Cette année, comme beaucoup d'autres années à Noël, j'ai fait une liste de cadeaux.
Pas que j'aie vraiment envie d'avoir des cadeaux. En fait, je déteste les cadeaux. Au début, quand je dis ça aux gens, ils s'imaginent que c'est facile à comprendre, que je suis radin, c'est simple. Mais quand j'explique avec difficulté que je n'aime pas RECEVOIR de cadeau, là, j'observe une espèce de perte de conscience abstraite chez mes interlocuteurs. Ils essaient d'abord de comprendre si on utilise bien les mêmes mots pour parler des trucs. Essayer de voir si une double négation ne foutrait pas la merde quelque part, et en fin de compte, ils me répètent : « Tu n'aimes pas RECEVOIR des cadeaux ? ».
C'est là qu'ils se disent que si je n'aime pas en faire, mon sens de l'économie n'est peut-être pas en cause. Et là, je peux aborder mon sens de l'écologie.
Il n'est pas toujours simple d'expliquer que n'ayant besoin de rien, je déteste l'idée d'être complice malgré moi de la société de consommation en recevant des cadeaux absolument débiles. On peut faire plaisir autrement qu'en dépensant de l'argent, qu'en tuant des ours blancs ou des grands singes, qu'en détruisant les dernières ressources de la planète.
Une année, j'ai tenté de ne pas faire de liste. Les cadeaux que j'ai reçus ont vraiment été dans cette veine. L'un d'eux a fini chez un pote 48h plus tard, et il est ressorti de son placard 10 ans après pour finir en brocante, neuf, chez une vieille qui voulait amuser ses petits enfants. Faites le chemin : acheteur > moi > mon pote > la vieille > petits enfants. Le cadeau ne servira (je suppose) qu'en 5ème main et après 10 ans. C'est ainsi que finissent des millions de cadeaux tous les ans sur les sites de vente en ligne. Le chiffre gonfle tous les ans, la mascarade commence à vraiment enfler. La revente de cadeaux devient une institution, l'icône de la futilité marchande.
J'ai déjà tenté de proposer une liste d'organismes à qui faire un don. Mais non, ça n'a pas mordu. Au pire, il y a l'argent, qui peut servir à changer mes pneus si besoin, même si j'ai prévu de quoi le faire. Mais ça ressemble trop à la liste des courses, et pour cause. Tant qu'on ne peut pas mettre un embrayage sous le sapin avec un beau nœud, ça ne compte pas.
Alors pour avoir au moins des trucs qui me serviront (des trucs que j'achèterais bien moi-même), je suis revenu rapidement à la liste. Je ne fais pas de cadeaux, tout le monde le sait, mais je me soumets à la liste. C'est pas simple : n'ayant pas de réels besoins (en chômeur bien rôdé que je suis), je dois m'y prendre 6 mois à l'avance, m'interdire d'acheter ce dont j'ai besoin, m'en priver pendant cette durée, et le mettre sur la liste. Et si on ne me l'offre pas, alors je peux me jeter sur l'achat en janvier, parce que je m'en passe depuis 6 mois quand même.