Une partie de la droite qui aspire à reprendre le pouvoir suprême a d’ores et déjà annoncé que l’institution serait bientôt caduque… Simple menace? Ou réelle volonté de casser un «outil» déjà en action?
Les projets politiques d’envergure portent toujours en eux deux potentiels contradictoires: le meilleur comme le pire. L’exemple du Grand Paris, le plus vaste programme institutionnel et d’aménagement du territoire que notre pays a mis en chantier depuis longtemps, est l’un des plus emblématiques. Au départ, cette idée avait de quoi séduire, car elle pouvait –avec l’aide des compétences locales, et seulement à cette condition– déboucher sur un projet mettant en œuvre plus d’égalité et plus d’inclusion, et pourquoi pas «réparer» certaines des politiques publiques responsables d’inégalités sociales et territoriales d’espaces urbains en profonde mutation. Cette zone définie du Grand Paris n’est-elle pas le poumon économique de la France?
Reconnaissons que deux conceptions assez opposées s’affrontent encore aujourd’hui. L’une, libérale, vise à minimiser les champs d’action des collectivités locales pour réduire le plus possible la place et l’importance des services publics dans la vie quotidienne des citoyens. L’autre, que l’on dira «progressiste», consiste à valoriser le bien commun, sachant qu’il nous apparaît impossible d’imposer de réelles solidarités à cette échelle sans une intervention publique forte, au plus près des citoyens. Alors que nous fêterons en janvier prochain le premier anniversaire de la métropole du Grand Paris (MGP), une question reste donc pertinente: cette gouvernance métropolitaine rénovée peut-elle apporter des réponses concrètes et durables?
La conception même d’un Grand Paris s’éloignant radicalement des intentions imaginées et planifiées par Nicolas Sarkozy, du temps de sa présidence, n’est évidemment pas acquise. D’autant qu’un grand point d’interrogation demeure suspendu au-dessus de ce chantier comme une épée de Damoclès: une partie de la droite qui aspire à reprendre le pouvoir suprême a d’ores et déjà annoncé que l’institution serait bientôt caduque… Simple menace? Ou réelle volonté de casser un «outil» déjà en action? La région capitale ne manque ni de dynamisme, ni de créativité, ni d’atouts multiples. Car le Grand Paris ne concerne pas que la question des transports, mais également les questions de solidarité sociale et financière, de logement, de développement économique, d’aménagement durable, etc. Soyons lucides, la région souffre aussi des maux de notre époque. Comment oublier les quartiers populaires victimes de la crise sociale, de toutes les injustices et de discriminations révoltantes? Alors le Grand Paris, stop ou encore? L’affaire est loin d’être terminée. C’est dans cet esprit de débat, afin d’éclairer les citoyens concernés, et trop souvent maintenus à l’écart, que l’Humanité a organisé, en partenariat avec la mairie de Paris, un forum intégralement consacré à cette thématique, le 19 novembre dernier, dans l’une des grandes salles de l’hôtel de ville parisien, en présence d’un nombreux public. Vous trouverez dans ce numéro l’essentiel des retranscriptions de cette journée de travaux enrichissante. Pour que chacun puisse juger sur pièces. [EDITORIAL publié dans l’Humanité Dimanche, décembre 2016.]