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[fanfiction Harry Potter] Antje #2

Par Artemissia Gold @SongeD1NuitDete

Bonne lecture à tous !  

Chapitre 2

The thing that should not be

Je passai une mauvaise nuit. Malgré la fatigue et l’heure tardive à laquelle je m’étais couché, mes quelques heures de sommeil n’eurent rien de réparateur. La lecture du journal intime d’Antje Ziegler fit surgir de mon inconscient quelques images macabres brevetées Sirius Black. Je rêvai de ma camarade, morte, les yeux ouverts, étendue dans un cercueil. Ma mère et ma cousine Bellatrix se livraient à une sorte de danse rituelle sinistre autour du cadavre avant d’y mettre le feu. À la lueur des flammes, leur regard se teintait d’un rouge malsain. Je m’éveillai en sueur de ce cauchemar aux petites heures du matin et fus incapable de me rendormir.

Étendu dans l’obscurité, je pensai à la bizarrerie de mon existence. À Poudlard, j’étais l’éternel fauteur de trouble, le petit rigolo qui fait toujours l’idiot, la terreur du corps enseignant et le meilleur ami de l’Attrapeur de l’équipe de Quidditch de Gryffondor. Cette attitude n’était qu’une façade. Seuls mes meilleurs amis connaissaient la vérité. Je jouais les rebelles et les têtes à claque pour oublier ce que je vivais dans la maison familiale au 12, square Grimmaurd à Londres. Je chassais ainsi mes idées noires et mes propres névroses. En quelque sorte, je faisais tout ce qui m’était interdit chez mes parents : rire, plaisanter, tenir tête aux adultes, choisir mes amis et mes ennemis selon mes propres critères, si contraires à ceux qu’on avait essayé de m’apprendre de force. Je désobéissais dans la joie et la bonne humeur aux principes de la « très noble et ancienne maison des Black », maison que j’envisageais de plus en plus sérieusement de quitter avant ma majorité pour peu que j’en aie les moyens et la possibilité. Pour reprendre les termes du journal intime d’Antje, je ne supportais plus ni mes parents, ni leur baraque, ni leurs opinions.

Je ne me sentais pas au mieux de ma forme au moment de me lever. Je tentai de faire bonne figure devant les copains qui ne firent aucun commentaire. Ils devaient pourtant se douter que quelque chose n’allait pas chez moi. En trois ans, ils avaient appris à voir dans mon jeu. On descendit tous les quatre prendre le petit-déjeuner dans la Grande salle et, au détour d’un couloir, j’avisai Lily Evans qui marchait devant nous. Je me souvins de ce que m’avait dit Remus : elle était la préfète des filles de Gryffondor. J’accélérai donc le pas pour me retrouver à sa hauteur.

«  Hé, Evans !

— Tiens, Sirius Black, fit-elle avec dédain. Quelle bonne surprise ! »

Son ton déplaisant ne me dérangea pas outre mesure. James était amoureux d’elle depuis la troisième année et, pour une quelconque raison typiquement féminine (comprenez incompréhensible), elle le méprisait cordialement et se faisait un plaisir faire savoir à qui voulait l’entendre que ce n’était qu’un voyou infréquentable. Elle semblait ne pas beaucoup m’apprécier non plus et je m’en moquais bien. Cette fille devait simplement avoir un problème avec les mecs cool. Tandis qu’elle me toisait avec ses grands airs, je continuai à marcher près d’elle sans me laisser démonter :

« Je peux te dire un mot ?

— Ça dépend. »

J’eus l’impression qu’elle m’envoyait paître sans me le dire franchement. Quelle pimbêche. C’était comme si être mignonne et bonne élève faisait d’elle un être supérieur. Elle avait beau dire que mon meilleur ami était prétentieux, elle ne s’était pas regardée. Je ravalai mon agacement, tentai de garder mon calme et adressai à Evans mon célèbre sourire qui tue, celui auquel personne ne pouvait résister :

« Dans ce cas, je serai bref. Je voulais juste te dire que tu ferais bien de t’occuper de ton boulot de préfète, de temps en temps… en allant discuter avec Antje Ziegler, par exemple.

— Tiens, tiens, tiens, répliqua la fille avec un sourire narquois. Tu t’intéresses à cette pauvre fille, Black ? »

Grr. Grrr. Grrrrrrrrrrrr… Je serrai les mains dans la poche de ma robe pour les empêcher de se poser toutes seules autour du joli petit cou blanc d’Evans pour le serrer très fort. Quelque part, j’aurais dû m’y attendre. Cette crâneuse ne devait pas avoir assez de plomb dans la cervelle pour s’occuper d’une fille qui envisageait le suicide. En plus, elle pouvait toujours causer. Niveau fréquentations bizarres, elle se posait là puisqu’elle était amie avec Severus Rogue. On les voyait souvent discuter ensemble dans les couloirs, ils s’asseyaient l’un à côté de l’autre en cours de potions et elle le défendait quand on lui faisait des blagues. Je ravalai mon agacement comme je le pus et me forçai à rester d’un calme olympien :

« Je ne m’intéresse pas plus à elle qu’à toi, Evans. Seulement, comme elle ne sait pas se défendre, tout le monde lui fait des vacheries et non seulement c’est ridicule, mais en plus ça plombe l’ambiance.

— Vraiment, fit la fille d’un ton acide. Excuse-moi, Black, mais je ne vois pas la différence entre les moqueries que subit Ziegler et les plaisanteries dont Severus Rogue est victime de ta part et de celle de tes désopilants copains… Pourquoi ce ne serait pas vous qui plomberiez l’ambiance, pour changer ?

— Le vieux Servilus sait se défendre, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. Il nous a envoyés plein de fois à l’infirmerie avec ses sortilèges de magie noire dégueulasses. Ziegler, elle, ne fait jamais rien. Du coup, de plus en plus de gens s’acharnent sur elle et c’est à la fois lâche, répugnant et débile.

