Marionnettes et maquettes mises en scène érigeaient Star Wars (1977) en un conte merveilleux cinématographique charmant par ses suggestions imaginaires. La Prélogie et Rogue One : A Star Wars Story définissent une voie différente, celle de compléter un univers créé dans un flou artistique volontaire. Bâti sur des bribes de mots clefs de Star Wars IV (Plans secrets volés, Etoile Noire, Rébellion), Gareth Edward (Réalisateur, cinéaste de Godzilla et Monsters …) orientent les perspectives nuancées d’un premier épisode dérivé à même de rendre la science-fiction poussive voire moins rêveuse.
En s’équipant de l’Etoile Noire, arme de destruction massive de planètes construite sous la contrainte par Galen Erso (Mads Mikkelsen), l’Empire intergalactique avance d’un pas dans l’institution d’une terreur mortelle dans le droit de vie et de mort de chaque être. Jyn Erso (Felicity Jones), fille du concepteur de la première Etoile Noire, représente un espoir considérable pour la Rébellion …
Préparatifs infinis sans magie
Rivé sur les visages et les efforts de petites mains, Rogue One : A Star Wars Story s’attache à être la parti-prenante d’une histoire balbutiante de la Rébellion. Exit les lettres capitales jaunes en guise d’introduction, place à une galerie de personnalités filmée au format portrait au détriment total de décors urbains ou naturels floutés par choix d’une très faible ouverture de caméra. Et d’esprit. L’image foisonnante d’une Cantina, brillante par sa diversité de vies extraterrestres, n’est pas permise : des séquences successives, la lecture s’effectue par la lorgnette seule d’humains de premier plan plus ou moins charismatiques détachés d’atmosphères, d’ambiances ou de planètes diverses réservées à un plan secondaire. Première conséquence et non des moindres portées à l’écran, un temps long, non rythmé, assez pénible à suivre jusqu’à entendre « Nom de code ? … Rogue One ! ». A chacun, enfin, de prendre en main sa part de liberté vis-à-vis d’une Rébellion au système onusien ankylosé.
L’acceptation d’un épisode à part passera par une magie intériorisée depuis l’enfance par Jyn Erso (Felicity Jones) (« Aie confiance en la Force », conseillera tendrement la mère de l’héroïne), discrète mais credo de la Rébellion (« Que la Force soit avec vous ! », retentit le message avant le départ des X-Wing pour accompagner le groupe « Rogue One »), évoquée comme un message légendaire par le guerrier aveugle Chirrut Îmwe. Les vaisseaux voyagent, les personnages grandissent ou mûrissent, les idées se partagent, les décors changent : pourtant, aucun réel enchantement ou engouement exploitent la richesse curieuse du monde Star Wars.
Il y a bien un lien au conte pour l’espoir semé à travers un récit tragique loin des codes du merveilleux pour verser dans une tragédie remplie de nuances peu habituelle dans la filmographie Star Wars. La vision individuelle de nombreuses contribue à dessiner des personnalités vouées à être les héros anonymes de victoires plus grandes à venir. Le poids d’une menace nucléaire inscrite dans l’ADN de Star Wars IV : Un nouvel espoir pèse à nouveau dans des scènes, probablement parmi les plus intéressantes, intercalées entre les tirs de blasters, explosions de grenades et chutes d’AT-AT sur les plages maldiviennes de la planète Scarif.
« Tu dois apprendre tout ce que tu as appris »
Les paroles tutélaires de maître Yoda, venues des épisodes précédents, éclairent la découverte du récit Rogue One à distinguer absolument d’un nouvel épisode Star Wars. A commencer par l’absence de John Williams, compositeur emblématique des sept épisodes Star Wars parus à ce jour, citée à titre d’hommage dans les morceaux « A long ride ahead », « Hope », « Jyn Erso » de Michael Giacchino dans une bande-son originale n’ayant définitivement pas à rougir dans sa version intégrale.
Star Wars VII a divisé à parts égales pour son style et ses choix scénaristiques, la mise en scène de Rogue One s’illustre par de trop rares mouvements. L’efficacité, pleinement concentrée dans une lisibilité totale des scènes d’action et de combat, multiplie les images fixes épileptiques (Première bataille à Jedha), des panoramas uniques immobiles (Déplacements des troupes sur Scarif) ou de rares focus à faible vitesse selon un axe horizontal. L’espace galactique, décor de liberté par excellence, gâche de précieuses minutes à penser l’accès à l’immersion par se simples caméras accolées aux vaisseaux (Tout comme l’a essayé Star Trek : Sans limites). S’offre aux spectateurs une vision dépersonnalisée d’autant plus désolante dans l’exception d’une exception intentée dans l’anthologie Star Wars.
Le nouveau sillon tracé par Rogue One se libère du cycle généalogique de la famille Skywalker pour des rattachements définitivement inélégants dans de deux acteurs doublés numériquement (Tarkin et Leia Organa). Le premier éprouve les limites de la technologie pour une apparence coupée la plupart aux ¾ de l’image (Sans bottes), la seconde délivre une tirade unique capable d’être suffisante à la reconnaissance du vêtement et de la coupe si caractéristique du personnage. Justifiées ou non, les références cultivées par Rogue One placent le film dans une contrainte amenée à desservir les tentatives d’originalité quitte à contraindre la réalisation de Gareth Edwards. A titre d’épiphanies complaisantes allant jusqu’aux apparitions souffreteuses de Dark Vador utilisées comme des faire-valoir légitimes, Rogue One tente de séduire sans réellement convaincre.
On a aimé :
+ Un conte mi-teinte de la Rébellion
+ Felicity Jones, une héroïne mémorable de Star Wars
On a détesté :
-Une mise au point visuelle sur des personnages au détriment des décors.
-La nécessité de personnages synthétiques (Léia Organa et Tarkin). Images d’archives, astuces, suggestions : le cinéma ne manque pas d’autres solutions.
-Des hommages et clins d’œil sous forme d’épiphanies.