un perchoir, une estrade.Leur langage est de bois, leur onction de prélat ; Ils bénissent leurs ouailles sur un air de ballade,Se voient déjà régnant.Un rien leur fait honneur, un moins que rien les gave.On les flatte, on les brosse… ils aiment, se rengorgent.Dans leurs cités on meurt de froid. Pour eux, le graveEst d’abord et surtout le destin qu’ils se forgentSur le feu des mendiants.On dit qu’il en fallait, qu’il en faut, en faudraDe ces guerriers nourris loin des lignes du front.On veut nous faire croire que, pour nous, les beaux drapsSont promis si un jour nous leur faisons l’affrontDe vivre en les chassant.On dit dans les gazettes et sur l’onde servileQue l’espoir est en eux, qu’ils sont notre avenir.Dans les palais dorés, loin des campagnes "viles"On promet le bonheur avec eux, et le pireSans eux. "Gloire aux sortants !"Au bruit de leurs sabots, ils sont partis en guerreSuivis de godillots écharpés des couleurs :Bleu de ciel, blanc de neige, rouge du sang des pères.Ils se prétendent seuls à brandir la valeurHéritée sans talent.Peuple, allons, debout ! C’est assis qu’ils nous voient.Dressons-nous d’un seul corps, et précédons leurs pas.C’est à nous, citoyens, de leur ouvrir la voieDu devoir, du respect, et… d’un juste trépasS’ils trompent en mentant !Salut et Fraternité.