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Un nouvel académicien

Publié le 29 décembre 2016 par Podcastjournal @Podcast_Journal
Rédacteurs et stagiaires: cliquez sur cette barre pour vous connecter en back-office de la rédaction! Recherche par tags (mots-clés) Recherche d'évènements (agenda) L'auteur russe naturalisé français en 1996 avait été élu jeudi 3 mars 2016 au fauteuil n°5, dès le premier tour, face à sept candidats, par 15 voix sur 26 votants, 3 bulletins blancs et 6 bulletins marqués d'une croix, signe d'une opposition. Andreï Makine a succédé ainsi à la romancière algérienne Assia Djebar, décédée le 6 février 2015. L'Académie compte donc désormais 37 membres et trois sièges restent à pourvoir. Sans compter celui de Michel Déon décédé le 28 décembre 2016...
Avec cet écrivain arrivé en France en 1987 comme réfugié politique, c'est un grand amoureux de la langue française qui est entré dans l'illustre maison fondée en 1635 par le cardinal de Richelieu. Né à Krasnoïarsk en Sibérie le 10 septembre 1957, il est le plus jeune Immortel de l'illustre compagnie. Le français était la langue de sa grand-mère Charlotte, elle le lui a appris et lui a transmis l’amour du pays et de sa littérature. Il y consacrera sa thèse, soutenue à l’université de Moscou "Roman sur l'enfance dans la littérature française contemporaine (des années 70-80)". Et la complètera à la Sorbonne avec "La Prose de I.A. Bounine: la poétique de la nostalgie". Après ses études à la faculté de philologie de l’université de Moscou, il a enseigné le français à l’Institut pédagogique de Novgorod. Lauréat du prix Goncourt et du Médicis ainsi que du Goncourt des lycéens pour "Le testament français", en 1995, il est l'auteur de 16 livres sous son nom et de quatre sous le pseudonyme de Gabriel Osmonde, avec une quarantaine de traductions. En 2005, il a également reçu le prix Prince Pierre de Monaco pour l'ensemble de son œuvre ainsi que le prix Mondial de la Fondation Simone et Cino del Duca-Institut de France en 2014. "Le français m'a toujours baigné et a encouragé, stimulé mon amour pour la littérature française", confesse-t-il.
Selon l'usage, chaque académicien reçu sous la Coupole rend hommage à son prédécesseur dans son discours de réception. Andreï Makine en habit vert confectionné spécialement par Giorgio Armani, n'a pas tout à fait suivi la coutume. Il a certes évoqué Assia Djebar, la "romancière à l'imaginaire fécond, cinéaste subtile, professeur reconnu sur les deux rives de l'Atlantique", symbole de ce que l'école de la République avait produit de mieux, khâgne et École normale supérieure notamment. C'était pour mieux faire ressortir ce qui est la passion de sa vie, l'immense amour qu'il voue à la langue française et à la littérature russe. Il a aussi exalté son goût du combat contre toutes les formes de médiocrité dont notre époque est féconde. Il a aussi vanté l'esprit de résistance, qui dans son cas n'est pas un vain mot. Il a plaidé en faveur de "l'entente franco-russe" et retracé les liens historiques, littéraires et spirituels entre les deux nations, il n'est que de citer Nathalie Sarraute, Elsa Triolet, Romain Gary ou Henri Troyat. Au cours de ce long discours, il a évoqué Saint-Simon, la visite de Pierre le Grand aux académiciens au printemps de 1717, la tsarine francophone Catherine II qui invite Diderot et achète la bibliothèque de Voltaire, le dramaturge Denis Fonvizine qui écrit Lettres de France, sans oublier Pouchkine ou la terrible bataille de la Moskova, le 7 septembre 1812, avec ses dizaines de milliers de morts des deux côtés. Il a rappelé ce qui est à ses yeux l'objectif de l'Académie française, auquel il n'a cessé et ne cessera de contribuer: "Assurer à la langue et à la culture françaises le rayonnement le plus large possible et offrir à cette tâche le concours des intelligences œuvrant dans les domaines les plus variés".
Dominique Fernandez, qui lui répondait est un admirateur passionné de la Russie, admiration qu'il a manifestée dès 1971 avec "Les Enfants de Gogol". Ont suivi "Tribunal d’honneur" où il revient sur la mort de Piotr Ilitch Tchaïkovski, le "Dictionnaire amoureux de la Russie", "Eisenstein", "Place Rouge", "Avec Tolstoï" ou plus récemment "Transsibérien". Il l'est aussi d'Andreï Makine depuis les premiers écrits en France de ce dernier et il a chaleureusement accueilli le récipiendaire: "J'espère que notre vieille coupole résistera au souffle ardent que votre œuvre y fait entrer". Propos qu'il a développés par la suite "Oui, Monsieur, avec vous nous accueillons et nous essaierons de contenir l’immensité de la taïga désolée, les champs de glace et de permafrost étendus à l’infini, la musique profonde des forêts sauvages, toute cette démesure, cette énergie cosmique, ce déchaînement tellurique qui contrastent si fort avec le train-train bonhomme de notre pays aux coteaux supposés modérés". Il a rappelé combien "L’Archipel d’une autre vie" paru cette année exalte justement la grandeur de la nature sibérienne et souvent son hostilité. Et Dominique Fernandez n'a pas manqué de rappeler les préventions à l'égard de cet immense pays: "Quiconque connaît un peu la Russie sait à quel point ce pays est calomnié dans nos médias. La désinformation est systématique. On ne parle que mafia, corruption, nouveaux riches. Certes, ces plaies existent. En sommes-nous exempts nous-mêmes?" En revanche il se plaît à constater: "Je suis toujours surpris, en venant de France, de l’espace occupé par la culture dans la société russe". Et de rappeler les 80 théâtres de Moscou et les six salles d'opéra toujours pleins, les métros bondés que l'on affronte pour aller écouter un concerto de Rachmaninov… Il a consacré une grande partie de son discours à vanter en la disséquant presque, la profonde connaissance de la langue française dont fait toujours preuve Andreï Makine. Connaissance parfaite de ses nuances, précision constante des termes et mots anciens ressuscités. Dominique Fernandez conclura sa savante intervention en saluant cet "ineffable supplément d’humanité" qu'apporte le nouvel académicien et que l'on peut appeler tout simplement "le charme russe"


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