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[fanfiction Harry Potter] Antje #3

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Avant toute chose, je vous souhaite à tous de très belles fêtes de Noël et, pour ceux qui n’aiment pas… courage, ça va vite passer😉

Bonne lecture à tous !

Chapitre 3

In search for a peace of mind

Entretenir mes copains au sujet de ce que m’avait dit McGonagall — essayer de me rapprocher d’Antje Ziegler pour qu’elle se sente moins seule — fut plus compliqué que ce que je pensais. Le professeur Flitwick commença son cours par nous faire pratique le sortilège d’Attraction en vue des BUSE. Il nous fut impossible de discuter de quoi que ce soit tandis que des objets divers volaient dans tous les sens. James se prit la trousse de Mary McDonnald sur la tête et Peter fit exploser une bouteille d’encre en la projetant sans le vouloir contre une fenêtre. Il avait encore bien du mal avec ce sortilège. Tandis que Remus lui expliquait le principe pour la énième fois, j’échangeai des regards entendus avec mon meilleur ami. Il voyait bien que j’étais préoccupé mais le moment n’était pas propice aux messes basses.

Le prof mit fin à la séance de travaux pratiques au bout de trois quarts d’heure. La salle était dans un désordre tout à fait intéressant et Flitwick lui-même avait fait au moins trois fois le tour de la classe en volant à l’horizontale au-dessus des tables. Certains de mes camarades n’étaient même pas capables de viser correctement un objet avec leur baguette magique. C’était consternant.

Une fois la classe remise à peu près en état, on en revint à la bonne vieille théorie redondante, à nos plumes et à nos cahiers. Je pus donc tenir une petite conférence par écrit avec mes amis. Le parchemin effaçable et réutilisable à volonté chauffa pendant une bonne partie du cours. Je résumai de façon substantielle ma conversation avec l’enseignante en métamorphose en expliquant bien que, dans un premier temps, me lier d’amitié avec Antje n’était pas à l’ordre du jour. Je le pensais sincèrement. Il était à priori impossible d’accepter cette fille dans notre groupe : si elle devenait amie avec moi, il lui faudrait aussi accepter James, Remus et Peter parce que nous étions indissociables tous les quatre. Je signalai cependant à mes potes que cette histoire me perturbait un peu. Je n’avais pour ainsi dire jamais adressé la parole à Antje avant ce matin-là et qu’on me demande d’aller lui parler était un peu dérangeant. Je passai toutefois sous silence ma lecture du journal intime. Inutile d’en rajouter davantage, c’était déjà assez compliqué.

Mon petit mot passa d’abord entre les mains de James : En fait, m’écrivit-il, on ne sait pas qui est A. la P. Elle n’a pas d’amis et personne ne lui parle sauf pour lui dire des vacheries ou lui jeter des sorts. Elle n’a pas l’air bien douée pour les rapports humains, mais ça ne veut pas dire que c’est quelqu’un de mauvais…Après tout, même Rogue a des copains, même si c’est des blaireaux obsédés par la magie noire. Alors pourquoi pas elle ?

Remus prit le relais : Qu’est-ce que tu risques à aller lui parler de temps en temps ? McGonagall a raison : étant donné que tu l’as accompagnée à l’infirmerie, elle acceptera peut-être de t’adresser la parole ? Essayer de faire connaissance avec elle ne te coûtera rien… Si tu t’entends bien avec elle, moi aussi j’irai lui parler. Tout le monde a besoin d’avoir des amis, après tout…

La réponse de Peter fut nettement plus brève : Si personne ne parle à Antje la Pleurnicharde, elle doit sans doute le mériter. On récolte ce qu’on sème, après tout. Donc laisse tomber, on n’a pas besoin d’elle.

Remus récupéra le parchemin au vol : Loin de moi de vouloir te vexer, Peter, mais tu n’as pas des masses d’amis à part nous…

James : Pas faux. Si on était pas là, tu serais sans doute tout seul.

Peter : Les choses sont ce qu’elles sont. Vous êtes là, et A. la P. n’a personne. Pour moi, ça ne vaut pas la peine de se décarcasser pour elle.

La balance penchait donc en faveur d’Antje. Je n’en étais pas si surpris que ça : James jugeait les gens à l’emporte pièce. La fille ne lui ayant fait aucune impression particulière dès le départ, il n’était pas opposé à l’idée que j’aille lui parler. Remus était au courant pour le journal intime, c’était donc normal qu’il soit du même avis. Quant à Peter, qui avant de nous fréquenter était considéré comme un minable, il devait trouver son compte à ce qu’Antje n’ait aucun ami. À croire qu’on ait toujours besoin de plus faible que soi.

Je repris le parchemin pour répondre à mes copains :

Cornedrue : C’est vrai, on ne sait pas qui elle est, mais elle n’est pas facile à approcher. Quand je l’ai croisée dans la salle commune, elle m’a parlé comme si j’étais une merde. Elle a peut-être un bon fond, comme tu dis, mais elle n’est pas facile à approcher.

Lunard : Faudrait voir… D’un autre côté, c’est pas donné à tout le monde de se faire accompagner à l’infirmerie par un des types les plus cool de l’école. Elle est plus du genre à flairer une embrouille alors qu’il n’y en a pas plutôt que d’être flattée…

Queudver : Je confirme ce qu’on dit James et Remus. Si on était pas là, tu serais tout seul.

Le message passa de mains en mains. Les réponses me parvinrent quelques minutes plus tard :

Remus : Un de ces quatre, Sirius, ta tête va exploser à force de gonfler. J’ai un peu de mal à comprendre tes réticences, mais tu n’en auras pas le cœur net tant que tu n’auras pas essayé de lui parler.

James : Remus, les gens impopulaires ont tendance à ne pas apprécier les gens populaires parce qu’ils sont jaloux. Ceci dit, A. la P. pourrait faire comme Peter : essayer de se rapprocher de toi (donc de nous) parce qu’on est super cool.

Peter : James, t’es chiant. Sirius, je t’ai donné mon avis, je n’ai rien à ajouter. Ceci dit, fais comme tu le sens et que Merlin bénisse tout ce qui vogue en toi.

« Si messieurs Potter, Black, Lupin et Pettigrow pouvaient être attentifs à mon cours, ça me ferait très plaisir… ».

