On croyait l’idée si rocambolesquement inique qu’elle ne pouvait être que le fruit d’une imagination débordante d’un député en mal de publicité médiatique. Personne ne croyait donc qu’il faudrait un jour envisager sérieusement de taxer les propriétaires, encore un peu plus, pour le simple fait qu’une fois le bien immobilier payé, ils se retrouvent à l’abri d’un loyer à décaisser tous les mois.
Oui, vous avez bien lu : l’idée est bien de taxer les loyers fictifs des propriétaires de leur logement. Après tout, comme ils ne dépensent pas cet argent (et pour cause, ils sont propriétaires), ils bénéficient d’un avantage en nature par rapport à tous ceux, les malheureux, qui ne sont que locataires. Cette criante injustice nécessite l’appel de la force publique.
Tout part d’une proposition du Conseil d’Analyse Économique, énième bidule improbable d’une République fromagère qui n’en peut plus des milliards de rapports joufflus produits régulièrement pour évaluer l’une ou l’autre politique et proposer toujours plus d’idées géniales pour tabasser le contribuable français d’une façon toujours plus innovante. Ce Conseil, aussi parfaitement utile qu’une bicyclette à poisson, s’est donc jadis (en 2013) fendu d’une note dans laquelle ses auteurs préconisent d’imputer un loyer fictif dans le calcul d’impôt du propriétaire.
La proposition, apprise par le public, sera rapidement crucifiée sur les réseaux sociaux. Rapidement, le gouvernement met les choses au clair : pas question de faire un truc pareil, pensez donc, oh oh oh, n’ayez crainte, tout va bien, rendormez-vous. D’ailleurs, même que d’abord, les médias ils ont bien rappelé que c’était un gros canular et n’en parlons plus, nananère et tagada tsoin tsoin : non, au premier janvier 2017, il n’y aura pas une nouvelle taxe sur les propriétaires.
Bon.
Soit.
Mais ça n’empêche pas d’y penser tout de même un brin.
Pensez-donc ! C’est qu’il y en a, du gisement financier, dans ces millions de propriétaires français qui coulent bêtement des jours heureux à ne payer que la taxe d’habitation, la taxe foncière et toute la TVA que les mises aux normes diverses, par ailleurs imposées par l’État, génèrent chaque année. Ce serait franchement dommage de laisser tel filon inexploité d’autant que les finances du pays (lisez : nos politiciens) ont un besoin de plus en plus criant de sources fraîches d’abondement. La guerre contre le peuple terrorisme, ça coûte ! La paix sociale L’entretien de nos services sociaux, ça coûte encore plus ! Le camouflage de l’état déplorable de nos infrastructures, ça coûte aussi une blinde !
Dès lors, puisque la rumeur (ce n’était qu’une rumeur, qu’on vous dit !) a été copieusement décriée sur les réseaux sociaux, puis démentie par les médias officiels, il va falloir procéder plus subtilement.
Le Conseil d’Analyse Trucmuche s’est un peu trop fait voir ? Rien d’insurmontable, puisqu’il existe de toute façon une myriade d’autres mouches du coche qui se chargeront de repackager l’idée pour mieux la vendre. C’est juste une question de calendrier et à force d’essayer, il y a bien un moment où cela passera.
Tenez, prenez la période actuelle, toute tendue qu’elle est par des échéances électorales primordiales, un parti socialiste en déroute si totale qu’elle en est comique, et une actualité internationale pleine de sang, d’incertitudes et de misère : tout le monde regarde ailleurs, chargeons donc France Stratégie de réchauffer le petit plat en sauce !
France Stratégie, comme son nom l’indique, est un organisme chargé de définir les bonnes idées pour le Premier ministre et son gouvernement, c’est-à-dire absolument rien de stratégique et surtout pas pour la France. C’est à ce blob visqueux que nous devions, en mars 2015, les propositions bien putrides de lutte contre l’optimisation fiscale (non, non, pas la fraude, juste l’optimisation), les taxes sur les publicités sur internet et les amusantes prévisions d’une France à 10 ans. Bref, que du solide.
Cet appendice bureaucratique sera donc parfait pour nous pondre une nouvelle proposition sur le logement, avec de la fiscalité créative et un retour inopiné de la taxation des loyers fictifs.
Alors oui, bien sûr, ces derniers sont introduits après avoir proposé que les locataires déduisent de leurs revenus imposables les loyers payés… Comme si le fait de chouchouter (encore !) les locataires allait compenser celui de tabasser (encore !) les propriétaires, le tout pour un but affiché « d’instaurer une fiscalité plus favorable à la mobilité résidentielle » (autrement dit, faire déguerpir les propriétaires). La presse, éberluée, doit donc à nouveau ressortir des articles pour expliquer pourquoi la vilaine intox d’il y a six mois n’en est plus une à nouveau.
Non, décidément, au gouvernement, on ne lâche rien : il va bien falloir que cette idée passe d’une façon ou d’une autre. Et comme cette fois-ci, il y a du vrai bon gros cadeau bien gras pour les locataires, il n’est même pas impossible que les propositions soient bien accueillies par un public préalablement « mythonné » par la presse.
Après tout, le locataire, ne l’oublions pas, est un petit être chétif et malheureux, régulièrement exploité par le propriétaire foncier capitaliste qui en veut autant à son portefeuille qu’à son foyer et n’attend qu’un incident de paiement pour l’expulser manu vallsi militari. Après tout, le locataire mérite qu’on se batte pour lui, qu’on lui plafonne son loyer, qu’on empêche son expulsion, qu’on l’excuse de ses manquements, le pauvre, même lorsqu’il est condamné pour trafic de drogue…
(Eh oui, que voulez-vous, il n’y a que très récemment qu’un amendement, passé en catimini, dans le cadre de la loi Égalité et Citoyenneté, permet enfin aux propriétaires de ne pas renouveler le bail d’un trafiquant notoire, ce qui a bien évidemment déclenché de petits cris outrés de la part des idiots inutiles du Droit Au Logement et d’Emmanuelle Cosse, l’excuse actuellement en charge du Logement dans ce qui sert de gouvernement à Hollande.)
En réalité, toute la législation française en matière d’immobilier semble conçue pour bien faire comprendre aux propriétaires qu’ils sont une nuisance avec laquelle l’État entend s’accommoder, certes, mais jusqu’à un certain point.
Depuis les possibilités d’expropriations jusqu’aux taxes foncières que n’expliquent pas les services (ou leur indigente absence, plus souvent) que font mine de fournir les communes, en passant par les fixations de plafond aux loyers, les normes toujours plus contraignantes ou l’arbitraire le plus total présidant à la catégorisation des sols en constructible ou non, tout, absolument tout concourt à bien ancrer l’idée pour tous qu’en dernier recours, c’est bel et bien l’État qui est propriétaire de tout sur le territoire français.
Dès lors, il n’apparaît même plus insupportable que le Seigneur Ultime taxe et retaxe tout ce qui bouge sur son territoire. Le citoyen est trop heureux qu’on lui laisse encore un petit bout de toit, une gamelle pour manger et quelques bouffées d’air frais au moment de la promenade du matin, pour penser seulement à se rebeller.
C’est dit : en France, tout appartient à l’État. Toute résistance à cette idée totalitaire est futile.
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