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Droit d'aînesse et évolution des vignobles européens

Par Mauss

La dernière transaction qui vient de se réaliser en Bourgogne, à savoir la vente au propriétaire de Screaming Eagle (un Domaine de référence en Californie) du Domaine Bonneau du Martray, appartenant à la famille de Jean-Charles Le Bault de la Morinière, a fait quelque bruit dans le milieu viti-vinicole.

Disons le dès le départ : cette vente est due à la volonté d'un ou de plusieurs héritiers de retrouver leurs capitaux avec l'impossibilité pour la famille gérante de financer une telle somme, tant la valeur des terres bourguignonnes est entrée dans des chiffres stratosphériques. Ce n'est nullement un quelconque appât du gain. Chacun connaît en France les principes légaux de ce qu'on appelle l'indivision.

Pour faire court, côté "acheteur" quand bien même ce sera un peu excessif : on n'achète plus, à ce niveau de réputation d'un domaine, une rentabilité financière mais un ego qu'on veut afficher dans son petit monde. Les dernières transactions sur l'AOC Chambertin ou Musigny le démontrent parfaitement.

Combien de propriétés sont ainsi entre les mains de plusieurs dizaines d'héritiers ? Bien plus qu'on ne le pense généralement.

Et il est assez facile de comprendre qu'un héritier passif, ayant des revenus "communs", et même s'il a parfois de solides dividendes, puisse un jour réclamer la valeur de son capital ne serait-ce que, par exemple, pour acheter un appartement parisien pour chacun de ses 4 enfants.

Cette évolution va s'accélérer tant il y a en ce moment, des fortunes qui acceptent sans trop d'émotions, à acquérir de tels biens qui vont - c'est leur opinion - permettre à leur ego d'atteindre de nouveaux sommets.

Et comme la Safer a été retoquée dans son souci de pouvoir aussi réguler les opérations de cession sous statut juridique "personne morale", ce mouvement d'investissements dans le monde des terres viticoles va s'amplifier, sans aucun doute.

Aurions nous la même situation si le principe du droit d'aînesse était la règle en matière agricole ? Probablement qu'avant toutes choses, les propriétés seraient moins morcelées qu'elles ne le sont mais on voit vite où se déplacerait le problème : comment l'héritier unique pourrait-il indemniser, de nos jours, ses frères et soeurs si ce n'est en vendant des parcelles de vignes ?

Maintenant, ce qui choque en sus le monde du vin, c'est qu'il s'agit là d'un acheteur non-français, avec cette crainte qu'un tel investisseur n'aura pas fatalement le même esprit que des générations de locaux. Il y a ainsi des régions telle l'Alsace où on imagine qu'il serait un peu plus difficile pour un australien ou un chilien d'acheter un Domaine alors qu'en Languedoc cela ne poserait probablement aucun problème.

Bref : la Bourgogne, comme l'Alsace et probablement un peu la Champagne sont un peu considérées, ici et là, comme des domaines "réservées". 

Mais quelle loi peut-on imaginer qui classerait systématiquement "interdit de vente aux étrangers" - et selon quels critères ? - telle AOC, telle région, telles activités économiques ?

Ou plus simplement, en cas de vente, que celle-ci fasse l'objet d'une publication préalable pour qu'à conditions égales, une certaine préférence soit donnée soit à un autre vigneron, soit à un national prioritairement à un étranger ? On a bien un principe un peu équivalent avec les oeuvres d'art, non ?

Le moderato cantabile du jour : à tout le moins, et les dernières transactions en vignobles le montrent, les nouveaux investisseurs sont en grande majorité de réels admirateurs du Grand Vin et ont une discrétion de gestion tout à leur honneur. Des exemples ? Le Clos des Lambrays et probablement le Clos Rougeard si la transaction des héritiers Foucault avec Martin Bouygues se confirme. Sans même parler des châteaux sous bannière chinoise à Bordeaux : souvent de belles endormies que de solides capitaux vont revitaliser.

Bon : tout cela, c'est une mouvance qui trouvera, on l'espère, un juste équilibre et nous permettra de toujours nous émerveiller devant quelques chefs d'oeuvre bachiques qui sont utiles à notre survie dans ce monde de brutes !

Je n'ai pas d'informations précises sur ce qui est en vigueur ailleurs en Europe. On sait que des français viennent d'entrer au capital de Biondi-Santi, d'autres sont déjà en Hongrie, que des américains se sont implantés au Piémont, des autrichiens en Maremma. Mais quid en Allemagne, en Autriche ?

On a des équivalences de la SAFER ? Ou d'autres lois limitant des cessions à des capitaux non européens ?

Help !

:-)

POUR UN PROCHAIN SUJET PAS LOIN DE CELUI-CI

%OIHOI

Le cru du Groupe LVMH, développé en Chine, au Tibet, qu'on a pu déguster lors d'un dîner au Shangri-Là à Paris. Un vin qui a très nettement un style singulier : une fusion subtile des puissants américains, type Screaming Eagle, Harlan, Colgin, avec une finale d'une élégance bordelaise.

On en reparlera :-)


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