Oh, un rappel à l’ordre du prof. Ça faisait longtemps. Le parchemin effaçable disparut dans le cartable de James et nous fîmes semblant de nous concentrer sur le cours.

oOØOo

 Le reste de la journée se passa sans incident notable. A dire vrai, j’avais trop de choses en tête pour commettre le moindre esclandre. Le journal intime d’Antje Ziegler et ce qui en avait découlé me préoccupait. J’avais l’impression que mon équilibre vacillait. Que faire ? Je pouvais choisir de désobéir à McGonagall et laisser cette fille se débrouiller avec ses problèmes. Je l’aurais fait sans hésiter si je n’avais pas lu le contenu de son cahier. D’ailleurs, si je n’avais rien su de ses pensées secrètes, je ne lui aurais accordé aucune attention ce matin-là, alors qu’elle rampait à quatre pattes entre les fauteuils de la salle commune. J’aurais pris mon livre dans le dortoir et serais parti en classe sans lui accorder la moindre attention. Tout était donc parti de ce journal, du fait que j’en connaissais le contenu, que j’avais deviné qu’elle le cherchait sous les meubles et c’est en voulant l’aider que j’avais assisté à son malaise. Une fois encore, les choses auraient pu en rester là mais je devais admettre que ce qu’elle avait écrit me hantait, que ses histoires de suicide me mettaient mal à l’aise et que de fait, je ne pouvais pas rester les bras croisés. Dans le même temps, l’idée de lui parler ne m’enchantait pas plus que ça. Que pourrais-je lui dire ? Je n’avais aucune idée de ce qui l’intéressait dans la vie et parler des cours et des profs à défaut d’autre chose me faisait par avance mourir d’ennui. En plus, prendre cette fille sous mon aile représentait une certaine responsabilité, le genre de chose que j’avais tendance à fuir comme la dragoncelle.

Si j’étais globalement d’accord avec ce qu’avaient dit Remus et James, je n’étais pas beaucoup plus avancé et n’avais aucune idée de ce que j’allais faire.

Mon silence et mes questions existentielles semblèrent agacer mon meilleur ami. Il fallait admettre que mon attitude plombait l’ambiance, aussi il prit les devants le soir venu, alors que nous nous trouvions dans la Grande Salle pour le repas du soir.

« Bon, ça suffit, dit-il en posant son bol de soupe sur la table. Il va falloir décider quoi faire à propos d’Antje Ziegler, sinon je crois que Sirius va se faire des nœuds au cerveau jusqu’à ce que mort s’ensuive. »

Peter plongea dans son assiette, visiblement décidé à ne pas faire de commentaires. Je réalisai pleinement l’impact de mon comportement sur notre petit groupe et crus bon de m’excuser.

« Désolé, les gars, je ne voulais pas vous embêter avec ces histoires. C’est juste que je ne m’étais jamais rendu compte à quel point la vie de cette fille est pitoyable. Je ne veux pas dire qu’elle me fait pitié ou qu’elle est trop nulle mais elle n’est pas heureuse, ça se voit comme un troll au milieu d’un couloir. Et ça me préoccupe. »

Je refusai d’évoquer le fait que le quotidien d’Antje à Poudlard ressemblait au mien chez mes parents. Bien sûr, mes copains étaient au courant, je leur en avait parlé depuis longtemps mais je n’aimais pas évoquer le sujet. La seule vue de mon petit frère qui assumait si bien son appartenance à la maison Serpentard et qui n’hésitait pas à me rappeler que j’avais manqué à mes devoirs envers la famille suffisait à me rappeler la vie que j’avais hors des murs de l’école et dont je ne voulais plus. James sembla d’ailleurs le comprendre. Je le vis échanger un rapide regard avec les autres et secouer la tête avec un sourire triste.

« Je vois, dit-il simplement. Ça n’empêche pas qu’il nous faut trouver une solution rapidement, je n’ai pas envie de te voir bouder indéfiniment, Sirius.

— J’ai une idée, intervint Remus. Elle ne me semble pas mauvaise en ce sens où tu pourras te manifester auprès d’elle sans être obligé de lui parler.

— C’est à dire ? demandai-je, curieux d’en savoir plus.

— Tout à l’heure, j’ai entendu des élèves de quatrième année dire qu’elle n’était pas du tout venue en cours aujourd’hui… Elle a dû passer toute la journée à l’infirmerie. Ce que je te propose, Sirius, c’est d’y faire un tour après manger et de demander de ses nouvelles à l’infirmière. Tu ne seras pas obligé d’aller la voir, si ça se trouve elle sera en train de dormir mais elle saura que tu seras venu voir comment elle allait. Madame Pomfresh ne manquera pas de le lui dire.

— Bonne idée, admis-je. J’irai tout de suite après le dessert. »

Il était hors de question que je me prive de tarte aux pommes. Je vis Peter grimacer dans son bol et James sourire. La question étant réglée, je pus m’intéresser à l’essentiel et nous passâmes le reste du repas à inventer des mauvais coups et à réfléchir sur le moyen d’atteindre certaines parties du château a priori interdites. Nous quittâmes la Grande Salle un peu plus tard et je me dirigeai d’un pas tranquille vers l’infirmerie tandis que James, Remus et Peter regagnaient la tour de Gryffondor.

oOØOo

Madame Pomfresh m’accueillit avec un regard soupçonneux. Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais présenté à l’infirmerie qu’après m’être battu à coups de sortilèges et, en tant que fauteur de trouble, je m’étais toujours attiré la méfiance des adultes de Poudlard quels qu’ils soient. Je ne fus donc pas vexé par l’attitude de l’infirmière que j’informai rapidement des raisons de ma visite :

« Bonsoir Madame, j’ai accompagné Antje Ziegler à l’infirmerie ce matin parce qu’elle se sentait malade et…

— Ah, en effet, je m’en souviens, répondit Madame Pomfresh.

— Comment elle va ?

