A défaut de trouver des solutions (mêmes provisoires) dans les domaines du pouvoir d'achat ou de la crise de l'énergie, nos élus se livrent un combat féroce sur la réforme de la constitution de 1958.
En première lecture, les députés avaient adopté les mesures suivantes :
Le président de la République devant le Congrès : Le chef de l'État possédera un droit d'expression devant la conférence du Sénat et de l'Assemblée nationale, réunis à Versailles.
Utilisation limitée du 49.3 : Cet article permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote. À l'avenir, il ne pourra être utilisé que pour les budgets de l'État, de la Sécurité sociale et pour "un autre texte par session".
Encadrement des pleins pouvoirs accordés au Président : Le Conseil constitutionnel pourra s'autosaisir après 60 jours d'exercice des pouvoirs exceptionnels, ou être saisi après 30 jours par les présidents des assemblées, 60 députés ou 60 sénateurs.
Référendum d'initiative populaire : Un référendum pourra être organisé à l'initiative d'un cinquième des membres du Parlement, soutenus par un dixième des électeurs inscrits sur les listes électorales.
Interdiction pour le Président d'exercer plus de deux mandats consécutifs : "Nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement", prévoit le texte voté à l'unanimité. Une mesure qui a les faveurs de Nicolas Sarkozy.
Contrôle du Parlement sur certaines nominations présidentielles : Un droit de veto des parlementaires est appliqué à une majorité qualifiée des 3/5es des commissions, en cas de désaccord sur les nominations les plus importantes du président de la République.
Inscription dans la Constitution de la reconnaissance des langues régionales : "Les langues régionales appartiennent au patrimoine" de la nation, prévoit l'amendement-surprise de Jean-Luc Warsmann (UMP), qui complétera l'article 1.
Référendum pour l'entrée de la Turquie dans l'UE : Il sera obligatoire pour l'entrée dans l'UE de pays représentant plus de 5 % de sa population. Objectif : que l'entrée de la Turquie passe par un vote des Français.
Limitation du droit d'amendement : Des "conditions et limites" encadreront ce droit, qui permet aux parlementaires de modifier les projets de loi du gouvernement. L'opposition dénonce un recul.
Le parlement pourra maîtriser son ordre du jour : Le gouvernement avait seul la maîtrise du calendrier parlementaire. Il le partagera à l'avenir avec l'Assemblée et le Sénat.
Ouverture du CSM à des non-magistrats : Le Conseil supérieur de la magistrature ne sera plus présidé par le chef de l'État et huit personnalités extérieures y siégeront aux côtés de sept magistrats.
Renforcement des droits des commissions : Sauf pour les lois budgétaires et les révisions de la Constitution, le texte examiné en séance ne sera plus le texte initial transmis par le gouvernement, mais une version déjà amendée, issue des travaux réalisés en amont par les commissions parlementaires spécialisées.
Rôle renforcé du Parlement en matière de défense : Il devra être informé "dans les délais les plus brefs" de toute opération militaire. Et l'autorisation parlementaire de prolongation devra se faire avant 6 mois.
LES MESURES REJETÉES
Décompte du temps de parole audiovisuel du chef de l'État : Le premier préalable au vote positif du groupe PS, pour rééquilibrer le temps de parole entre la majorité et l'opposition.
Modification du mode du scrutin au Sénat : Le second préalable du PS, afin que le Sénat puisse connaître l'alternance.
Limitation du nombre de ministres : Défendue par le gouvernement, mais rejetée par la quasi-totalité des députés.
Le cumul des mandats : Tous les amendements proposant de limiter le cumul ont obtenu une fin de non-recevoir des élus UMP.
Introduction d'une dose de proportionnelle au Parlement : Que ce soit 50 % (PCF), 20 % (Verts) ou 10 % (PS), les députés UMP ont rejeté tous les amendements introduisant une dose de proportionnelle à l'Assemblée.
Les propositions de modifications sont inifiniment moins importantes que celles rejetées. En effet, considérer que le Chef de l'Etat est "apolitique" en temps de parole est un pur scandale notamment quand on connaît la capacité de l'actuel à manipuler les media. L'exemple récent de sa présence sur la matinale de RTL décrite de la façon suivante sur le Blog de JM APATHIE :
"Régulièrement, des propositions d’interview sont adressées par la rédaction de RTL au président de la République. Elles sont toutes adossées à une actualité, à une échéance. Mais le plus souvent, c’est le président qui choisit son moment, pour cette seule raison qu’il est le seul à posséder tous les éléments qui lui permettent de juger de la pertinence ou de l’opportunité d’une expression publique.
Jeudi après-midi, des collaborateurs de l’Elysée sont ainsi entrés en contact avec les représentants de la direction de RTL. Accepteriez-vous que le président de la République intervienne sur RTL après une visite très matinale au marché de Rungis? Réponse immédiate, la seule qui vaille, sinon il faut changer de métier: oui. Moi même, j’ai été informé le lendemain, vendredi, de cette venue de Nicolas Sarkozy. L’information n’aurait d’ailleurs dû être rendue publique que le dimanche suivant. Mais dès le vendredi soir, la rumeur s’est répandue qu’il était vain, évidemment, de démentir ... / ... "
Et que dire de l'intervention de Claude GUEANT sur Europe1 ? Est-ce un temps de parole de l'Elysée, d'un collaborateur du Chef de l'Etat, de l'expression de l'UMP (voir lien) ?