— Que veux-tu que je te dise ? J’ai déjà essayé de l’aider, je te signale, au moins pour qu’elle change de coiffure et qu’elle ne s’habille plus comme un sac, mais elle ne fait aucun effort. Elle persiste à ne vouloir ressembler à rien. Si elle prenait un peu plus soin d’elle, peut-être que les gens s’y intéresseraient davantage au lieu de se moquer d’elle, mais elle ne veut pas, qu’est-ce qu’on peut y faire ?

— Tu es préfète, Evans, merde !

— Désolée, Black, j’ai autre chose à faire que de récupérer les irrécupérables.

— Pourtant tu l’as déjà fait, tu es copine avec Rogue ! »

En m’entendant insulter son « protégé », Evans vit rouge. Je crus qu’elle allait me jeter un sort mais elle sembla se raviser.Une seconde plus tard, elle avait remis son masque de miss Parfaite Intouchable.

« Pauvre crétin, dit-elle. Tu ne comprends rien à rien. Après tout, si le destin tragique d’Antje Ziegler te tracasse tant que ça, pourquoi tu n’essaies pas de l’aider, toi ? Si ça se trouve, elle serait ravie de devenir ton amie. Comme ça, on serait à égalité : chacun son « irrécupérable », n’est-ce pas, Black ? »

Ces paroles me clouèrent le bec et Evans disparut de mon champ de vision avant que je ne puisse trouver un sarcasme saignant à lui renvoyer dans la figure. Je fus rejoint l’instant d’après par James, Remus et Peter.

« Dis donc, je t’ai vu parler à Lily. Tu lui as dit quoi ? demanda James, des soupçons plein la voix.

— Tu sais quoi, répondis-je d’un ton dégagé, tu devrais laisser tomber cette chipie prétentieuse et te tourner vers d’autres horizons.

— Lily n’est pas une chipie prétentieuse », rétorqua mon meilleur pote d’un ton buté.

oOØOo

J’oubliai Antje et l’arrogant objet du désir de James à la table du petit-déjeuner. Peter voulut jeter un coup d’œil à mon devoir de métamorphose, celui que je n’avais pas fait et qui m’était totalement sorti de la tête. Sans rien dire, Remus sortit sa copie et me laissa le recopier allègrement. Je lui témoignai ma gratitude en lui ébouriffant sauvagement les cheveux. Malgré son air amusé, il fronça légèrement les sourcils :

« Essaie de faire en sorte que ça ne se reproduise pas trop souvent, quand même… »

Je ne me donnai même pas la peine de répondre. Je noircis consciencieusement ma feuille de parchemin en évitant d’y faire des taches de marmelade. Pendant ce temps, Remus révisait ses cours en mâchouillant une tartine et James regardait d’un air vague en direction d’Evans qui papotait avec ses copines à l’autre bout de la table des Gryffondor. En relisant la conclusion de mon devoir, je repensai à ce que m’avait dit cette satanée préfète. Si le destin tragique d’Antje Ziegler te tracasse tant que ça, pourquoi tu n’essaies pas de l’aider, toi ? Ça me paraissait presque absurde. Je n’avais rien à perdre vu que je ne la connaissais pas mais j’avais l’impression que nous n’avions rien en commun. Par ailleurs, elle n’était pas facile d’approche. Sa peur des gens la rendait vite agressive. Elle se conduisait comme une espèce de hérisson, sortant ses pics quand elle se sentait attaquée.

En rangeant dans mon sac ma copie de métamorphose fraîchement terminée, je constatai qu’il me manquait un livre. Après le cours de McGonagall, on avait sortilèges et j’avais visiblement laissé mon bouquin dans le dortoir. Je maudis cette nuit pourrie responsable de mon étourderie. Si je n’avais pas mon bouquin, Remus allait encore me faire la morale et le vieux Flitwick nous ferait une crise d’apoplexie. Pour lui, un livre oublié était un prétexte de choix pour ne pas écouter son cours. Il n’avait pas tort mais comme Peter était d’une nullité crasse en sortilèges, nous étions obligés d’écouter pour pouvoir tout lui réexpliquer après. Faute d’avoir le choix, je filai au pas de course jusqu’à la tour de Gryffondor pour récupérer mon bouquin.

oOØOo

La salle commune n’était pas vide. Je trouvai, à quatre pattes et le nez au ras du sol, Antje Ziegler. Elle devait être à la recherche de son journal intime. J’observai un moment ses gestes maladroits, la robe trop grande pendouillant autour de ses formes replètes et sa longue natte rousse qui balayait les moutons de poussière. Elle ne me vit pas entrer. Je traversai donc la pièce en catimini sans pour autant la quitter du regard. Elle finit par lever la tête et, s’apercevant de ma présence, elle me jeta un regard malveillant et sortit ses griffes sans me laisser le temps de dire un mot :

« Qu’est-ce que t’as, Black ? Tu veux ma photo ? »

Je décidai de ne pas tenir compte de son ton hargneux :

« Tu as perdu quelque chose ? »

Elle eut un sourire cynique :

« Ben dis donc, heureusement que toi et ton pote Potter, vous êtes les types les plus brillants de l’école. Oui, j’ai perdu quelque chose. Antje la Pleurnicharde n’a pas encore décidé de se rouler dans la poussière comme une truie qu’elle est. »

Eh bien, pensai-je. Si c’était comme ça qu’elle pensait parer aux moqueries des autres, elle n’était pas sortie de l’auberge. Cette tactique de défense était ridicule à défaut d’être débile.

« Arrête un peu ton char, Ziegler, dis-je, agacé. Je te parle poliment, tu n’es pas obligée de m’envoyer paître avec les hippogriffes, merde ! »

Elle me regarda d’un air surpris. Le temps sembla suspendu quelques secondes, puis elle soupira :

« Excuse-moi. C’est vrai, je n’ai pas à te parler sur ce ton, je suis désolée. J’ai… euh… hier soir, j’ai oublié un livre de la bibliothèque que je dois rendre aujourd’hui sans faute. Si je ne le retrouve pas, Mme. Pince va me tuer, et je dois faire vite, j’ai un cours dans dix minutes.