— Je l’ai examinée et il semblerait qu’elle ait avalé une poudre vomitive. Je l’ai interrogée à ce sujet, il n’est pas rare que les jeunes filles en consomment pour perdre du poids mais elle a nié avoir consommé quoi que ce soit d’autre que son petit déjeuner habituel. »

Les filles, ces idiotes, pensai-je sans oser le dire tout haut devant l’infirmière. Elles sont capables de se rendre malades pour correspondre à des critères de beauté qui ne les rendent pas plus intéressantes pour autant. Cela dit, ce n’était pas du tout le genre d’Antje. Le peu d’intérêt qu’elle semblait porter à son apparence était dû aux moqueries dont elle était l’objet, aux remarques sur son poids, ses cheveux, ou Merlin savait quoi. A tous les coups, on lui avait fait une blague douteuse pour qu’elle soit en retard en cours. L’identité des coupables laissait l’embarras du choix, entre des Serpentard et cette bande de filles qui semblait prendre plaisir à la faire pleurer à défaut de la faire sortir de ses gonds. Je mis cette réflexion de côté et revins au moment présent :

« Et elle va mieux, maintenant ? demandai-je à l’infirmière.

— Je l’ai laissée se reposer. Ce matin, elle a dormi et elle a passé l’après-midi à faire des devoirs. Je lui ai donné une potion de Sommeil pour ce soir. Demain, elle aura suffisamment récupéré pour retourner en classe.

— Excusez-moi, m’étonnai-je, mais ce ne sont pas beaucoup de précautions pour quelqu’un qui a vomi à cause d’une poudre ?

— Miss Ziegler est dans un état d’angoisse permanent, Mr. Black, répliqua Mme. Pomfresh d’un ton sec. Beaucoup de choses la rongent et la fatiguent. J’ai pris les dispositions nécessaires pour qu’elle se repose, elle en a grand besoin.

— Très bien, dis-je en haussant les épaules. Vous pourrez lui dire que je suis venu prendre de ses nouvelles ? »

Madame Pomfresh accepta et se rendit dans son bureau dont elle referma la porte, me signifiant que l’entretien était terminé. Avant de sortir à mon tour, je jetai un rapide coup d’œil à la salle de soins, là où on s’occupait des élèves malades. Comme d’habitude, tous les lits étaient entourés de rideaux. Je ne comptais pas déranger Antje Ziegler puisqu’elle dormait mais je voulais juste vérifier quelque chose. Au pied d’un des lits, j’aperçus vite ce que je cherchais sans vraiment l’admettre : le sac en paille tressée qui lui servait de cartable. Je m’approchai furtivement, me saisis du sac et le fouillai. Au milieu des plumes, des bouteilles d’encre, des livres et des rouleaux de parchemin, je découvris son journal. Je l’ouvris à la dernière page pour voir si elle y avait écrit quelque chose depuis la dernière fois… ce qui était le cas. Je récupérai donc le cahier et sortis en catimini.

Je me faufilai jusqu’à une salle de classe désaffectée dans un couloir qui l’était tout autant. A ce que je sache, Rusard ne ferait pas de ronde dans le secteur avant un moment, aussi j’étais sûr de pouvoir faire ce que j’avais à faire sans être surpris. Je m’installai au pupitre du fond, fis un peu de lumière avec ma baguette magique et ouvris le journal secret d’Antje à la dernière page.

18 septembre 1975

Je suis à l’infirmerie. Malade. D’après Madame Pomfresh, j’ai pris un produit qui fait vomir. Elle m’a posé beaucoup de questions mais ce n’est pas moi qui ai mélangé cette poudre avec mon petit-déjeuner. Je suis sûre que c’est Rogue. À ce que je sache, il est suffisamment bon en potions pour avoir fait ça. Dans le fond, ça m’est égal. Ici, je suis bien, personne ne m’embête, le lit est grand et propre, et puis l’infirmière est gentille. Je suis sûre que demain, quand je reviendrai en cours, j’aurai mon lot de sarcasmes et ils trouveront tous très drôle de m’accuser de sécher les cours même si j’étais malade mais maintenant, je m’en fiche. Je n’ai pas envie d’y penser. Je préfère rester couchée, regarder le ciel par la fenêtre et réfléchir à cette chose curieuse qui est arrivée ce matin.

Hier soir, j’ai caché mon journal dans la salle commune de Gryffondor pour que personne ne me surprenne en train d’écrire dedans et j’ai oublié de le récupérer avant d’aller me coucher. Ce matin, j’étais incapable de me souvenir de l’endroit où je l’avais mis. Alors que je le cherchais partout, Sirius Black est apparu. C’est un de ces types populaires avec qui toutes les filles ont envie de sortir. Son frère Regulus est en cours de potions avec moi et il est très désagréable. Il m’embête et me jette des sorts parce que mes parents ne sont pas des sorciers. En tant que « sang-pur », il estime avoir le droit de le faire. Pauvre tache. Il se prend pour qui ? Sirius Black a l’air différent en ce sens où il n’a jamais profité du fait que les gens l’aiment bien pour me rabaisser. Pour tout dire, il ne sait même pas que j’existe. Il aime surtout faire des mauvais coups avec ses copains James Potter, Remus Lupin et Peter Pettigrow.

Bref. Black est donc arrivé et il m’a aidée à chercher mon journal. Merci Merlin, il ne l’a pas trouvé. Il était caché sous un fauteuil et j’espère que personne n’a eu l’idée de regarder dans le coin depuis hier soir. Juste après avoir récupéré mon cahier, j’ai commencé à me sentir mal. Black m’a accompagnée à l’infirmerie même si je lui ai dit de ne pas le faire. Il a dû arriver en retard en classe à cause de moi. C’était vraiment bizarre et je ne sais pas quoi en penser. Qu’est-il sensé se produire quand quelqu’un de très populaire se montre gentil avec une fille que tout le monde déteste ? Peut-être qu’il préparait un mauvais coup. Pourquoi est-il venu dans la salle commune juste au moment où je m’y trouvais ? J’espère qu’il ne se moquera pas de moi quand je sortirai de l’infirmerie, ou alors qu’il n’aura pas raconté à toute l’école qu’il m’a vue sur le point de vomir sur le tapis… mais je ne pense pas que ce soit son genre. Sirius Black ne se montre méchant qu’avec les gens qu’il déteste, comme Rogue. Lui et Potter l’embêtent sans arrêt et ils l’appellent Servilus. Ça me fait rire en secret, en plus j’ai l’impression que ces deux-là me vengent à leur insu des vacheries que Rogue me fait subir.

