C'est habituellement l'arme fatale, l'argument ultime, la réplique suprême qui est censée mettre fin à la discussion : le point Godwin. Il est avéré que quand un débat devient houleux, les nazis arrivent par-dessus le marché pour clore les débats. Un réflexe de Pavlov dont ils se délecteraient à coup sûr.
Malheureusement pour Vincent Peillon, le candidat revenu de nulle part, sortant de sa retraite, se sentant appelé et attendu comme le messi, la bonne parole n'a pas fonctionné ici. Peut-être qu'il a tout simplement surestimé l'utilité d'une telle facilité. A propos de la laïcité, sujet qu'il est censé maîtrisé du haut de son agrégation de philosophie, celui-ci s'est en effet laissé allé à de hasardeux amalgammes alors qu'il souhaitait jeter l'anathème sur l'extrême-droite.
-Boulette n°1 : Comparer la situation des Juifs d'il y a 40 75 ans à celle des Musulmans de nos jours.
Le premier faux pas de notre ancien ministre, qui nous offre ici une erreur de débutant, c'est de comparer la situation des Juifs pendant l'Occupation à celle des Musulmans aujourd'hui. Certes, il souhaite assimiler Front National au Vichysme, et amalgamme deux formes d'intolérance. Mais la maladresse provient surtout de l'ampleur des deux phénomènes. Certes, il existe une part de la population en France qui critique voire rejette l'Islam et les Musulmans. Mais il en a existé tout autant si ce n'est plus qui furent antisémites pendant les années 1930-40. Qui plus est, aucune action étatique ne vise actuellement les Musulmans en tant que groupe, ne les discrimine ni ne leur retire aucun droit pour ce qu'ils sont. Dans notre République, notre Etat de Droit, ils sont des personnes d'égale dignité par rapport aux autres habitants. Inutile bien sûr d'être un spécialiste pour savoir que les Juifs ont connu bien pire : un statut à part, l'humiliation de l'étoile jaune, les interdictions et la déportation pour 75 000 d'entre-eux...
-Boulette n°2 : Lier antisémitisme et "fanatisme" de la laïcité
Le second faux pas de Monsieur Peillon consiste à faire le parallèle entre le détournement de la laïcité par les islamophobes d'aujourd'hui et l'antisémitisme d'hier. Même s'il s'en défend dans un twitt récent, ses premiers propos étaient bien maladroits.
"Si certains veulent utiliser la laïcité, ça a déjà été fait dans le passé, contre certaines catégories de populations, c'était il y a quarante ans, les juifs, à qui on mettait des étoiles jaunes, c'est aujourd'hui nos compatriotes musulmans qu'on amalgame d'ailleurs souvent avec les islamistes"
Que cela concerne l'antisémitisme nazi ou celui de Vichy, il est absolument faux de les attribuer à une quelleconque manipulation pernicieuse de la laïcité. Car l'antisémitisme est un phénomène bien plus ancien que le concept de laïcité. Dès l'antiquité, des Grecs attribuaient aux juifs des moeurs douteuses, jaloux du succès commercial de certains d'entre-eux. Plus tard, le Moyen-Age eut un impact important sur l'enracinement des préjugés antisémites : l'Eglise et le Royaume de France eurent une attitude variable, tantôt persécutrice, tantôt clémente, envers les juifs. Mais entre la rouelle rouge ou jaune, la désignation de "peuple déicide" et les multiples renvois du Royaume, l'antijudaïsme contribua à forger une image crainte du juif. Le XIXème siècle donna à cet antijudaïsme une dimension nouvelle encore, par deux phénomènes : -l'industrialisation, qui profita à de nombreux juifs présents dans les professions libérales et la détention des capitaux. Bourgeois, paysans, artisans et ouvriers les virent donc au travers de ce prisme du juif accapareur, escroc, exploiteur et concurrent. -la théorie raciale qui ethnicisa les préjugés de l'antijudaïsme d'antan, en les déplaçant sur la question ethnique et raciale. Celle-ci, développée par Joseph Arthur de Gobineau et Houston Stewart Chamberlain (entre autres), ajouta aux préjugés religieux des stéréotypes physiques. A cela s'ajoute aussi le nationalisme et l'anticapitalisme qui développent chacun des formes d'antisémitisme, impliquant de nombreux partis et hommes politiques jusqu'à la Seconde Guerre Mondiale. En Allemagne, le Romantisme et le mouvement Völkisch (magistralement décrit par George Mosse dans Les Racines Intellectuelles du Troisième Reich) ajoutèrent une influence déterminante à ce qui devint l'antisémitisme nazi, une quasi "Lutte des Races".
Au final, si Vincent Peillon espérait quelque chose de cette primaire, cela commence mal. Ses propos ont créé la polémique, un peu à la manière de ceux de Nicolas Sarkozy sur "Nos Ancêtres les Gaulois". Et c'est sans compter le sondage peu flatteur à son égard : seulement 7 pour cent des intentions de vote. La poudre de l'ancien ministre est probablement de trop piètre qualité...
Huffington PostCRDPWikipedia
Vin DEX