Innover grâce à l’anthropologie

Publié le 06 janvier 2017 par Diateino

Les grands groupes ont de plus en plus recours à des anthropologues, voire en embauchent à temps plein : Lego, IBM ou encore Carrefour font partie des entreprises souvent citées pour illustrer le recours fructueux à l’étude des comportements humains en situation.

Ainsi, des anthropologues sont allés dans des hypermarchés observer comment nous faisons nos courses. Ils ont repéré notre tendance à éloigner le chariot lorsque nous souhaitons interagir avec le vendeur de poissons ou lorsque nous approchons des bouteilles de vin. Ils nous ont vus peiner avec les packs d’eau et écraser des fruits sous un baril de lessive. Ces observations ont ensuite aidé des designers à concevoir des chariots ergonomiques qui rendaient l’expérience client plus facile, plus fluide.

Christophe Rebours et Inès Pauly utilisent cet exemple dans leur ouvrage L’Expérience, le nouveau moteur de l’entreprise pour montrer combien ces démarches aident à innover, à améliorer l’expérience client et à faire évoluer son business model. Ils ont interviewé Cécile Troquart, Group Insights Director chez Kingfisher, le groupe européen de magasins de bricolage. Elle mène depuis plusieurs années des enquêtes au domicile des clients afin d’observer « la réalité de leur habitat et du bricolage ». Son témoignage permet de repérer les apports d’une telle démarche.


Quels bienfaits attendre d’une démarche d’observation anthropologique ?

– Mesurer l’écart entre l’usage recommandé par le vendeur et l’usage réellement pratiqué par le client. En regardant leurs clients commencer des travaux de peinture chez eux, les collaborateurs des magasins de bricolage ont été étonnés de voir que la plupart réutilisent des pinceaux usagés et pas toujours adaptés à la surface. Comment mieux les aider en amont, quelles questions leur poser lorsqu’ils viennent acheter des pots de peinture ?

– Mieux percevoir la variété des situations et des clients. Lors de la restitution des observations, les collaborateurs avaient le sentiment d’assister à une collection de situations atypiques. Ils ont ainsi réalisé que leurs clients ne sont pas que des passionnés de bricolage. La plupart d’entre eux se trouvent obligés de bricoler car ils n’ont pas les moyens de faire entretenir leur habitat par un professionnel. Ils n’ont parfois qu’un savoir-faire et un budget très limités. Comment aider ces clients à mener leur projet en tenant compte de ces contraintes ?

– Aider à lever les biais cognitifs. Les biais cognitifs et la subjectivité limitent la capacité de porter un regard neuf et critique sur les produits et services offerts par l’entreprise. Les collaborateurs et les dirigeants n’ont pas toujours la distance et les outils pour tirer parti des observations qu’ils font sur le terrain. Le regard distancié de l’anthropologue les aide à suspendre leur jugement.

– Produire un effet « révélation » qui convaincra les collaborateurs de la nécessité de changer. La restitution des observations, à base de vidéos et photos, génère souvent une brutale prise de conscience de dysfonctionnements, de goulets d’étranglements ou d’usages inattendus. Les images touchent nos émotions et facilitent l’adhésion. La conduite du changement à mener en sera d’autant plus facile.

– Réalimenter l’attachement à l’entreprise et à sa raison d’être. Observer des clients en train de bricoler a aidé les collaborateurs à se recentrer sur le service apporté au client, à retrouver du plaisir et de la curiosité dans leur travail.


Ces observations constituent un point de départ à une démarche d’innovation et d’amélioration de l’expérience client, voire à une évolution du business model. Le groupe Kingfisher s’est ainsi donné comme objectif d’aller vers une démarche davantage intégrative. Cécile Troquart formule ainsi la vision Kingfisher : « Permettre au plus grand nombre d’améliorer leur logement grâce à un accès plus facile aux produits, au savoir-faire et aux ressources. »

Et vous, s’il ne vous est pas possible de faire intervenir un anthropologue dans votre entreprise, comment pouvez-vous inspirer de ces techniques d’observation ?