En résumé, je ne sais pas quoi penser de Sirius Black. Je verrai bien ce que l’avenir apportera mais en attendant, il vaut mieux que je n’attende rien de sa part… ni de lui ni de personne d’autre, finalement.

C’était curieux de lire le résumé des événements de la matinée sous la plume d’Antje. J’avais agi sans me poser de questions mais elle se demandait pourquoi je l’avais aidée. La laisser dans cet état ne me serait jamais venu à l’esprit, en plus ç’aurait été méchant. Ces histoires de popularité ne m’avaient pas effleuré, je faisais juste face à une élève sur le point de vomir son petit-déjeuner. Le reste n’avait aucune importance.

Ce qu’elle avait écrit sur mon petit frère m’attrista un peu – ce type était vraiment un abruti, il avait hérité des pires traits de caractère de nos merveilleux géniteurs – mais je ne pus m’empêcher de sourire en lisant ses commentaires à propos de Rogue. Elle appréciait de nous voir l’asticoter et ça me donna envie de lui faire subir encore plus de mauvais coups. Je n’avais pas besoin de motivation pour ce genre de choses mais savoir que nos plaisanteries mettaient un peu de soleil dans la vie d’Antje Ziegler était toujours ça de gagné.

Ayant tiré ce que je souhaitais du journal intime, il était temps de le rendre à sa légitime propriétaire. Je n’avais pas envie que Madame Pomfresh ait des soupçons en me voyant revenir à l’infirmerie et y retourner sans être vu semblait compliqué… à moins que je n’utilise la cape d’invisibilité de James.

Je regagnai donc la tour de Gryffondor d’un pas vif, le cahier caché sous mon bras, dans les plis de ma robe de l’école. Dans la salle commune, je vis James et Remus penchés au-dessus d’un échiquier. À leurs côtés, Peter faisait ses devoirs en mâchant le bout de sa plume. De temps à autres, mon meilleur ami jetait un coup d’œil à Lily Evans qui ne lui accordait aucune attention, plongée dans une quelconque discussion futile avec ses copines. James me vit entrer et m’adressa un signe de la main. Je fonçai derechef sur lui :

« Dis, tu me prêtes ta cape d’invisibilité ? lui demandai-je discrètement.

— Pourquoi faire ?

— J’ai un truc urgent à faire. Je t’expliquerai, promis.

— Tu ne vas pas explorer le château sans nous quand même ?

— Ça n’a aucun rapport. Je te dirai plus tard. S’il te plaît, prête-la-moi.

— Bon, d’accord. Elle est au fond de ma valise sous les vêtements moldus. »

Sans répondre, le filai dans le dortoir et pris la cape dans les affaires de mon meilleur ami. Je ne pris pas le temps d’observer une fois encore cette merveille que James tenait de sa famille, cette pièce de tissu semblable à de la soie liquide qui garantissait une invisibilité parfaite. Je m’en couvris et retournai dans la salle commune. En passant, j’ébouriffai en passant les cheveux de mon pote qui bondit de sa chaise, au grand étonnement de Remus qui n’avait pas suivi notre conversation.

« Sirius Black, tu as encore oublié de mettre ta cervelle dans ta boîte crânienne avant de sortir, maugréa James.

— Niak niak. »

Je quittai la pièce tendis que Remus demandait ce qui se passait.

La cape rabattue sur ma tête et le journal intime d’Antje toujours sous le bras, je traversai le château en silence. Si je trouvais amusant de me faire remarquer par mon attitude désinvolte et mes mauvais coups, n’être vu de personne n’était pas désagréable pour autant. En passant dans un couloir, je vis passer Rogue qui revenait visiblement de la bibliothèque, chargé d’une pile de livres. Je résistai difficilement à l’envie de lui donner un coup de pied. Merlin, que je déteste ce connard aux cheveux gras. Je passai outre toutefois puisque ce n’était pas le but de ma promenade.

J’entrai silencieusement dans l’infirmerie et me rendis dans la salle de soins dont la porte était ouverte. Je vis Madame Pomfresh penchée sur un petit de première année en pleine crise d’angoisse. Pour certains d’entre eux, c’était difficile de quitter Papa-Maman. Je sentis un rictus inconscient m’étirer les lèvres : je n’étais jamais passé par cette phase et mon entrée à Poudlard avait été une libération. Durant toute mon enfance, j’avais questionné mes géniteurs sur leur haine des Moldus et leur respect du sang pur que je ne comprenais pas et leurs réponses qui suintaient le mépris ne m’avaient jamais convaincu. Avec le temps, j’en avais développé un certain malaise et, en intégrant l’école, j’avais découvert un monde beaucoup plus riche que celui que je connaissais et qui me semblait bien étriqué.

Toujours sans être vu, je glissai le journal intime d’Antje dans son sac et je constatai en me redressant que les rideaux qui entouraient son lit étaient entrouverts. Resister à l’envie de jeter un coup d’œil me fut impossible.

Elle dormait à poings fermés et je crus ne pas la reconnaître. Je ne l’avais jamais vu que comme une fille à l’air revêche et aux yeux gonflés à force de pleurer. Le sommeil la privait de cette expression désagréable et lui conférait un genre de pureté qui n’était pas désagréable à regarder. Quoique… Non. Elle n’était pas inexpressive, en y regardant de plus près. Un début de sourire éclairait son visage. Je ne l’avais jamais vu sourire et elle en était totalement différente. Tandis que je l’observais, presque fasciné, je constatai d’autres détails auxquels je n’avais jamais prêté attention jusqu’alors. Je n’avais jamais remarqué que les cheveux d’Antje Ziegler étaient frisés. En temps normal, ils étaient tressés et tellement tirés que le moindre frisottis était indétectable. À l’infirmerie, on lui avait défait sa natte et sa chevelure était simplement rattachée derrière sa nuque par un élastique ou un ruban. Des boucles d’un roux chaud s’étalaient en liberté sur l’oreiller.

Soudainement, les paroles de James me revinrent à l’esprit. En fait, on ne sait même pas qui est A. la P. Il avait raison. Force était de croire que la tresse serrée et l’expression désagréable étaient une armure et que quelque chose d’autre se trouvait derrière.