— Tu veux que je t’aide à le chercher ?

Nouveau regard surpris :

— Euh… Pourquoi pas, après tout. Merci. »

J’aurais pu utiliser un sortilège d’Attraction histoire de lui en mettre plein la vue mais je n’étais pas certain qu’il fonctionne. Après tout, malgré le sortilège de Confusion, ce que cherchait Antje n’était pas un livre de la bibliothèque. Je fis donc mine de regarder sous les tables et derrière les rideaux. Je me souvenais parfaitement de l’endroit où se trouvait le journal intime mais je restai le plus éloigné possible du fauteuil sous lequel il était glissé. Il fallait qu’elle ne se doute de rien. Si je le trouvais trop vite, elle aurait forcément des soupçons.

Antje retrouva son bien au bout de quelques minutes. Sans rien dire, elle me montra de loin la couverture ensorcelée avant de glisser subrepticement le journal dans son sac. Elle se leva, lissa sa robe trop grande et se dirigea vers le portrait de la Grosse Dame. Elle allait quitter la salle commune sans demander son reste quand elle se plia en deux, comme atteinte d’une violente douleur à l’estomac. Inquiet, je me précipitai vers elle :

« Ça va ?

— Non, souffla-t-elle d’une vois rauque. Ça ne va pas. J’ai mal au ventre. Je crois que je vais vomir. Il faut que j’aille à l’infirmerie.

— Je t’accompagne. »

Malgré la pâleur inquiétante de son visage, le regard qu’elle leva sur moi était fuyant et méfiant :

« Fiche-moi la paix, Black. Je peux y aller toute seule.

— Mais…

— Laisse-moi tranquille, je te dis ! Dégage. Va rejoindre tes copains et laisse Antje la Chialeuse se débrouiller toute seule. »

Elle vacilla contre la porte et je dus la retenir avant qu’elle ne tombe dans les pommes. Sans lui laisser le temps de protester (d’ailleurs, vu la façon dont elle plaquait ses mains contre sa bouche, ç’aurait été tout autre chose qui en serait sorti), je la soutins par le bras et l’accompagnai à l’infirmerie.

oOØOo

Pendant qu’Antje vomissait tripes et boyaux, je dus expliquer à Mme. Pomfresh les circonstances dans lesquelles j’avais trouvé ma camarade. L’infirmière fut un peu surprise que l’épidémie annuelle de gastro-entérite commence si tôt dans l’année. Elle me laissa repartir au bout d’un moment en me disant qu’elle prendrait Antje en charge et que j’avais bien fait de l’accompagner.

Je ne pris pas le temps de m’étonner qu’un adulte me félicite pour autre chose que pour une bonne note. Je filai au pas de course dans les couloirs jusqu’à la salle de métamorphose. J’étais en retard et McGonagall allait me tirer les oreilles. Heureusement que j’avais réussi à copier le devoir de Remus. Si j’avais rendu copie blanche, j’aurais été un homme mort.

L’enseignante en métamorphose m’accueillit avec un regard froid comme la banquise :

« Vous êtes en retard, Black. J’ose espérer que vous avez une excuse valable. »

Zut. Je restai en arrêt, fixant mon professeur avec des yeux de Strangulot frit. Je n’osai pas dire que j’avais accompagné Antje à l’infirmerie. Cette histoire ferait probablement le tour de l’école en un temps record et certains imbéciles que je ne nommerais pas en tireraient des conclusions des plus consternantes. Être le fruit de ce genre de rumeurs ne faisait pas partie de mes projets immédiats. Dans le même temps, les seuls mensonges qui me vinrent à l’esprit ne tenaient pas la route. Que faire ? Bobard ? Pas bobard ? Merde…

Ignorant tout de mon débat intérieur, McGonagall me fixait toujours d’un air désapprobateur :

« Eh bien, Black ? Vous avez perdu votre langue ? »

Son regard me dissuada de peser indéfiniment le pour et le contre. Je décidai de dire la vérité et les autres en penseraient ce qu’ils voudraient.

« J’ai accompagné Antje Ziegler à l’infirmerie, Professeur. Elle était malade.

— Vraiment ? Eh bien je vérifierai l’exactitude de votre excuse, Black, avant de décider de vous retirer ou non des points. En attendant, allez vous asseoir. Non, pas à côté de Potter. Il y a une place au premier rang près de miss Evans. Avec un peu de chance, je pourrai assurer mon cours normalement. »

Je jetai un regard d’excuse à James. Nous n’aimions ni l’un ni l’autre être séparés en classe et j’étais prêt à parier dix Gallions que mon meilleur pote me ferait toute une histoire parce que j’aurais passé un cours à la même table que sa chère et tendre.

Evans fit mine de m’ignorer quand je m’installai à côté d’elle mais je n’étais pas assez idiot pour ne pas remarquer un infect petit sourire en coin.

« Tu racontes quoi que ce soit à tes copines, marmonnai-je entre mes dents, et tu me le paieras.

— Chut, Black. Arrête de dire n’importe quoi et concentre-toi un peu. »

Merlin que les cours étaient ennuyeux quand je n’étais pas à côté de James. McGonagall nous inonda de théories sur les différentes phases de la métamorphose d’une taupe en tirelire de porcelaine. J’espérai qu’on en viendrait rapidement à la pratique. C’était plus amusant et moins chiant que de prendre des notes en écoutant du blabla.

Au moment où je piquais du nez sur mon cahier, quelque chose me heurta l’arrière de la tête. Je me retournai et trouvai un petit avion en papier tombé derrière ma chaise.

« Black, si je vous ai demandé de vous asseoir au premier rang, c’est pour que vous suiviez un peu mon cours, pour changer ».

Les reproches du professeur me laissèrent de marbre. Je jetai un regard de défi à McGonagall qui choisit de l’ignorer. Lily Evans gloussa. Je ramassai le petit avion qui se trouvait être un message de James : Tu as vraiment accompagné A. la P. à l’infirmerie ? T’as pas préparé un mauvais coup en douce sans m’avertir ? Avec un sourire, j’effaçai discrètement les deux phrases d’un coup de baguette magique et écrivis ma réponse à la place : Je jure solennellement que je te dis la vérité. L’avion en papier me revint une minute après : Tu as bien fait. Même si c’est qu’une pauvre fille.

