Durant l’année 2016, Gustave Courbet inspira les auteurs de bande dessinée, preuve qu’un artiste peut échapper au statut intimidant de monument de la peinture pour connaître un succès populaire. Après le Courbet de Fabien Lacaf et Le Rendez-vous d’onze heures d’André Houot, c’est au tour de Christian Maucler d’aborder le sujet avec un album intitulé Mystère au pays de Gustave Courbet – entre peinture et nature (Néo Editions, 46 pages, 14 €).
L’approche est ici, certes, différente. Publiée à l’initiative du Centre Permanent d’Initiatives pour l’Environnement du Haut-Doubs (CPIE) avec le soutien des institutions de la région, dont le département du Doubs et le Musée Gustave Courbet, cette BD peut être lue comme un guide touristique en images, mais un guide qui donne furieusement envie de suivre le peintre sur les lieux qu’il parcourut dans son enfance et immortalisa dans ses meilleures toiles de paysages. On ne comprend vraiment la peinture de Courbet, sa manière sensuelle de représenter les bois, les sources, les falaises franc-comtoises, et plus généralement la nature locale qu’en s’immergeant dans celle-ci, riche, dense, minérale, profonde.
Le scénario met en présence deux collégiens auxquels un professeur propose un exercice : travailler sur « les paysages, les territoires et la relation homme-paysage à travers l’œuvre et le regard d’un peintre. » La jeune fille du binôme suggère à son camarade la vallée de la Loue dans laquelle son oncle habite – sa maison, on le découvre vite, fait face à la Ferme de Flagey qui appartint à la famille de Courbet et abrite aujourd’hui chambres d’hôtes et manifestations culturelles. Les recherches menées par les deux amis offrent un prétexte idéal à la découverte de la région. Tour à tour, le lecteur se trouve confronté aux sources de la Loue et du Lison, à Ornans – les adolescents y visitent le Musée Courbet -, à la grotte Sarrazine, au Puits noir, au village de Lods (qui fut l’un des cadres de La Guerre des boutons), au Gour de Conche.
La méthode pédagogique utilisée permet un bon survol des ressources économiques et culturelles locales, jusqu’aux légendes qui y sont rattachées, comme celles du Pont du Diable ou de la Vouivre, rendue célèbre par l’adaptation qu’en fit Marcel Aymé dans son roman éponyme.
Christian Maucler connaît bien cet environnement, puisque, bisontin, il a déjà consacré deux albums à sa ville. C’est pourquoi les paysages sont fidèlement représentés, les informations relatives à Courbet justes – même si l’auteur donne à L’Origine du monde, dans une vue partielle prise lors de la visite du Musée Courbet (où elle ne figura que durant l’été 2014 lors de l’exposition Cet obscur objet de désirs), des dimensions nettement supérieures à l’original… Bien sûr, une petite intrigue autour de Courbet sert de fil rouge au scénario, dont le lecteur découvrira le dénouement dans les dernières pages, mais là n’est sans doute pas le plus important. C’est l’exploration de cette région, si chère au peintre qu’il choisit, lors de son exil après la Commune, de ne pas s’en éloigner en s’installant en Suisse, qui occupe la place centrale de l’album. Et c’est très bien ainsi.
Nota : on peut commander cet album sur la boutique du CPIE en suivant ce lien.