Quelque chose que j’eus subitement envie de découvrir.

Avant toute chose, je vous souhaite à tous de très belles fêtes de Noël et, pour ceux qui n’aiment pas… courage, ça va vite passer😉

Bonne lecture à tous !

Chapitre 3

In search for a peace of mind

Entretenir mes copains au sujet de ce que m’avait dit McGonagall — essayer de me rapprocher d’Antje Ziegler pour qu’elle se sente moins seule — fut plus compliqué que ce que je pensais. Le professeur Flitwick commença son cours par nous faire pratique le sortilège d’Attraction en vue des BUSE. Il nous fut impossible de discuter de quoi que ce soit tandis que des objets divers volaient dans tous les sens. James se prit la trousse de Mary McDonnald sur la tête et Peter fit exploser une bouteille d’encre en la projetant sans le vouloir contre une fenêtre. Il avait encore bien du mal avec ce sortilège. Tandis que Remus lui expliquait le principe pour la énième fois, j’échangeai des regards entendus avec mon meilleur ami. Il voyait bien que j’étais préoccupé mais le moment n’était pas propice aux messes basses.

Le prof mit fin à la séance de travaux pratiques au bout de trois quarts d’heure. La salle était dans un désordre tout à fait intéressant et Flitwick lui-même avait fait au moins trois fois le tour de la classe en volant à l’horizontale au-dessus des tables. Certains de mes camarades n’étaient même pas capables de viser correctement un objet avec leur baguette magique. C’était consternant.

Une fois la classe remise à peu près en état, on en revint à la bonne vieille théorie redondante, à nos plumes et à nos cahiers. Je pus donc tenir une petite conférence par écrit avec mes amis. Le parchemin effaçable et réutilisable à volonté chauffa pendant une bonne partie du cours. Je résumai de façon substantielle ma conversation avec l’enseignante en métamorphose en expliquant bien que, dans un premier temps, me lier d’amitié avec Antje n’était pas à l’ordre du jour. Je le pensais sincèrement. Il était à priori impossible d’accepter cette fille dans notre groupe : si elle devenait amie avec moi, il lui faudrait aussi accepter James, Remus et Peter parce que nous étions indissociables tous les quatre. Je signalai cependant à mes potes que cette histoire me perturbait un peu. Je n’avais pour ainsi dire jamais adressé la parole à Antje avant ce matin-là et qu’on me demande d’aller lui parler était un peu dérangeant. Je passai toutefois sous silence ma lecture du journal intime. Inutile d’en rajouter davantage, c’était déjà assez compliqué.

Mon petit mot passa d’abord entre les mains de James : En fait, m’écrivit-il, on ne sait pas qui est A. la P. Elle n’a pas d’amis et personne ne lui parle sauf pour lui dire des vacheries ou lui jeter des sorts. Elle n’a pas l’air bien douée pour les rapports humains, mais ça ne veut pas dire que c’est quelqu’un de mauvais…Après tout, même Rogue a des copains, même si c’est des blaireaux obsédés par la magie noire. Alors pourquoi pas elle ?

Remus prit le relais : Qu’est-ce que tu risques à aller lui parler de temps en temps ? McGonagall a raison : étant donné que tu l’as accompagnée à l’infirmerie, elle acceptera peut-être de t’adresser la parole ? Essayer de faire connaissance avec elle ne te coûtera rien… Si tu t’entends bien avec elle, moi aussi j’irai lui parler. Tout le monde a besoin d’avoir des amis, après tout…

La réponse de Peter fut nettement plus brève : Si personne ne parle à Antje la Pleurnicharde, elle doit sans doute le mériter. On récolte ce qu’on sème, après tout. Donc laisse tomber, on n’a pas besoin d’elle.

Remus récupéra le parchemin au vol : Loin de moi de vouloir te vexer, Peter, mais tu n’as pas des masses d’amis à part nous…

James : Pas faux. Si on était pas là, tu serais sans doute tout seul.

Peter : Les choses sont ce qu’elles sont. Vous êtes là, et A. la P. n’a personne. Pour moi, ça ne vaut pas la peine de se décarcasser pour elle.

La balance penchait donc en faveur d’Antje. Je n’en étais pas si surpris que ça : James jugeait les gens à l’emporte pièce. La fille ne lui ayant fait aucune impression particulière dès le départ, il n’était pas opposé à l’idée que j’aille lui parler. Remus était au courant pour le journal intime, c’était donc normal qu’il soit du même avis. Quant à Peter, qui avant de nous fréquenter était considéré comme un minable, il devait trouver son compte à ce qu’Antje n’ait aucun ami. À croire qu’on ait toujours besoin de plus faible que soi.

Je repris le parchemin pour répondre à mes copains :

Cornedrue : C’est vrai, on ne sait pas qui elle est, mais elle n’est pas facile à approcher. Quand je l’ai croisée dans la salle commune, elle m’a parlé comme si j’étais une merde. Elle a peut-être un bon fond, comme tu dis, mais elle n’est pas facile à approcher.

Lunard : Faudrait voir… D’un autre côté, c’est pas donné à tout le monde de se faire accompagner à l’infirmerie par un des types les plus cool de l’école. Elle est plus du genre à flairer une embrouille alors qu’il n’y en a pas plutôt que d’être flattée…

Queudver : Je confirme ce qu’on dit James et Remus. Si on était pas là, tu serais tout seul.

Le message passa de mains en mains. Les réponses me parvinrent quelques minutes plus tard :

Remus : Un de ces quatre, Sirius, ta tête va exploser à force de gonfler. J’ai un peu de mal à comprendre tes réticences, mais tu n’en auras pas le cœur net tant que tu n’auras pas essayé de lui parler.

James : Remus, les gens impopulaires ont tendance à ne pas apprécier les gens populaires parce qu’ils sont jaloux. Ceci dit, A. la P. pourrait faire comme Peter : essayer de se rapprocher de toi (donc de nous) parce qu’on est super cool.

Peter : James, t’es chiant. Sirius, je t’ai donné mon avis, je n’ai rien à ajouter. Ceci dit, fais comme tu le sens et que Merlin bénisse tout ce qui vogue en toi.

