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(feuilleton) Cécile Riou, "Phrase unique", 25

Par Florence Trocmé

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(…) vous aviez attaché vos faveurs, comme un ruban plus mince que la poignée de cheveux de Manon, celle qu'elle tient dans sa menotte, celle qui répand le parfum de la perfidie au-delà du salon, car c'est le moyen qu'emploie Manon pour témoigner à Des Grieux son amour, une machination de cheveux brandie à la face courroucée de son amant bafoué, qui n'est pas celui qu'on croit et qui ouvrant tout grand la porte, cause la perte et porte le venin de cette Cléopâtre, de cette Judith, et quoiqu'on s'attache plus facilement à Des Grieux – parce qu'il est narrateur ?- qu'à l'objet lumineux du désir, vous sentez bien que vous avez lu Manon, dans ce lieu même, que vous nommez ainsi(…)
(…) CHOSES QUI SENTENT BON
La fleur d'aubépine, le buisson d'aubépine, l'idée de la fleur d'aubépine
quand on est très amoureux, toutes les odeurs de celui qu'on aime
le crâne d'un bébé
l'herbe après la pluie
le gasoil après une panne de carburant
le pain frais (tout chaud)
l'approche des vacances
le savon tout neuf
presque tout ce qui est au four (avant le brûlé, et sauf les pièces de plastique à l'usine)
quand on est moins amoureux, les odeurs perçues positivement par  tout un chacun
la colophane (…)
(…) qui se trouve employée ici à trois reprises, ce qui ne la rend pas moins subtile et familière que la pluie, avec laquelle elle partage le sens de la musique (« aussi complexe qu’une mélodie de Messiaen », dit d’elle Richard Millet dans Musique secrète), elle qu’on ne fuit pas plus, qu’on ne déteste pas plus que la petite musique de pluie, sur le carreau, sur le trottoir, sous le petit toit du parapluie, qu’on ne désire pas moins que l’odeur de l’humus, qu’on attend pas moins que le milieu du jour, qu’on ne redoute pas moins que le soleil brûlant, elle vient s’ajouter aux (…)
 (…) CHOSES QUI ÉVOQUENT LA FRAÎCHEUR
les premières feuilles
la pochette, contenant le travail qui peut attendre un peu (sa couleur)
les asperges
la menthe verte
les lycéens
les matins d’avril
une lecture sincère, ingénue, rapide et incontrôlablement page turner d’un très bon livre
mais pas Georges Frêche ! (sinon sous son pseudonyme de Georges Lierre) (…)


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