Dans un précédent billet, j’évoquais le méchant consumérisme qui plonge toute cette période de fêtes ou chacun rivalise d’inventivité pour dépenser son temps et son argent en cadeaux souvent inutiles que des masses capitalistes sans foi ni loi tentent de nous vendre par une publicité des plus racoleuse. Pourtant, se focaliser sur cet aspect serait aussi oublier l’esprit de Noël : la charité et le fait de s’en mettre plein la panse.
RoOoh, bon, d’accord, je vais choquer certains de mes lecteurs en remettant sur le tapis cette réalité pourtant difficile à occulter : de façon traditionnelle et en France tout particulièrement, Noël et le Jour de l’An correspondent à une période où beaucoup en profitent pour faire de plantureux repas, pas franchement Manger-Bouger, comprenant à la fois trop de sucre, trop de gras, trop de sel et pas trop d’exercices physiques si ce n’est celui de lever le coude, et ce, que l’on soit d’un bord ou l’autre de l’échiquier politique.
Magie du capitalisme qui a, précisément, permis à un nombre toujours grandissant d’individus d’accéder au plaisir simple d’un bon repas au moins une fois de temps en temps, la période des fêtes de fin d’année est aussi un excellent rappel que nous vivons des temps bien moins rigoureux que ce que le reste de l’humanité a vécu dans les siècles passés. Si, très évidemment, il reste encore beaucoup de chemin à parcourir pour que chaque être humain sur cette planète dispose effectivement d’un environnement qui lui soit pleinement favorable, il n’en reste pas moins que jamais, dans l’histoire, la société humaine dans son ensemble n’a été aussi opulente.
Réjouissons-nous donc de la perspective de ces quelques bons repas que beaucoup, je l’espère, partageront avec leurs proches, amis et famille.
Et ce, d’autant plus que pour certains d’entre nous, particulièrement attachés à manger sain et en syntonisation complète avec Gaïa, il est maintenant possible de faire bombance en tapant dans les meilleures productions que le label « bio » peut nous fournir. Miam.
Bon.
Peut-être pas avec du saumon, poisson dont la graisse a déjà la fâcheuse tendance à stocker les métaux lourds et tout un tas de vilaines toxines (qu’on soupçonnera sans mal d’être à la fois capitalistes et néolibérales, au moins). Et c’est apparemment pire lorsqu’il est bio : non pas qu’il serait encore plus capitaliste et néolibéral (ce n’est juste pas possible), mais il est plus toxique lorsqu’il est bio. Zut, voilà qui est fort gênant, d’autant qu’on nous avait vendu le bio comme plutôt meilleur pour la santé (à condition d’oublier le soja bio aux bactéries tueuses).
Et malgré tout, une bonne nouvelle surnage cependant dans cette refroidissante information sur les saumons bios toxiques : le saumon frais issu de filières conventionnelles, qu’il vienne de Norvège ou d’Irlande, est moins contaminé qu’avant. Manifestement, l’élevage de ces poissons, dans des fermes marines spécialisées, fonctionne plutôt bien et permet de bien mieux répondre, tant en qualité qu’en quantité, à la demande des consommateurs. On peut d’ores et déjà s’en réjouir.
D’autant plus que ce qui est vrai pour le saumon l’est aussi… pour le thon ! Une récente recherche montre ainsi que les taux de mercure et d’autres métaux lourds dans les chairs des thons décroissent depuis plusieurs années. Cette amélioration proviendrait de la diminution de l’utilisation du charbon dans la production d’électricité notamment aux États-Unis, avec une nette diminution de la pollution afférente en Atlantique Nord.
Certes, admettons-le, le thon, c’est moins festif que le saumon, mais ne boudons pas notre plaisir : abandonner le charbon pour produire de l’électricité permet d’améliorer la toxicité des saumons et des thons, et c’est malgré tout une bonne nouvelle !
Maintenant, pour les plus tatillons d’entre nous, si ni le thon, ni le saumon n’obtiennent nos suffrages, le capitalisme a quand même d’autres tours dans sa manche. Dès lors, pourquoi ne pas s’intéresser au caviar ? S’il y a bien, avec le champagne, les gros cigares et les réceptions de l’ambassadeur où l’on grignote aussi des boules de choco douteuses, un symbole d’un capitalisme débridé, c’est bien le caviar, non ?
Ça tombe bien ! À côté du saumon pas bio et pas toxique, le capitalisme permet aussi de manger du caviar de moins en moins cher ! Grâce à l’accroissement de la production et à la multiplication des concurrents, les prix du caviar ont été divisés par deux dans les cinq dernières années : avec l’arrivée de nouveaux pays producteurs comme la Suisse, le Vietnam, les États-Unis ou les Émirats Arabes Unis en plus des producteurs traditionnels comme la Russie ou l’Iran, la production mondiale annuelle qui s’établissait jusqu’à présent autour de 100 tonnes est maintenant de plus du double, à 250 tonnes, et devrait atteindre 500 tonnes vers 2020 d’après les chiffres de l’Association des Importateurs Internationaux de Caviar.
Bref : le capitalisme va, encore une fois, transformer un bien de luxe en bien de consommation courante et ainsi permettre à un nombre croissant d’individus d’accéder à ce qui était auparavant réservé à une élite. Ce fut le cas pour les voitures, les sanitaires à la maison, l’électricité, la nourriture riche et abondante, le parfum ou la médecine, c’est maintenant le cas pour les mets fins et les repas de fête.
Réjouissez-vous : le capitalisme, ça marche !