La comédie française est un genre moribond. Il est dur de voir de vrais bons films, originaux, voir totalement cintrés, qui osent raconter n’importe quoi et qui arrivent en plus à être drôles. La personne aux deux personnes est un de ces films au postulat totalement barré qui, une fois le concept accepté, permet de franchement se marrer pendant une heure et demie.
La personne aux deux personnes – Flouuuu de toi, complètement fouuuuu tu vois.
Gilles Gabriel est un chanteur has-been des années 80. Un jour, par mégarde, il renverse Jean-Christian Ranu, expert comptable à la COGIP. Lors de l’accident, l’esprit de Gilles est transféré dans le corps de Jean-Christian. Désormais, le comptable de la COGIP vit en permanence avec la voix de Gilles dans sa tête. Ils vont devoir cohabiter dans le même corps sachant que Gilles compte profiter de l’expérience pour faire son come-back…
Comme je l’ai indiqué en intro et comme vous l’aurez compris à la lecture du pitch, La personne aux deux personnes est un film original et différent. Une fois passées les quelques minutes de suspension de crédulité, on rentre très vite dans l’histoire. Comment en effet ne pas sentir un minimum d’empathie pour se looser patenté de Ranu et se looser sur le retour de Gilles Gabriel. En cohabitant à deux dans le même corps, ces deux ratés vont s’entre-aider et dépasser leurs barrières habituelles.
Le côté décalé du projet tient surtout grâce à son casting brillant. A commencer par Chabat, énorme en chanteur des 80’s à mulette, ringardos refusant d’assumer que le temps à passer, puis voix off omniprésente. Gros travail également abattu par Daniel Auteuil, en rescapé démodé des années 70, placardisé dans sa boîte, et dont le seul rayon de soleil est sa supérieure dont il est éperdument amoureux. Toujours accroché à sa sacoche démodée, il perçoit le monde comme hostile.
Dans sa construction, le film évolue comme une suite de petites scénettes aux styles différents, présentant quelques aspects de cette cohabitation difficile. Certaines sont très réussies, d’autres un peu moins. On retiendra surtout une séquence onirique où, tout de blanc vêtus, un fusil à pompe à la main, et sur fond de ballade des années 80, Jean Christian et Gilles, tout sourire, massacrent allégrement tous les employés de la COGIP. Où encore cette séquence hallucinante devant les actionnaires, où armé d’un synthé ringard et toujours de son éternelle sacoche, Ranu va annoncer en chanson les résultats de l’année, avec un refrain énorme et con « Moi je travaille à la COGIP ».
Le marketing du film a été particulièrement bien pensé, à commencer par le faux clip de Gilles Gabriel, visible sur Youtube : Flou de toi. Un grand moment. Ou encore ce faux site de la COGIP présentant les activités de la structure. On retiendra de celle-ci que son but est de construire une comptabilité analytique transactionnelle porteuse de rêve, porteuse d’espoir… Il existe également une fiche Jean-Christian Ranu sur facebook, le site de Jean-Jacques style, grand prêtre de la mode pourrie…
Bref, même en étant allergique à l’humour gras et lourd, je pense qu’il est difficile de rester de marbre devant La Personne aux deux personnes. C’est une franche réussite que les deux réalisateurs Nicolas et Bruno rendent délicieusement kitsch. Une des rares comédies récentes qui m’aie vraiment fait rire !