J'ai découvert Philip Roth avec "Pastorale américaine", sixième roman du cycle de Nathan Zuckerman mais qui peut tout à fait se lire de façon indépendante, ce que j'ai d'ailleurs fait au début des années 2000. Ce bouquin-là reste à mes yeux ce que j'ai lu de mieux de l'auteur.
Il y a quelques années (c'était en 2012) Philip Roth a décidé de ne plus écrire. Alors que cette décision se révélerait une bénédiction pour certains tâcherons d'écrivains que la bienséance m'interdit de nommer, en ce qui concerne un auteur du calibre et du talent de Roth, cela a de quoi laisser perplexe. Auteur encensé par la critique et adulé par les lecteurs - notamment en France - régulièrement cité dans les favoris du Nobel de Littérature, une pareille décision a de quoi interpeller. En annonçant cette nouvelle qui a estomaqué le petit monde de la littérature, il précisait dans une interview donnée aux Inrocks : Je n’ai pas l’intention d’écrire dans les dix prochaines années. Pour tout vous avouer, j’en ai fini. "Némésis" sera mon dernier livre. Regardez E.M. Forster, il a arrêté d’écrire de la fiction vers l’âge de 40 ans. Et moi qui enchaînais livre sur livre, je n’ai rien écrit depuis trois ans. J’ai préféré travailler à mes archives pour les remettre à mon biographe. Allant même plus loin, Philip Roth annonçait la mort proche du roman et son intention de non seulement ne plus en écrire, mais également de ne plus en lire. Alors en attendant de lire son hypothétique biographie, il nous reste une liste de plus de 25 romans et de recueils de nouvelles à nous mettre sous la dent. Toutefois, à l'image de ce que je suis également en train de faire avec Jim Harrison, j'essaye de lire les livres de Roth dans leur ordre chronologique ou à peu près. Au menu donc : "Goodbye Columbus", un recueil de six nouvelles écrites entre 1957 et 1959.Dans cette édition de poche Folio Gallimard traduite par Céline Zins, le Roth moderne (de maintenant) se penche sur ces textes de jeunesse dans une préface en forme de mea culpa. Dans ces feuillets qui précèdent les six textes, il y annonce avec une fausse modestie typique combien ces nouvelles sont imparfaites et un reflet de ce qu'il ne faut pas faire quand on écrit. Il va sans dire que beaucoup d'auteurs aimeraient mal écrire comme Roth. Néanmoins, il n'a pas tout à fait tort : certaines de ces nouvelles sont maladroites et relèvent plus du tâtonnement d'un auteur qui cherche sa voix et non de l'oeuvre majeure comme il en écrira par la suite. Pourtant déjà on trouve dans ces textes les thèmes chers à Roth qu'il n'aura de cesse d'explorer plus profondément ensuite : la place du juif dans l'Amérique de l'après guerre et la place du sexe dans la vie d'un homme, juif de surcroît. Ceux qui ne connaîtraient pas Roth pourraient être refroidis par ce programme et encore une fois, ces nouvelles ne constituent pas ses meilleurs textes. Toutefois, la seule nouvelle "Défenseur de la foi" mérite à elle seule la lecture de ce recueil. Dans ce texte qui place la question de la religion juive dans l'armée de l'oncle Sam, on retrouve déjà l'humour corrosif et fin, le regard critique et aiguisé d'un grand écrivain en devenir. Les autres textes m'ont moins marqué. Cependant, il faut lire ce recueil comme ce qu'il est : les premiers essais littéraires d'un auteur majeur de la littérature mondiale moderne. Et qui plus est, un auteur qui est retraité depuis 2012.