« Arrête, Black, souffla Evans qui avait suivi notre manège. Ecoute un peu le cours, bon sang !

— Tu vas me retirer des points si je ne le fais pas ?

— T’es vraiment trop bête. »

Le reste du cours se passa sans encombre. Je mis un point d’honneur à métamorphoser ma taupe en tirelire plus rapidement qu’Evans rien que pour la faire enrager. Ce fut peine perdue. Elle ne me prêta aucune attention. Comme je m’ennuyais loin de mes potes, je décidai de faire pousser une queue de cochon à la taupe histoire de faire passer plus vite le temps. McGonagall s’en aperçut en passant près de la table que je partageais avec la stupide préfète :

« Black, laissez cet animal tranquille, aboya-t-elle. Et venez me voir à la fin de l’heure. J’aurai une ou deux choses à vous dire. »

Par tous les caleçons de Merlin, qu’est-ce que j’ai encore fait, pensai-je. La rentrée n’était passée que depuis deux semaines et, à part le maléfice sur la porte de Rusard, je n’avais pas commis la moindre bêtise. Bof. Après tout, je n’étais plus à ça près.

À la fin du cours, je fis signe à James, Remus et Peter de m’attendre dehors et allai me poster docilement près du bureau de l’enseignante en métamorphose. Elle referma la porte de la salle quand le dernier élève fut sorti. J’attendis en silence qu’elle prenne la parole, ce qu’elle fit au bout d’un instant :

« Dites-moi la vérité, Black. Avez-vous vraiment accompagné miss Ziegler à l’infirmerie avant de venir en cours ?

— Oui, Professeur.

— Que lui est-il arrivé ?

— Eh bien voilà, expliquai-je. Je l’ai croisée dans la salle commune de Gryffondor et elle cherchait… heu… un livre de la bibliothèque qu’elle avait oublié. Quand elle a voulu sortir pour aller en classe, elle s’est pliée en deux comme si elle allait vomir sur le tapis. Elle était très pâle, enfin elle avait vraiment l’air malade.

— Et c’est là que vous avez décidé de l’emmener à l’infirmerie. Très bien, Black. Votre sollicitude vis-à-vis de votre camarade apportera un crédit de cinq points à Gryffondor. »

Je restai comme deux ronds de flan. C’était la première fois que mon attitude rapportait des points à ma maison. Je n’eus pas le temps de pousser plus loin mes réflexions car McGonagall reprit la parole :

« Je m’inquiète un peu pour miss Ziegler. Elle est déjà en quatrième année et depuis son arrivée, elle ne semble toujours pas s’être adaptée. Ses relations avec les autres élèves ne sont pas excellentes, si je ne m’abuse…

— Non, Professeur, répliquai-je. Ces crétins de Serpentard lui donnent plein de noms d’oiseaux.

— Votre opinion de vos camarades de Serpentard ne sont pas le sujet, déclara l’enseignante d’un ton cassant. Il serait peut-être temps de parler de miss Ziegler à un préfet. »

Je ne pus m’empêcher de sourire. Evans allait payer pour ce qu’elle m’avait dit avant le petit-déjeuner, niak niak niak.

« Je l’ai fait, Professeur. J’ai parlé à Lily Evans ce matin. Et elle a dit, je cite, qu’elle avait “autre chose à faire que de récupérer les irrécupérables”

— Elle a vraiment dit ça ?

— Si mes souvenirs sont exacts…

— Très bien. Je lui dirai un mot. Ces propos sont indignes d’une préfète dont la mission est de veiller sur la cohésion entre les élèves. Cependant, Black, j’ai une faveur à vous demander. Miss Ziegler a besoin, comme tout le monde, d’amis et de soutien, ce qui semble cruellement lui manquer. Il serait de bon ton que vous preniez le temps d’aller lui parler de temps en temps pour qu’elle se sente moins seule. »

Décidément, tout portait à croire que j’étais victime d’un complot. Les circonstances semblaient vouloir que mon chemin croise celui d’Antje Ziegler. Je m’éclaircis la gorge :

« Pourquoi moi ? demandai-je.

— Vous lui avez rendu service ce matin. Elle vous en sera certainement reconnaissante et vous laissera peut-être lui parler. Avec un peu de chance, cela occupera votre temps de façon beaucoup plus saine que de préparer de mauvais coups avec Potter.

— Très bien, Professeur. Je… je vais y réfléchir. »

Je quittai la salle de métamorphose sans demander mon reste. J’ignorais encore ce que j’allais faire mais une chose était certaine : quoiqu’il arrive, personne ne m’empêcherait jamais de faire des blagues avec James. Le statut de terreurs de Poudlard nous revenait de droit.

Mes trois amis m’attendaient, tous collés à la porte pour tenter d’entendre ce que disait McGonagall. Visiblement, ils n’en avaient pas saisi grand-chose vu les regards curieux qu’ils posèrent sur moi. J’hésitai un moment à tout leur expliquer avant de réaliser que ce serait la meilleure chose à faire. Jusqu’ici, je n’avais jamais rien caché à James et je n’allais pas commencer maintenant, surtout pour un truc aussi stupide. Remus savait que j’avais lu le journal intime d’Antje Ziegler ; il avait donc le droit de connaître la suite des événements. Quant à Peter… bah. Il paraissait un peu lourdaud à première vue mais il était loin d’être idiot. En résumé, je devais tout leur raconter. Cependant, nous étions à la sortie d’une salle de classe et les corridors de Poudlard avaient des oreilles. Le cours suivant serait le meilleur endroit pour discuter. Ainsi, lorsque James me demanda de quoi McGonagall voulait me parler, j’adoptai une mine de playboy mâtiné célébrité, un peu comme les joueurs de Quidditch qu’on voit en photo à la sortie des matches dans la Gazette du Sorcier :

« Pas de commentaires, les copains, déclamai-je . Conférence en cours de sortilèges. »

À suivre…

Bonne lecture à tous !  

