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La corde de Saddam Hussein

Publié le 30 décembre 2016 par Sylvainrakotoarison

" La passion criminelle n'est pas plus arrêtée par la peur de la mort que d'autres passions. (...) Partout, dans le monde, et sans aucune exception, où triomphent la dictature et le mépris des droits de l'Homme, partout vous y trouverez inscrite, en caractères sanglants, la peine de mort. (...) La vraie signification politique de la peine de mort, c'est bien qu'elle procède de l'idée que l'État a le droit de disposer du citoyen jusqu'à lui retirer la vie. C'est par là que la peine de mort s'inscrit dans les systèmes totalitaires. " (Robert Badinter, le 17 septembre 1981 au Palais-Bourbon, à Paris).
La corde de Saddam Hussein
L'ancien dictateur irakien Saddam Hussein a été exécuté il y a dix ans, le 30 décembre 2006, à l'âge de 69 ans.
Devant un tribunal d'exception, le premier (et seul) procès de Saddam Hussein a commencé le 19 octobre 2005 pour le massacre de 143 chiites à Doujaïl en 1982 à la suite de l'attentat manqué contre Saddam Hussein du 8 juillet 1982 (Jacques Vergès et Roland Dumas lui proposèrent de le défendre).
Saddam Hussein refusa de reconnaître l'autorité du tribunal et refusa de reconnaître la Constitution ratifiée par référendum le 15 octobre 2005, se prétendant encore Président de l'Irak. Il n'y a pas eu de défense véritablement réelle et le procès a connu de nombreuses irrégularités. Le 19 juin 2006, le procureur général a requis la peine de mort. Le 5 novembre 2006, le tribunal a condamné Saddam Hussein à la peine de mort par pendaison pour crime contre l'humanité. Le 26 décembre 2006, la cour d'appel a confirmé la sentence.
La corde de Saddam Hussein
L'exécution a eu lieu très vite après la confirmation de la condamnation. Pourtant, il devait y avoir d'autres procès qui le concernaient également. Le 30 décembre 2006, tôt le matin, au nord de Bagdad, ce furent des Irakiens chiites qui exécutèrent Saddam Hussein. Une vidéo (qui avait été illégalement tournée) a fait le tour du monde.
Un dictateur incontestable
Après d'autres opérations militaires, Saddam Hussein a participé activement au coup d'État baasiste du 17 juillet 1968 qui donna le pouvoir à Ahmad Hassan Al-Bakr, ancien Premier Ministre du 8 février 1963 au 18 novembre 1963, devenu Président de la République du 17 juillet 1868 au 16 juillet 1979 tout en cumulant les fonctions de Premier Ministre. Le 30 juillet 1968, Saddam Hussein prit la tête des services de sécurité, puis fut nommé Vice-Président de la République à partir de 1971 et s'imposa tellement dans le gouvernement qu'il a contraint Ahmad Hassan Al-Bakr à donner sa démission le 16 juillet 1979. Dès le milieu des années 1970, Saddam Hussein était incontournable pour toutes les affaires importantes du pays.
La corde de Saddam Hussein
À 42 ans, Saddam Hussein a atteint le pouvoir suprême en Irak, Président de la République et Président du Conseil de commandement révolutionnaire du 16 juillet 1979 au 9 avril 2003 et Premier Ministre du 16 juillet 1979 au 23 mars 1991 et du 29 mai 1994 au 9 avril 2003.
Pour renforcer son autorité, juste après sa prise de pouvoir, il a rassemblé des milliers de responsables du parti Baas au cours d'une assemblée qu'il a présidée en fumant le cigare et a accusé de haute trahison 22 des cadres présents, qui furent arrêtés en pleine assemblée et exécuté immédiatement à l'extérieur.
Durant le quart de siècle de dictature, il a massacré des chiites, des Kurdes, fait la guerre contre l'Iran et annexé le Koweït (précipitant une intervention militaire internationale en 1991).