« Si messieurs Potter, Black, Lupin et Pettigrow pouvaient être attentifs à mon cours, ça me ferait très plaisir… ».

Oh, un rappel à l’ordre du prof. Ça faisait longtemps. Le parchemin effaçable disparut dans le cartable de James et nous fîmes semblant de nous concentrer sur le cours.

oOØOo

 Le reste de la journée se passa sans incident notable. A dire vrai, j’avais trop de choses en tête pour commettre le moindre esclandre. Le journal intime d’Antje Ziegler et ce qui en avait découlé me préoccupait. J’avais l’impression que mon équilibre vacillait. Que faire ? Je pouvais choisir de désobéir à McGonagall et laisser cette fille se débrouiller avec ses problèmes. Je l’aurais fait sans hésiter si je n’avais pas lu le contenu de son cahier. D’ailleurs, si je n’avais rien su de ses pensées secrètes, je ne lui aurais accordé aucune attention ce matin-là, alors qu’elle rampait à quatre pattes entre les fauteuils de la salle commune. J’aurais pris mon livre dans le dortoir et serais parti en classe sans lui accorder la moindre attention. Tout était donc parti de ce journal, du fait que j’en connaissais le contenu, que j’avais deviné qu’elle le cherchait sous les meubles et c’est en voulant l’aider que j’avais assisté à son malaise. Une fois encore, les choses auraient pu en rester là mais je devais admettre que ce qu’elle avait écrit me hantait, que ses histoires de suicide me mettaient mal à l’aise et que de fait, je ne pouvais pas rester les bras croisés. Dans le même temps, l’idée de lui parler ne m’enchantait pas plus que ça. Que pourrais-je lui dire ? Je n’avais aucune idée de ce qui l’intéressait dans la vie et parler des cours et des profs à défaut d’autre chose me faisait par avance mourir d’ennui. En plus, prendre cette fille sous mon aile représentait une certaine responsabilité, le genre de chose que j’avais tendance à fuir comme la dragoncelle.

Si j’étais globalement d’accord avec ce qu’avaient dit Remus et James, je n’étais pas beaucoup plus avancé et n’avais aucune idée de ce que j’allais faire.

Mon silence et mes questions existentielles semblèrent agacer mon meilleur ami. Il fallait admettre que mon attitude plombait l’ambiance, aussi il prit les devants le soir venu, alors que nous nous trouvions dans la Grande Salle pour le repas du soir.

« Bon, ça suffit, dit-il en posant son bol de soupe sur la table. Il va falloir décider quoi faire à propos d’Antje Ziegler, sinon je crois que Sirius va se faire des nœuds au cerveau jusqu’à ce que mort s’ensuive. »

Peter plongea dans son assiette, visiblement décidé à ne pas faire de commentaires. Je réalisai pleinement l’impact de mon comportement sur notre petit groupe et crus bon de m’excuser.

« Désolé, les gars, je ne voulais pas vous embêter avec ces histoires. C’est juste que je ne m’étais jamais rendu compte à quel point la vie de cette fille est pitoyable. Je ne veux pas dire qu’elle me fait pitié ou qu’elle est trop nulle mais elle n’est pas heureuse, ça se voit comme un troll au milieu d’un couloir. Et ça me préoccupe. »

Je refusai d’évoquer le fait que le quotidien d’Antje à Poudlard ressemblait au mien chez mes parents. Bien sûr, mes copains étaient au courant, je leur en avait parlé depuis longtemps mais je n’aimais pas évoquer le sujet. La seule vue de mon petit frère qui assumait si bien son appartenance à la maison Serpentard et qui n’hésitait pas à me rappeler que j’avais manqué à mes devoirs envers la famille suffisait à me rappeler la vie que j’avais hors des murs de l’école et dont je ne voulais plus. James sembla d’ailleurs le comprendre. Je le vis échanger un rapide regard avec les autres et secouer la tête avec un sourire triste.

« Je vois, dit-il simplement. Ça n’empêche pas qu’il nous faut trouver une solution rapidement, je n’ai pas envie de te voir bouder indéfiniment, Sirius.

— J’ai une idée, intervint Remus. Elle ne me semble pas mauvaise en ce sens où tu pourras te manifester auprès d’elle sans être obligé de lui parler.

— C’est à dire ? demandai-je, curieux d’en savoir plus.

— Tout à l’heure, j’ai entendu des élèves de quatrième année dire qu’elle n’était pas du tout venue en cours aujourd’hui… Elle a dû passer toute la journée à l’infirmerie. Ce que je te propose, Sirius, c’est d’y faire un tour après manger et de demander de ses nouvelles à l’infirmière. Tu ne seras pas obligé d’aller la voir, si ça se trouve elle sera en train de dormir mais elle saura que tu seras venu voir comment elle allait. Madame Pomfresh ne manquera pas de le lui dire.

— Bonne idée, admis-je. J’irai tout de suite après le dessert. »

Il était hors de question que je me prive de tarte aux pommes. Je vis Peter grimacer dans son bol et James sourire. La question étant réglée, je pus m’intéresser à l’essentiel et nous passâmes le reste du repas à inventer des mauvais coups et à réfléchir sur le moyen d’atteindre certaines parties du château a priori interdites. Nous quittâmes la Grande Salle un peu plus tard et je me dirigeai d’un pas tranquille vers l’infirmerie tandis que James, Remus et Peter regagnaient la tour de Gryffondor.

oOØOo

Madame Pomfresh m’accueillit avec un regard soupçonneux. Jusqu’à présent, je ne m’étais jamais présenté à l’infirmerie qu’après m’être battu à coups de sortilèges et, en tant que fauteur de trouble, je m’étais toujours attiré la méfiance des adultes de Poudlard quels qu’ils soient. Je ne fus donc pas vexé par l’attitude de l’infirmière que j’informai rapidement des raisons de ma visite :

« Bonsoir Madame, j’ai accompagné Antje Ziegler à l’infirmerie ce matin parce qu’elle se sentait malade et…

— Ah, en effet, je m’en souviens, répondit Madame Pomfresh.

— Comment elle va ?