Chapitre 2

The thing that should not be

Je passai une mauvaise nuit. Malgré la fatigue et l’heure tardive à laquelle je m’étais couché, mes quelques heures de sommeil n’eurent rien de réparateur. La lecture du journal intime d’Antje Ziegler fit surgir de mon inconscient quelques images macabres brevetées Sirius Black. Je rêvai de ma camarade, morte, les yeux ouverts, étendue dans un cercueil. Ma mère et ma cousine Bellatrix se livraient à une sorte de danse rituelle sinistre autour du cadavre avant d’y mettre le feu. À la lueur des flammes, leur regard se teintait d’un rouge malsain. Je m’éveillai en sueur de ce cauchemar aux petites heures du matin et fus incapable de me rendormir.

Étendu dans l’obscurité, je pensai à la bizarrerie de mon existence. À Poudlard, j’étais l’éternel fauteur de trouble, le petit rigolo qui fait toujours l’idiot, la terreur du corps enseignant et le meilleur ami de l’Attrapeur de l’équipe de Quidditch de Gryffondor. Cette attitude n’était qu’une façade. Seuls mes meilleurs amis connaissaient la vérité. Je jouais les rebelles et les têtes à claque pour oublier ce que je vivais dans la maison familiale au 12, square Grimmaurd à Londres. Je chassais ainsi mes idées noires et mes propres névroses. En quelque sorte, je faisais tout ce qui m’était interdit chez mes parents : rire, plaisanter, tenir tête aux adultes, choisir mes amis et mes ennemis selon mes propres critères, si contraires à ceux qu’on avait essayé de m’apprendre de force. Je désobéissais dans la joie et la bonne humeur aux principes de la « très noble et ancienne maison des Black », maison que j’envisageais de plus en plus sérieusement de quitter avant ma majorité pour peu que j’en aie les moyens et la possibilité. Pour reprendre les termes du journal intime d’Antje, je ne supportais plus ni mes parents, ni leur baraque, ni leurs opinions.

Je ne me sentais pas au mieux de ma forme au moment de me lever. Je tentai de faire bonne figure devant les copains qui ne firent aucun commentaire. Ils devaient pourtant se douter que quelque chose n’allait pas chez moi. En trois ans, ils avaient appris à voir dans mon jeu. On descendit tous les quatre prendre le petit-déjeuner dans la Grande salle et, au détour d’un couloir, j’avisai Lily Evans qui marchait devant nous. Je me souvins de ce que m’avait dit Remus : elle était la préfète des filles de Gryffondor. J’accélérai donc le pas pour me retrouver à sa hauteur.

«  Hé, Evans !

— Tiens, Sirius Black, fit-elle avec dédain. Quelle bonne surprise ! »

Son ton déplaisant ne me dérangea pas outre mesure. James était amoureux d’elle depuis la troisième année et, pour une quelconque raison typiquement féminine (comprenez incompréhensible), elle le méprisait cordialement et se faisait un plaisir faire savoir à qui voulait l’entendre que ce n’était qu’un voyou infréquentable. Elle semblait ne pas beaucoup m’apprécier non plus et je m’en moquais bien. Cette fille devait simplement avoir un problème avec les mecs cool. Tandis qu’elle me toisait avec ses grands airs, je continuai à marcher près d’elle sans me laisser démonter :

« Je peux te dire un mot ?

— Ça dépend. »

J’eus l’impression qu’elle m’envoyait paître sans me le dire franchement. Quelle pimbêche. C’était comme si être mignonne et bonne élève faisait d’elle un être supérieur. Elle avait beau dire que mon meilleur ami était prétentieux, elle ne s’était pas regardée. Je ravalai mon agacement, tentai de garder mon calme et adressai à Evans mon célèbre sourire qui tue, celui auquel personne ne pouvait résister :

« Dans ce cas, je serai bref. Je voulais juste te dire que tu ferais bien de t’occuper de ton boulot de préfète, de temps en temps… en allant discuter avec Antje Ziegler, par exemple.

— Tiens, tiens, tiens, répliqua la fille avec un sourire narquois. Tu t’intéresses à cette pauvre fille, Black ? »

Grr. Grrr. Grrrrrrrrrrrr… Je serrai les mains dans la poche de ma robe pour les empêcher de se poser toutes seules autour du joli petit cou blanc d’Evans pour le serrer très fort. Quelque part, j’aurais dû m’y attendre. Cette crâneuse ne devait pas avoir assez de plomb dans la cervelle pour s’occuper d’une fille qui envisageait le suicide. En plus, elle pouvait toujours causer. Niveau fréquentations bizarres, elle se posait là puisqu’elle était amie avec Severus Rogue. On les voyait souvent discuter ensemble dans les couloirs, ils s’asseyaient l’un à côté de l’autre en cours de potions et elle le défendait quand on lui faisait des blagues. Je ravalai mon agacement comme je le pus et me forçai à rester d’un calme olympien :

« Je ne m’intéresse pas plus à elle qu’à toi, Evans. Seulement, comme elle ne sait pas se défendre, tout le monde lui fait des vacheries et non seulement c’est ridicule, mais en plus ça plombe l’ambiance.

— Vraiment, fit la fille d’un ton acide. Excuse-moi, Black, mais je ne vois pas la différence entre les moqueries que subit Ziegler et les plaisanteries dont Severus Rogue est victime de ta part et de celle de tes désopilants copains… Pourquoi ce ne serait pas vous qui plomberiez l’ambiance, pour changer ?

— Le vieux Servilus sait se défendre, au cas où tu ne l’aurais pas remarqué. Il nous a envoyés plein de fois à l’infirmerie avec ses sortilèges de magie noire dégueulasses. Ziegler, elle, ne fait jamais rien. Du coup, de plus en plus de gens s’acharnent sur elle et c’est à la fois lâche, répugnant et débile.

