Pierre Bourbon, membre de l'Artésienne en charge de la billetterie Vis ta Ville, amateur d'ivresse musicale et d'expériences atypiques, vous propose une expérience pas comme les autres pour votre réveillon. Bonne lecture, et bonne année 2017 !
Cet article débute un mardi soir glacial avenue de la République à l’occasion du Best Pisco Sour Awards. Pas grand chose à voir avec les chauds après midi des ports de la côte Sud du Pérou où cet alcool est né ; j’arrive devant l’hôtel 1K (à la sonorité un brin coloniale). A l’intérieur ça se réchauffe d’un coup : sculptures sud américaines, pisco sour qui s’enchainent au bar et rythmes effrénés du shaker contribuent à l’atmosphère grisante de la pièce. Pour l’évènement c’est un concours de barman autour du pisco sour. Les règles : 2 catégories : classique: il faut sortir son meilleur pisco sour avec uniquement les ingrédients légitimes. Puis un thème création : liberté maximale, une seule obligation : le pisco doit être l’alcool dominant. Sinon pour le timing il faut sortir 2 verres par catégorie, et chacun a dix minutes en tout qu’il participe à un ou aux deux concours. Dans les faits même si certains ont fini au gong tous ont pu sortir leur drink à temps. Après c’est 5 jurys qui délibèrent. Voilà pour le coté réglementaire.
Mais d’abord le pisco c’est quoi ? Cette eau-de-vie péru chilienne possède un mode de fabrication assez proche du cognac, elle aussi s’obtient aussi après distillation de raisins. Pour les différences avec notre alcool national ça sera surtout : une seule distillation (au lieu de deux chez nous), des cépages très différents : principalement du torontel versus l’uni blanc des bords de la Charente, enfin le pisco ne bénéficie pas de vieillissement en barrique et l’alambic utilisé pour la distillation du cognac est disons… plus alambiqué. Voilà pour la fiche technique. Au gout c’est plus fruité, plus nuageux, un peu plus sucré aussi. Finalement l’attaque est surtout moins brutale.
Son étymologie aérienne « pisqu » = oiseau en quechua évoque déjà l’itinéraire que son titrage à 35° vous prépare. Allez, allons y : des glaçons à jeter dans le verre pour le mettre à température, du citron vert pressé, du sirop de sucre de canne, du blanc d’oeuf pour émulsionner le tout et conserver cette forte identité nuageuses (montagne de la cordillères des Andes bonjour) puis du pisco du pisco et encore du pisco. Après ? Tu shakes, tu skates et tu re shakes (25s diront les boss du zinc) : ça y est t’es tout fier t’as terminé ton premier pisco. En fait tu l’as à peine commencé : maintenant à l’abordage : tu jettes tes lèvres dans l’écume crémeuse qui coiffe ta préparation, tu laisses l’acide te titiller la pointe de langue puis tu avales toute ta gorgée d’un trait. Là ça y est t’as débuté la fin de ton pisco sour. Maintenant tu laisses la longueur s’exprimer : l’acide s’équilibre avec l’amer et le sucré pour dégager une note de fraicheur très agréable.
Pour finir :
Comment accorder votre pisco à votre personnalité : • Plutôt ascétique ? Le genre de gars à passer le week-end au monastère pour se ressourcer ? Buvez le pur et non aromatique • Un brin flambeur, le type même de celui pour qui un cocktail n’est jamais assez puissant (et chargé aussi) alors ça sera plutôt un mosto verde à la fermentation incomplète : un bon tacle pour vous papilles;
Le lexique du barman pour briller même avec la tête dans la cuvette : • Faire les bords de mer = garnir (souvent de sucre) le rebord de votre verre. C’est à cause d’idées débiles comme ça qu’on vous conseille vivement de pas boire votre cocktail à la paille. • Bitter = liqueur apéritive fabriquée à partir de l’infusion de plantes amères (++ le petit tips qu’ont utilisé tous les barmans pour leur cocktail création, ça permet d’équilibrer vos préparations si vous vous lancez dans des nouveautés un peu risquées (bonjour le piment))• Aérer le cocktail : après avoir shaké et encore encore shaké votre barman préféré transvase votre drink d’une extrémité du shaker à l’autre. • « Le citron jaune pour la puissance, le citron vert pour l’amertume » • « Verser son pisco sour en plusieurs temps pour mieux homogénéiser la réparation de la mousse »
En conclusion, le pisco n’est définitivement pas le nouveau pas de danse des aficionados de la Concrète. Par contre il pourrait bien venir titiller la tequila et le rhum au panthéon des alcools exotiques. Puis bon, autant se l’avouer, même si rien ne vaut la convivialité d’une bonne murge au tec-paf, en cas de date un pisco sour vous donnera tout de suite l’air un brin plus distingué.
Remerciements : Un grand merci au manager du 1K pour avoir organisé ce concours bien sympathique, à leur DJ résident Hector Pizarro pour m’avoir initié à la cumbia (et oui il n’y a pas que l’alcool dans la vie) et enfin mille merci aux pros du pisco qui ont gentiment éclairé ma lanterne : notamment Thierry Richard et Steve Vehamour en tête de ceux ci.