— Je l’ai examinée et il semblerait qu’elle ait avalé une poudre vomitive. Je l’ai interrogée à ce sujet, il n’est pas rare que les jeunes filles en consomment pour perdre du poids mais elle a nié avoir consommé quoi que ce soit d’autre que son petit déjeuner habituel. »

Les filles, ces idiotes, pensai-je sans oser le dire tout haut devant l’infirmière. Elles sont capables de se rendre malades pour correspondre à des critères de beauté qui ne les rendent pas plus intéressantes pour autant. Cela dit, ce n’était pas du tout le genre d’Antje. Le peu d’intérêt qu’elle semblait porter à son apparence était dû aux moqueries dont elle était l’objet, aux remarques sur son poids, ses cheveux, ou Merlin savait quoi. A tous les coups, on lui avait fait une blague douteuse pour qu’elle soit en retard en cours. L’identité des coupables laissait l’embarras du choix, entre des Serpentard et cette bande de filles qui semblait prendre plaisir à la faire pleurer à défaut de la faire sortir de ses gonds. Je mis cette réflexion de côté et revins au moment présent :

« Et elle va mieux, maintenant ? demandai-je à l’infirmière.

— Je l’ai laissée se reposer. Ce matin, elle a dormi et elle a passé l’après-midi à faire des devoirs. Je lui ai donné une potion de Sommeil pour ce soir. Demain, elle aura suffisamment récupéré pour retourner en classe.

— Excusez-moi, m’étonnai-je, mais ce ne sont pas beaucoup de précautions pour quelqu’un qui a vomi à cause d’une poudre ?

— Miss Ziegler est dans un état d’angoisse permanent, Mr. Black, répliqua Mme. Pomfresh d’un ton sec. Beaucoup de choses la rongent et la fatiguent. J’ai pris les dispositions nécessaires pour qu’elle se repose, elle en a grand besoin.

— Très bien, dis-je en haussant les épaules. Vous pourrez lui dire que je suis venu prendre de ses nouvelles ? »

Madame Pomfresh accepta et se rendit dans son bureau dont elle referma la porte, me signifiant que l’entretien était terminé. Avant de sortir à mon tour, je jetai un rapide coup d’œil à la salle de soins, là où on s’occupait des élèves malades. Comme d’habitude, tous les lits étaient entourés de rideaux. Je ne comptais pas déranger Antje Ziegler puisqu’elle dormait mais je voulais juste vérifier quelque chose. Au pied d’un des lits, j’aperçus vite ce que je cherchais sans vraiment l’admettre : le sac en paille tressée qui lui servait de cartable. Je m’approchai furtivement, me saisis du sac et le fouillai. Au milieu des plumes, des bouteilles d’encre, des livres et des rouleaux de parchemin, je découvris son journal. Je l’ouvris à la dernière page pour voir si elle y avait écrit quelque chose depuis la dernière fois… ce qui était le cas. Je récupérai donc le cahier et sortis en catimini.

Je me faufilai jusqu’à une salle de classe désaffectée dans un couloir qui l’était tout autant. A ce que je sache, Rusard ne ferait pas de ronde dans le secteur avant un moment, aussi j’étais sûr de pouvoir faire ce que j’avais à faire sans être surpris. Je m’installai au pupitre du fond, fis un peu de lumière avec ma baguette magique et ouvris le journal secret d’Antje à la dernière page.

18 septembre 1975

Je suis à l’infirmerie. Malade. D’après Madame Pomfresh, j’ai pris un produit qui fait vomir. Elle m’a posé beaucoup de questions mais ce n’est pas moi qui ai mélangé cette poudre avec mon petit-déjeuner. Je suis sûre que c’est Rogue. À ce que je sache, il est suffisamment bon en potions pour avoir fait ça. Dans le fond, ça m’est égal. Ici, je suis bien, personne ne m’embête, le lit est grand et propre, et puis l’infirmière est gentille. Je suis sûre que demain, quand je reviendrai en cours, j’aurai mon lot de sarcasmes et ils trouveront tous très drôle de m’accuser de sécher les cours même si j’étais malade mais maintenant, je m’en fiche. Je n’ai pas envie d’y penser. Je préfère rester couchée, regarder le ciel par la fenêtre et réfléchir à cette chose curieuse qui est arrivée ce matin.

Hier soir, j’ai caché mon journal dans la salle commune de Gryffondor pour que personne ne me surprenne en train d’écrire dedans et j’ai oublié de le récupérer avant d’aller me coucher. Ce matin, j’étais incapable de me souvenir de l’endroit où je l’avais mis. Alors que je le cherchais partout, Sirius Black est apparu. C’est un de ces types populaires avec qui toutes les filles ont envie de sortir. Son frère Regulus est en cours de potions avec moi et il est très désagréable. Il m’embête et me jette des sorts parce que mes parents ne sont pas des sorciers. En tant que « sang-pur », il estime avoir le droit de le faire. Pauvre tache. Il se prend pour qui ? Sirius Black a l’air différent en ce sens où il n’a jamais profité du fait que les gens l’aiment bien pour me rabaisser. Pour tout dire, il ne sait même pas que j’existe. Il aime surtout faire des mauvais coups avec ses copains James Potter, Remus Lupin et Peter Pettigrow.

Bref. Black est donc arrivé et il m’a aidée à chercher mon journal. Merci Merlin, il ne l’a pas trouvé. Il était caché sous un fauteuil et j’espère que personne n’a eu l’idée de regarder dans le coin depuis hier soir. Juste après avoir récupéré mon cahier, j’ai commencé à me sentir mal. Black m’a accompagnée à l’infirmerie même si je lui ai dit de ne pas le faire. Il a dû arriver en retard en classe à cause de moi. C’était vraiment bizarre et je ne sais pas quoi en penser. Qu’est-il sensé se produire quand quelqu’un de très populaire se montre gentil avec une fille que tout le monde déteste ? Peut-être qu’il préparait un mauvais coup. Pourquoi est-il venu dans la salle commune juste au moment où je m’y trouvais ? J’espère qu’il ne se moquera pas de moi quand je sortirai de l’infirmerie, ou alors qu’il n’aura pas raconté à toute l’école qu’il m’a vue sur le point de vomir sur le tapis… mais je ne pense pas que ce soit son genre. Sirius Black ne se montre méchant qu’avec les gens qu’il déteste, comme Rogue. Lui et Potter l’embêtent sans arrêt et ils l’appellent Servilus. Ça me fait rire en secret, en plus j’ai l’impression que ces deux-là me vengent à leur insu des vacheries que Rogue me fait subir.