— Que veux-tu que je te dise ? J’ai déjà essayé de l’aider, je te signale, au moins pour qu’elle change de coiffure et qu’elle ne s’habille plus comme un sac, mais elle ne fait aucun effort. Elle persiste à ne vouloir ressembler à rien. Si elle prenait un peu plus soin d’elle, peut-être que les gens s’y intéresseraient davantage au lieu de se moquer d’elle, mais elle ne veut pas, qu’est-ce qu’on peut y faire ?

— Tu es préfète, Evans, merde !

— Désolée, Black, j’ai autre chose à faire que de récupérer les irrécupérables.

— Pourtant tu l’as déjà fait, tu es copine avec Rogue ! »

En m’entendant insulter son « protégé », Evans vit rouge. Je crus qu’elle allait me jeter un sort mais elle sembla se raviser.Une seconde plus tard, elle avait remis son masque de miss Parfaite Intouchable.

« Pauvre crétin, dit-elle. Tu ne comprends rien à rien. Après tout, si le destin tragique d’Antje Ziegler te tracasse tant que ça, pourquoi tu n’essaies pas de l’aider, toi ? Si ça se trouve, elle serait ravie de devenir ton amie. Comme ça, on serait à égalité : chacun son « irrécupérable », n’est-ce pas, Black ? »

Ces paroles me clouèrent le bec et Evans disparut de mon champ de vision avant que je ne puisse trouver un sarcasme saignant à lui renvoyer dans la figure. Je fus rejoint l’instant d’après par James, Remus et Peter.

« Dis donc, je t’ai vu parler à Lily. Tu lui as dit quoi ? demanda James, des soupçons plein la voix.

— Tu sais quoi, répondis-je d’un ton dégagé, tu devrais laisser tomber cette chipie prétentieuse et te tourner vers d’autres horizons.

— Lily n’est pas une chipie prétentieuse », rétorqua mon meilleur pote d’un ton buté.

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J’oubliai Antje et l’arrogant objet du désir de James à la table du petit-déjeuner. Peter voulut jeter un coup d’œil à mon devoir de métamorphose, celui que je n’avais pas fait et qui m’était totalement sorti de la tête. Sans rien dire, Remus sortit sa copie et me laissa le recopier allègrement. Je lui témoignai ma gratitude en lui ébouriffant sauvagement les cheveux. Malgré son air amusé, il fronça légèrement les sourcils :

« Essaie de faire en sorte que ça ne se reproduise pas trop souvent, quand même… »

Je ne me donnai même pas la peine de répondre. Je noircis consciencieusement ma feuille de parchemin en évitant d’y faire des taches de marmelade. Pendant ce temps, Remus révisait ses cours en mâchouillant une tartine et James regardait d’un air vague en direction d’Evans qui papotait avec ses copines à l’autre bout de la table des Gryffondor. En relisant la conclusion de mon devoir, je repensai à ce que m’avait dit cette satanée préfète. Si le destin tragique d’Antje Ziegler te tracasse tant que ça, pourquoi tu n’essaies pas de l’aider, toi ? Ça me paraissait presque absurde. Je n’avais rien à perdre vu que je ne la connaissais pas mais j’avais l’impression que nous n’avions rien en commun. Par ailleurs, elle n’était pas facile d’approche. Sa peur des gens la rendait vite agressive. Elle se conduisait comme une espèce de hérisson, sortant ses pics quand elle se sentait attaquée.

En rangeant dans mon sac ma copie de métamorphose fraîchement terminée, je constatai qu’il me manquait un livre. Après le cours de McGonagall, on avait sortilèges et j’avais visiblement laissé mon bouquin dans le dortoir. Je maudis cette nuit pourrie responsable de mon étourderie. Si je n’avais pas mon bouquin, Remus allait encore me faire la morale et le vieux Flitwick nous ferait une crise d’apoplexie. Pour lui, un livre oublié était un prétexte de choix pour ne pas écouter son cours. Il n’avait pas tort mais comme Peter était d’une nullité crasse en sortilèges, nous étions obligés d’écouter pour pouvoir tout lui réexpliquer après. Faute d’avoir le choix, je filai au pas de course jusqu’à la tour de Gryffondor pour récupérer mon bouquin.

oOØOo

La salle commune n’était pas vide. Je trouvai, à quatre pattes et le nez au ras du sol, Antje Ziegler. Elle devait être à la recherche de son journal intime. J’observai un moment ses gestes maladroits, la robe trop grande pendouillant autour de ses formes replètes et sa longue natte rousse qui balayait les moutons de poussière. Elle ne me vit pas entrer. Je traversai donc la pièce en catimini sans pour autant la quitter du regard. Elle finit par lever la tête et, s’apercevant de ma présence, elle me jeta un regard malveillant et sortit ses griffes sans me laisser le temps de dire un mot :

« Qu’est-ce que t’as, Black ? Tu veux ma photo ? »

Je décidai de ne pas tenir compte de son ton hargneux :

« Tu as perdu quelque chose ? »

Elle eut un sourire cynique :

« Ben dis donc, heureusement que toi et ton pote Potter, vous êtes les types les plus brillants de l’école. Oui, j’ai perdu quelque chose. Antje la Pleurnicharde n’a pas encore décidé de se rouler dans la poussière comme une truie qu’elle est. »

Eh bien, pensai-je. Si c’était comme ça qu’elle pensait parer aux moqueries des autres, elle n’était pas sortie de l’auberge. Cette tactique de défense était ridicule à défaut d’être débile.

« Arrête un peu ton char, Ziegler, dis-je, agacé. Je te parle poliment, tu n’es pas obligée de m’envoyer paître avec les hippogriffes, merde ! »

Elle me regarda d’un air surpris. Le temps sembla suspendu quelques secondes, puis elle soupira :

« Excuse-moi. C’est vrai, je n’ai pas à te parler sur ce ton, je suis désolée. J’ai… euh… hier soir, j’ai oublié un livre de la bibliothèque que je dois rendre aujourd’hui sans faute. Si je ne le retrouve pas, Mme. Pince va me tuer, et je dois faire vite, j’ai un cours dans dix minutes.