Nous reviendrons plus loin sur le mode de scrutin au sénat
Limitation du nombre de ministres : On aurait presque envie de sourire en lisant que la "quasi totalité" des députés est contre. La diminution des budgets ne passera pas par la diminution de postes prestigieux au sein de la république !!! Lorsqu'on sait que les cabinets du Président de la République et celui du Premier Ministre se doublonnent et doublonnent les ministres et secrétaires d'Etat, c'est vrai qu'il est indispensable de pouvoir continuer à "remercier" des amis de longue date.
Cumul des mandats : La politique est un métier, certes, mais dans l'esprit de certains députés, le cumul de mandats électifs doit rester un métier ... lucratif. Outre cette parenthèse économique, il est clair que beaucoup d'élus cumulent des mandats nationaux et locaux comme d'autres des timbres ou des porte clés. Cette décision est d'autant plus grave qu'elle est fait perdurer les "rentes" de situation en interdisant un renouvellement politique indispensable au dynamisme de la démocratie en France.
Quant à la proportionnelle : Nous dirons que la majorité en place pour cinq ans (et qui espère bien continuer à l'être à l'issue) ne va pas se tirer une balle dans le pied alors qu'elle contrôle l'assemblée nationale. En ce qui concerne la représentation de la diversité des opinions des français, la réponse est simple : Place aux grands partis politiques et malheur à ceux qui n'auraient pas voté pour eux.
Bon, allez-vous dire, pas de surprise. Mais ce serait compter sans le Sénat qui doit bien entendu avaliser, amender ou rejeter le travail de l'assemblée. Quels sont en l'état, les premiers résultats de ce travail ?
Le Sénat a rétabli le droit de grâce collectif du président de la République alors que cette prérogative avait été supprimée dans le texte voté par les députés le 3 juin.
La Haute Assemblée avait auparavant entériné le principe d'un référendum d'initiative populaire introduit par amendement à l'Assemblée, mais après avoir ajouté des dispositions l'encadrant plus strictement.
On parle en effet d'une condition draconienne de ... plus de quatre millions de signatures.
Le Sénat a supprimé mercredi l'inscription des langues régionales dans la Constitution, une disposition qui avait été introduite par les députés après une longue négociation avec le gouvernement.
La commission des Lois du Sénat, saisie au fond, et la commission des Affaires étrangères, saisie pour avis, ont supprimé deux dispositions importantes du texte voté par les députés.
Celle limitant l'utilisation du "49-3", qui permet de faire adopter un texte sans vote, et celle qui rendait obligatoire un référendum pour l'adhésion à l'Union européenne de tout pays dont la population représente plus de 5% de la population totale de l'UE (Une mesure qui visait tout particulièrement la Turquie)
Le groupe UMP du Sénat, n'a consenti aucun geste à l'opposition ou aux centristes. Tous leurs amendements ont été rejetés comme celui des socialistes qui proposait de prendre en compte le temps de parole du chef de l'Etat ou bien celui des centristes relatif à la proportionnelle pour les scrutins nationaux.
L'UMP a fait adopter vendredi un amendement qui fige le mode de scrutin actuel du Sénat. Ce qui a provoqué une vive réaction du groupe socialiste. "C'est le conservatisme de la majorité sénatoriale UMP qui triomphe", a déclaré son président, Jean-Pierre Bel.
Pendant ce temps, les sénateurs socialistes, communistes et verts ont claqué la porte de la commission des Lois pour protester contre un amendement UMP sur le scrutin sénatorial. "La majorité a proposé un amendement qui inscrit dans la Constitution les dispositions qui rendraient l'alternance impossible au Sénat, en perpétuant son mode de scrutin actuel", déclarent dans un communiqué commun les groupes PS/Verts et PCF.
Pourquoi annuler la modification du recours à l'article 49 - 3 ?
Il semblerait que les "Gaullistes" ne craignent l'affaiblissement du gouvernement face à une majorité indisciplinée. En clair, on craint dans les rangs de droite que la proximité d'élections donnent un peu moins de "courage" aux élus qui pourraient en ce cas ne plus voter n'importe quel textes comme de bon vieux godillots. Inquiétant !!!
Concernant le mode de scrutin, deux chiffres édifiants : La France compte 577 députés et 331 sénateurs pour 62 millions d'habitants. En revanche, il y a 431 "députés" et 100 sénateurs aux USA pour une population de 300 millions d'habitants.
Le mode actuel de scrutin (tout le monde le sait) est aux antipodes de la "rupture" et de la "modernité" tant vantée par notre Président. Il ne tient absolument pas compte des profondes modifications intervenues dans la répartitions des français sur le territoire national. Mais enfin, alors qu'on demande à ces français de "rentrer" dans la mondialisation, comment pourrait-on avoir la cruauté de demander à des élus (qui n'affrontent même pas le suffrage universel) de perdre quelques avantages ?
Après tout, l'inscription de la protection de ses vieux jours dans la constitution, n'est-elle pas une mesure qui va de l'avant ?
Au fait, vendredi dernier, il restait environ 340 amendements à examiner sur les quelques 500 déposés et neuf articles sur les 35 que compte le projet de loi avaient été votés.
Sources et crédits
Le Monde
Libération
L'Express
Le Figaro
Libellés : france, gouvernance, institution, république