En résumé, je ne sais pas quoi penser de Sirius Black. Je verrai bien ce que l’avenir apportera mais en attendant, il vaut mieux que je n’attende rien de sa part… ni de lui ni de personne d’autre, finalement.

C’était curieux de lire le résumé des événements de la matinée sous la plume d’Antje. J’avais agi sans me poser de questions mais elle se demandait pourquoi je l’avais aidée. La laisser dans cet état ne me serait jamais venu à l’esprit, en plus ç’aurait été méchant. Ces histoires de popularité ne m’avaient pas effleuré, je faisais juste face à une élève sur le point de vomir son petit-déjeuner. Le reste n’avait aucune importance.

Ce qu’elle avait écrit sur mon petit frère m’attrista un peu – ce type était vraiment un abruti, il avait hérité des pires traits de caractère de nos merveilleux géniteurs – mais je ne pus m’empêcher de sourire en lisant ses commentaires à propos de Rogue. Elle appréciait de nous voir l’asticoter et ça me donna envie de lui faire subir encore plus de mauvais coups. Je n’avais pas besoin de motivation pour ce genre de choses mais savoir que nos plaisanteries mettaient un peu de soleil dans la vie d’Antje Ziegler était toujours ça de gagné.

Ayant tiré ce que je souhaitais du journal intime, il était temps de le rendre à sa légitime propriétaire. Je n’avais pas envie que Madame Pomfresh ait des soupçons en me voyant revenir à l’infirmerie et y retourner sans être vu semblait compliqué… à moins que je n’utilise la cape d’invisibilité de James.

Je regagnai donc la tour de Gryffondor d’un pas vif, le cahier caché sous mon bras, dans les plis de ma robe de l’école. Dans la salle commune, je vis James et Remus penchés au-dessus d’un échiquier. À leurs côtés, Peter faisait ses devoirs en mâchant le bout de sa plume. De temps à autres, mon meilleur ami jetait un coup d’œil à Lily Evans qui ne lui accordait aucune attention, plongée dans une quelconque discussion futile avec ses copines. James me vit entrer et m’adressa un signe de la main. Je fonçai derechef sur lui :

« Dis, tu me prêtes ta cape d’invisibilité ? lui demandai-je discrètement.

— Pourquoi faire ?

— J’ai un truc urgent à faire. Je t’expliquerai, promis.

— Tu ne vas pas explorer le château sans nous quand même ?

— Ça n’a aucun rapport. Je te dirai plus tard. S’il te plaît, prête-la-moi.

— Bon, d’accord. Elle est au fond de ma valise sous les vêtements moldus. »

Sans répondre, le filai dans le dortoir et pris la cape dans les affaires de mon meilleur ami. Je ne pris pas le temps d’observer une fois encore cette merveille que James tenait de sa famille, cette pièce de tissu semblable à de la soie liquide qui garantissait une invisibilité parfaite. Je m’en couvris et retournai dans la salle commune. En passant, j’ébouriffai en passant les cheveux de mon pote qui bondit de sa chaise, au grand étonnement de Remus qui n’avait pas suivi notre conversation.

« Sirius Black, tu as encore oublié de mettre ta cervelle dans ta boîte crânienne avant de sortir, maugréa James.

— Niak niak. »

Je quittai la pièce tendis que Remus demandait ce qui se passait.

La cape rabattue sur ma tête et le journal intime d’Antje toujours sous le bras, je traversai le château en silence. Si je trouvais amusant de me faire remarquer par mon attitude désinvolte et mes mauvais coups, n’être vu de personne n’était pas désagréable pour autant. En passant dans un couloir, je vis passer Rogue qui revenait visiblement de la bibliothèque, chargé d’une pile de livres. Je résistai difficilement à l’envie de lui donner un coup de pied. Merlin, que je déteste ce connard aux cheveux gras. Je passai outre toutefois puisque ce n’était pas le but de ma promenade.

J’entrai silencieusement dans l’infirmerie et me rendis dans la salle de soins dont la porte était ouverte. Je vis Madame Pomfresh penchée sur un petit de première année en pleine crise d’angoisse. Pour certains d’entre eux, c’était difficile de quitter Papa-Maman. Je sentis un rictus inconscient m’étirer les lèvres : je n’étais jamais passé par cette phase et mon entrée à Poudlard avait été une libération. Durant toute mon enfance, j’avais questionné mes géniteurs sur leur haine des Moldus et leur respect du sang pur que je ne comprenais pas et leurs réponses qui suintaient le mépris ne m’avaient jamais convaincu. Avec le temps, j’en avais développé un certain malaise et, en intégrant l’école, j’avais découvert un monde beaucoup plus riche que celui que je connaissais et qui me semblait bien étriqué.

Toujours sans être vu, je glissai le journal intime d’Antje dans son sac et je constatai en me redressant que les rideaux qui entouraient son lit étaient entrouverts. Resister à l’envie de jeter un coup d’œil me fut impossible.

Elle dormait à poings fermés et je crus ne pas la reconnaître. Je ne l’avais jamais vu que comme une fille à l’air revêche et aux yeux gonflés à force de pleurer. Le sommeil la privait de cette expression désagréable et lui conférait un genre de pureté qui n’était pas désagréable à regarder. Quoique… Non. Elle n’était pas inexpressive, en y regardant de plus près. Un début de sourire éclairait son visage. Je ne l’avais jamais vu sourire et elle en était totalement différente. Tandis que je l’observais, presque fasciné, je constatai d’autres détails auxquels je n’avais jamais prêté attention jusqu’alors. Je n’avais jamais remarqué que les cheveux d’Antje Ziegler étaient frisés. En temps normal, ils étaient tressés et tellement tirés que le moindre frisottis était indétectable. À l’infirmerie, on lui avait défait sa natte et sa chevelure était simplement rattachée derrière sa nuque par un élastique ou un ruban. Des boucles d’un roux chaud s’étalaient en liberté sur l’oreiller.


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