— Tu veux que je t’aide à le chercher ?

Nouveau regard surpris :

— Euh… Pourquoi pas, après tout. Merci. »

J’aurais pu utiliser un sortilège d’Attraction histoire de lui en mettre plein la vue mais je n’étais pas certain qu’il fonctionne. Après tout, malgré le sortilège de Confusion, ce que cherchait Antje n’était pas un livre de la bibliothèque. Je fis donc mine de regarder sous les tables et derrière les rideaux. Je me souvenais parfaitement de l’endroit où se trouvait le journal intime mais je restai le plus éloigné possible du fauteuil sous lequel il était glissé. Il fallait qu’elle ne se doute de rien. Si je le trouvais trop vite, elle aurait forcément des soupçons.

Antje retrouva son bien au bout de quelques minutes. Sans rien dire, elle me montra de loin la couverture ensorcelée avant de glisser subrepticement le journal dans son sac. Elle se leva, lissa sa robe trop grande et se dirigea vers le portrait de la Grosse Dame. Elle allait quitter la salle commune sans demander son reste quand elle se plia en deux, comme atteinte d’une violente douleur à l’estomac. Inquiet, je me précipitai vers elle :

« Ça va ?

— Non, souffla-t-elle d’une vois rauque. Ça ne va pas. J’ai mal au ventre. Je crois que je vais vomir. Il faut que j’aille à l’infirmerie.

— Je t’accompagne. »

Malgré la pâleur inquiétante de son visage, le regard qu’elle leva sur moi était fuyant et méfiant :

« Fiche-moi la paix, Black. Je peux y aller toute seule.

— Mais…

— Laisse-moi tranquille, je te dis ! Dégage. Va rejoindre tes copains et laisse Antje la Chialeuse se débrouiller toute seule. »

Elle vacilla contre la porte et je dus la retenir avant qu’elle ne tombe dans les pommes. Sans lui laisser le temps de protester (d’ailleurs, vu la façon dont elle plaquait ses mains contre sa bouche, ç’aurait été tout autre chose qui en serait sorti), je la soutins par le bras et l’accompagnai à l’infirmerie.

oOØOo

Pendant qu’Antje vomissait tripes et boyaux, je dus expliquer à Mme. Pomfresh les circonstances dans lesquelles j’avais trouvé ma camarade. L’infirmière fut un peu surprise que l’épidémie annuelle de gastro-entérite commence si tôt dans l’année. Elle me laissa repartir au bout d’un moment en me disant qu’elle prendrait Antje en charge et que j’avais bien fait de l’accompagner.

Je ne pris pas le temps de m’étonner qu’un adulte me félicite pour autre chose que pour une bonne note. Je filai au pas de course dans les couloirs jusqu’à la salle de métamorphose. J’étais en retard et McGonagall allait me tirer les oreilles. Heureusement que j’avais réussi à copier le devoir de Remus. Si j’avais rendu copie blanche, j’aurais été un homme mort.

L’enseignante en métamorphose m’accueillit avec un regard froid comme la banquise :

« Vous êtes en retard, Black. J’ose espérer que vous avez une excuse valable. »

Zut. Je restai en arrêt, fixant mon professeur avec des yeux de Strangulot frit. Je n’osai pas dire que j’avais accompagné Antje à l’infirmerie. Cette histoire ferait probablement le tour de l’école en un temps record et certains imbéciles que je ne nommerais pas en tireraient des conclusions des plus consternantes. Être le fruit de ce genre de rumeurs ne faisait pas partie de mes projets immédiats. Dans le même temps, les seuls mensonges qui me vinrent à l’esprit ne tenaient pas la route. Que faire ? Bobard ? Pas bobard ? Merde…

Ignorant tout de mon débat intérieur, McGonagall me fixait toujours d’un air désapprobateur :

« Eh bien, Black ? Vous avez perdu votre langue ? »

Son regard me dissuada de peser indéfiniment le pour et le contre. Je décidai de dire la vérité et les autres en penseraient ce qu’ils voudraient.

« J’ai accompagné Antje Ziegler à l’infirmerie, Professeur. Elle était malade.

— Vraiment ? Eh bien je vérifierai l’exactitude de votre excuse, Black, avant de décider de vous retirer ou non des points. En attendant, allez vous asseoir. Non, pas à côté de Potter. Il y a une place au premier rang près de miss Evans. Avec un peu de chance, je pourrai assurer mon cours normalement. »

Je jetai un regard d’excuse à James. Nous n’aimions ni l’un ni l’autre être séparés en classe et j’étais prêt à parier dix Gallions que mon meilleur pote me ferait toute une histoire parce que j’aurais passé un cours à la même table que sa chère et tendre.

Evans fit mine de m’ignorer quand je m’installai à côté d’elle mais je n’étais pas assez idiot pour ne pas remarquer un infect petit sourire en coin.

« Tu racontes quoi que ce soit à tes copines, marmonnai-je entre mes dents, et tu me le paieras.

— Chut, Black. Arrête de dire n’importe quoi et concentre-toi un peu. »

Merlin que les cours étaient ennuyeux quand je n’étais pas à côté de James. McGonagall nous inonda de théories sur les différentes phases de la métamorphose d’une taupe en tirelire de porcelaine. J’espérai qu’on en viendrait rapidement à la pratique. C’était plus amusant et moins chiant que de prendre des notes en écoutant du blabla.

Au moment où je piquais du nez sur mon cahier, quelque chose me heurta l’arrière de la tête. Je me retournai et trouvai un petit avion en papier tombé derrière ma chaise.

« Black, si je vous ai demandé de vous asseoir au premier rang, c’est pour que vous suiviez un peu mon cours, pour changer ».

Les reproches du professeur me laissèrent de marbre. Je jetai un regard de défi à McGonagall qui choisit de l’ignorer. Lily Evans gloussa. Je ramassai le petit avion qui se trouvait être un message de James : Tu as vraiment accompagné A. la P. à l’infirmerie ? T’as pas préparé un mauvais coup en douce sans m’avertir ? Avec un sourire, j’effaçai discrètement les deux phrases d’un coup de baguette magique et écrivis ma réponse à la place : Je jure solennellement que je te dis la vérité. L’avion en papier me revint une minute après : Tu as bien fait. Même si c’est qu’une pauvre fille.

