Titre : Rural !
Scénariste : Etienne Davodeau
Dessinateur : Etienne Davodeau
Parution : Mai 2001
Etienne Davodeau est aujourd’hui une des références du reportage en bande-dessinée. Il a démarré à travailler cet aspect documentaire sur « Rural ! » en 2001. Il décide de suivre trois paysans pendant une année et de retranscrire leur quotidien, leurs problèmes et leurs aspirations. La démarche, surtout à l’époque, n’est pas simple. Davodeau se sent obligé d’écrire un avant-propos devant l’aspect original de son ouvrage. « Une chose est sûre : c’est de la bande-dessinée ». Et s’embrayer sur : « je ne connais pas de raison pour le limiter à la fiction ». Il y explique également qu’il n’y ait pas objectif et assume parfaitement cette idée. L’ouvrage fait pas moins de 140 pages et est publié chez Delcourt.
Un reportage à la narration impeccable.
Un reportage en bande-dessinée, voilà qui est curieux pour beaucoup. Et pourtant, il serait dommage de passer à côté d’ouvrages de ce type tant ils peuvent être passionnants. Il y a un côté militant certain dans ce livre. Étienne Davodeau s’intéresse à une exploitation tenue par trois hommes qui vont tenter l’agriculture bio. Ils croient en une agriculture raisonnée, en marge des méthodes prônées par la FNSEA (le livre est d’ailleurs préfacé par José Bové). En parallèle à l’exploitation, un projet d’autoroute va bouleverser le village.
En mettant de côté la fiction, Etienne Davodeau perd évidemment tous les avantages liés à elle. Mais il gagne une sincérité, celle du réel. Alors certes, le tout n’est pas forcément objectif, c’est romancé, mais les personnages sont d’autant plus touchants que l’on sait qu’ils ont réellement vécu ce que l’on lit. L’ouvrage est finalement très militant. Par forcément par les discours du Davodeau. Mais ce dernier, en décidant de s’intéresser à des paysans de la confédération paysanne luttant contre un projet d’autoroute, savait vers quoi il se dirigeait…
L’aspect documentaire est donc intéressant. Syndicats paysans, techniques de moisson, vaches laitières… Le citadin apprendra à coup sûr beaucoup de choses. Mais l’aspect humain est primordial c’est Davodeau. Derrière les grands mots, les grands projets, les grandes décisions, il retourne toujours à la source : qui est impacté et de quelle sorte ? L’ouvrage n’est pas dénué d’émotions et de moments difficiles. Du beau travail.
Davodeau adopte un style sobre et élégant pour son dessin. Le noir et blanc, rehaussé de gris, évite les paysages bucoliques. Le trait est à la fois relâché et très réaliste. La mise en page est tantôt très rigide (gaufrier de 6 cases identiques carrées), tantôt beaucoup plus libre. La narration et le dialogue sont évidemment très présents, pour ne pas dire omniprésents. Mais Davodeau prend le temps de quelques passages muets lorsque le texte est inutile.
Il faut signaler le travail incroyable réalisé par Davodeau sur la narration. Alors que l’histoire dure une année complète et que les flashbacks et digressions sont nombreux, le tout est toujours très fluide et tient le lecteur en haleine. La maîtrise du récit dont fait part l’auteur force le respect.
Au final, cet ouvrage montre combien la bande-dessinée peut être un formidable médium pour le reportage. Ce documentaire est bien mené, riches en informations et en émotion. La narration de haut-vol permet au lecteur de se sentir impliqué d’un bout à l’autre. Du beau travail.