La corde de Saddam Hussein
Après les attentats du 11 septembre 2001, à tort notamment pour la France, les troupes américaines et britanniques (entre autres) ont attaqué l'Irak le 20 mars 2003 et ont conquis Bagdad le 9 avril 2003. Comme d'autres responsables du parti Baas, Saddam Hussein se réfugia dans la clandestinité, se cachant dans un abri sous terre pendant huit mois. Barbu, fatigué, en possession de 750 000 dollars et de deux kalachnikovs, il fut découvert et arrêté à Tikrit le 14 décembre 2003.
Peine de mort et exécution
Au cours de ce procès, trois autres personnes furent condamnées à mort : Taha Yassine Ramadan, chef de l'armée de 1974 à 1991, Vice-Président de la République de mars 1991 à avril 2003, Barzan Al-Tikriti, chef des renseignements et ancien ambassadeur, et Awad Hamed Anadar, président du tribunal révolutionnaire de Doujaïl, furent exécutés le 20 mars 2007 pour le premier, et le 15 janvier 2007 pour les deux autres.
Ce procès fut une véritable mascarade puisque les droits élémentaires de la défense n'ont pas été accordés (des témoins de la défense ont même été mis en prison pour faux témoignage). Certaines organisations de défense des droits de l'Homme ont protesté contre ce procès. Un procès qui était un peu plus rigoureux que celui des époux Ceausescu le 25 décembre 1989 et aussi (évidemment) que le lynchage de Mouammar Kadhafi le 20 octobre 2011 mais qui aurait dû être plus régulier, notamment en mémoire des victimes de Saddam Hussein (son exécution a empêché de le juger sur d'autres crimes contre l'humanité).
Indépendamment de cela, même si le procès s'était déroulé dans les normes admissibles, la condamnation à mort de Saddam Hussein poserait encore aujourd'hui un problème réel. On aurait pu le dire aussi pour la condamnation et l'exécution d' Ali le Chimique (exécuté le 25 janvier 2010). On aurait pu également l'imaginer pour un procès contre Adolf Hitler ou le penser pour celui, réel, contre Pierre Laval (exécuté le 15 octobre 1945).
Ministre de la Justice lors du procès de Pierre Laval, Pierre-Henri Teitgen (MRP) a reconnu que le procès comportait de graves irrégularités : " L'affaire Laval a été abominable, abominable en ce sens que l'instruction a été bâclée au vrai sens du mot. Le procès a été mal conduit. Il n'a pas disposé des garanties nécessaires : je suis le premier à le reconnaître. Mais cela ne veut pas dire que Laval était un innocent. ".
La corde de Saddam Hussein
Personne ne s'apitoiera sur le destin de Saddam Hussein car il fait partie de ceux qui ont couvert la terre du sang de ses victimes. Il reste que justement, parce qu'il a été cruel, l'idée que je me fais des droits de l'Homme et de la démocratie impose que les ennemis de ces assassins n'utilisent pas les mêmes méthodes pour assurer la justice. On ne compense jamais une barbarie par une autre barbarie. C'est même le contraire : en usant de procédé barbare, on conforte la barbarie qu'on avait eu la prétention de condamner.
Certes, on pouvait imaginer que la mort de Saddam Hussein avait un objectif politique dans un pays en pleine confusion et en guerre civile. Dix ans plus tard, l'Irak a oublié Saddam Hussein mais sa situation reste encore très confuse politiquement et militairement. Une grande partie de son territoire a été occupée par Daech. Depuis le 17 octobre 2016, des troupes de la coalition internationale tentent de reprendre le contrôle de la (grande) ville de Mossoul. Cette reprise va sans doute être un massacre comme à Alep.
Dans ce désastre sanglant qu'a été la guerre en Irak, les États-Unis, qui auraient pu modifier le cours des événements concernant le sort de Saddam Hussein, n'ont pas forcément gagné la guerre de civilisation qu'ils ont cru mener au Moyen-Orient. La barbarie a cette méchante caractéristique de pouvoir s'étendre rapidement...
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Sylvain Rakotoarison (30 décembre 2016)
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Chaos vs complot.
La corde de Saddam Hussein
http://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20161230-saddam-hussein.html
http://www.agoravox.fr/actualites/citoyennete/article/la-corde-de-saddam-hussein-187674
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