« Arrête, Black, souffla Evans qui avait suivi notre manège. Ecoute un peu le cours, bon sang !

— Tu vas me retirer des points si je ne le fais pas ?

— T’es vraiment trop bête. »

Le reste du cours se passa sans encombre. Je mis un point d’honneur à métamorphoser ma taupe en tirelire plus rapidement qu’Evans rien que pour la faire enrager. Ce fut peine perdue. Elle ne me prêta aucune attention. Comme je m’ennuyais loin de mes potes, je décidai de faire pousser une queue de cochon à la taupe histoire de faire passer plus vite le temps. McGonagall s’en aperçut en passant près de la table que je partageais avec la stupide préfète :

« Black, laissez cet animal tranquille, aboya-t-elle. Et venez me voir à la fin de l’heure. J’aurai une ou deux choses à vous dire. »

Par tous les caleçons de Merlin, qu’est-ce que j’ai encore fait, pensai-je. La rentrée n’était passée que depuis deux semaines et, à part le maléfice sur la porte de Rusard, je n’avais pas commis la moindre bêtise. Bof. Après tout, je n’étais plus à ça près.

À la fin du cours, je fis signe à James, Remus et Peter de m’attendre dehors et allai me poster docilement près du bureau de l’enseignante en métamorphose. Elle referma la porte de la salle quand le dernier élève fut sorti. J’attendis en silence qu’elle prenne la parole, ce qu’elle fit au bout d’un instant :

« Dites-moi la vérité, Black. Avez-vous vraiment accompagné miss Ziegler à l’infirmerie avant de venir en cours ?

— Oui, Professeur.

— Que lui est-il arrivé ?

— Eh bien voilà, expliquai-je. Je l’ai croisée dans la salle commune de Gryffondor et elle cherchait… heu… un livre de la bibliothèque qu’elle avait oublié. Quand elle a voulu sortir pour aller en classe, elle s’est pliée en deux comme si elle allait vomir sur le tapis. Elle était très pâle, enfin elle avait vraiment l’air malade.

— Et c’est là que vous avez décidé de l’emmener à l’infirmerie. Très bien, Black. Votre sollicitude vis-à-vis de votre camarade apportera un crédit de cinq points à Gryffondor. »

Je restai comme deux ronds de flan. C’était la première fois que mon attitude rapportait des points à ma maison. Je n’eus pas le temps de pousser plus loin mes réflexions car McGonagall reprit la parole :

« Je m’inquiète un peu pour miss Ziegler. Elle est déjà en quatrième année et depuis son arrivée, elle ne semble toujours pas s’être adaptée. Ses relations avec les autres élèves ne sont pas excellentes, si je ne m’abuse…

— Non, Professeur, répliquai-je. Ces crétins de Serpentard lui donnent plein de noms d’oiseaux.

— Votre opinion de vos camarades de Serpentard ne sont pas le sujet, déclara l’enseignante d’un ton cassant. Il serait peut-être temps de parler de miss Ziegler à un préfet. »

Je ne pus m’empêcher de sourire. Evans allait payer pour ce qu’elle m’avait dit avant le petit-déjeuner, niak niak niak.

« Je l’ai fait, Professeur. J’ai parlé à Lily Evans ce matin. Et elle a dit, je cite, qu’elle avait “autre chose à faire que de récupérer les irrécupérables”

— Elle a vraiment dit ça ?

— Si mes souvenirs sont exacts…

— Très bien. Je lui dirai un mot. Ces propos sont indignes d’une préfète dont la mission est de veiller sur la cohésion entre les élèves. Cependant, Black, j’ai une faveur à vous demander. Miss Ziegler a besoin, comme tout le monde, d’amis et de soutien, ce qui semble cruellement lui manquer. Il serait de bon ton que vous preniez le temps d’aller lui parler de temps en temps pour qu’elle se sente moins seule. »

Décidément, tout portait à croire que j’étais victime d’un complot. Les circonstances semblaient vouloir que mon chemin croise celui d’Antje Ziegler. Je m’éclaircis la gorge :

« Pourquoi moi ? demandai-je.

— Vous lui avez rendu service ce matin. Elle vous en sera certainement reconnaissante et vous laissera peut-être lui parler. Avec un peu de chance, cela occupera votre temps de façon beaucoup plus saine que de préparer de mauvais coups avec Potter.

— Très bien, Professeur. Je… je vais y réfléchir. »

Je quittai la salle de métamorphose sans demander mon reste. J’ignorais encore ce que j’allais faire mais une chose était certaine : quoiqu’il arrive, personne ne m’empêcherait jamais de faire des blagues avec James. Le statut de terreurs de Poudlard nous revenait de droit.

Mes trois amis m’attendaient, tous collés à la porte pour tenter d’entendre ce que disait McGonagall. Visiblement, ils n’en avaient pas saisi grand-chose vu les regards curieux qu’ils posèrent sur moi. J’hésitai un moment à tout leur expliquer avant de réaliser que ce serait la meilleure chose à faire. Jusqu’ici, je n’avais jamais rien caché à James et je n’allais pas commencer maintenant, surtout pour un truc aussi stupide. Remus savait que j’avais lu le journal intime d’Antje Ziegler ; il avait donc le droit de connaître la suite des événements. Quant à Peter… bah. Il paraissait un peu lourdaud à première vue mais il était loin d’être idiot. En résumé, je devais tout leur raconter. Cependant, nous étions à la sortie d’une salle de classe et les corridors de Poudlard avaient des oreilles. Le cours suivant serait le meilleur endroit pour discuter. Ainsi, lorsque James me demanda de quoi McGonagall voulait me parler, j’adoptai une mine de playboy mâtiné célébrité, un peu comme les joueurs de Quidditch qu’on voit en photo à la sortie des matches dans la Gazette du Sorcier :


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