Connaissez-vous Assassins Creed, la série de jeux vidéo créée par Ubisoft en 2007 qui met en scène la guerre indirecte et secrète entre les Assassins et les Templiers ? La série a séduit au fil des épisodes près de 80 millions de joueurs et s’apprête aujourd’hui à envahir le grand écran avec un premier film qui sort le 14 décembre au cinéma. C’est pourtant autour d’un livre que se sont réunis une trentaine de lecteurs qui ont délaissé leurs écrans pour venir dans nos locaux afin de rencontrer Matthew J. Kirby, l’auteur d’Assassin’s Creed, Last descendants, publié chez Bayard jeunesse, le premier tome d’une trilogie inspirée de l’univers du jeu vidéo cultissime d’Ubisoft.
Rien ne va plus dans la vie d’Owen depuis que son père est mort, accusé d’un crime qu’il n’aurait pas commis. Au lycée, il fait la connaissance d’un informaticien, Monroe, qui lui propose d’utiliser l’Animus, une machine qui permet d’explorer le passé de ses ancêtres. Au cours de l’expérience, il découvre l’existence de la dague d’Hernan Cortès, un fragment d’Eden aux pouvoirs mystérieux. Monroe lui explique que, depuis la nuit des temps, deux organisations secrètes – la Confrérie des Assassins et l’Ordre des Templiers – sont prêtes à tout pour s’emparer de cette relique. Pour empêcher que celle-ci ne tombe entre leurs mains, Monroe envoie Owen et 5 autres adolescents dans le passé avec un objectif : récupérer la dague d’Hernan Cortès. C’est ainsi que le petit groupe se retrouve en plein coeur de New York, en 1863 à la veille des violentes émeutes qui ont secoué la ville… Mais attention : influer sur le passé peut avoir de terribles conséquences sur le présent…
Un écrivain gameur
Qui a dit qu’on ne pouvait aimer à la fois les livres et les jeux vidéos ? Certainement pas Matthew J. Kirby ! En effet, alors qu’il s’attaque pour la première fois en tant qu’écrivain à l’univers du célèbre jeu Assassin’s Creed, il avoue être un grand amateur de jeux vidéo depuis sa plus tendre enfance : “Le premier ordinateur de mes parents était un Atari ST, pas la console, mais bien un ordinateur qui ne possédait même pas de disque dur. Dessus, je jouais à des jeux tels que King Quest ou Quest of Glory. Je suis également un grand joueur d’Assassin’s Creed, dont j’apprécie particulièrement l’aspect historique très immersif, qui fait du monde passé un immense terrain de jeu.”
Le candidat idéal
Auteur de séries historiques pour adolescents, Matthew Kirby apparaît comme un candidat idéal à Ubisoft, créateur du jeu, d’autant plus qu’il aime incorporer dans ses histoires, des twists fantastiques. Pourtant, lorsqu’on l’interroge à propos de son recrutement par Ubisoft, l’auteur évoque un gros coup de chance : “Il est vrai que lorsque j’écris des fictions historiques, l’univers du jeu n’est jamais bien loin dans ma tête et m’influence toujours un peu. Mais j’ai eu beaucoup de chance d’être choisi, et cette chance vient principalement de mon éditeur américain. Ce qui est certain, c’est qu’en tant que grand gamer, je n’ai pas réfléchi bien longtemps lorsqu’on m’a fait cette proposition !” Contrairement à ce qu’il pensait, l’éditeur de jeu vidéo ne lui a pas donné de consigne particulière : “J’ai rencontré Ubisoft à New-York et ils m’ont seulement fait part de trois souhaits : que l’histoire soit appropriée aux jeunes, que je conserve l’esprit du jeu et que mes héros soient des adolescents. A part cela, j’étais totalement libre du point de vue de l’histoire.”
Concevoir son univers
L’intrigue du roman de Matthew Kirby repose autour de la recherche de reliques, provenant d’une civilisation ancienne, appelées les “fragments d’Eden”. Ces reliques, que l’on trouve déjà dans les jeux vidéo, sont à l’origine de tout l’univers du romancier : “Je savais que je voulais utiliser des reliques pour faire le lien avec l’histoire d’Assassin’s Creed. J’ai utilisé le concept de fragments d’Eden créé dans le jeu, et j’ai décidé de les éparpiller trois dans le monde pour adapter cette quête aux trois tomes prévus de la série. Une fois cette structure trouvée, tout s’est créé naturellement dans mon esprit.” Pour ce qui est des personnages, l’écrivain a choisi de créer les siens et de ne pas reprendre ceux du jeu : “L’un des personnages que l’on retrouve dans mon roman est lié aux jeux vidéos puisqu’il s’agit du petit fils de Shay Kormak dont le nom devrait dire quelque chose aux joueurs les plus aguerris.”
Scientifique en herbe
Les jeux Assassin’s Creed laissent quelques flous scientifiques que l’écrivain américain a décidé d’expliquer à sa manière dans son roman : “J’ai étudié la psychologie à l’université et cela m’a beaucoup aidé dans l’élaboration de mon roman. Dans l’univers du jeu, les personnages peuvent visiter les souvenirs de leurs ancêtres, ce qui leur permet d’endosser une partie de la mémoire de ces derniers et de bénéficier de certaines de leurs appétences. Ce phénomène s’appelle le “l’effet de transfert” dans le jeu mais les créateurs ne l’ont pas précisément expliqué d’un point de vue scientifique et c’est pourquoi j’ai décidé d’émettre une théorie à ce sujet, évoquant la modification des gènes de mes personnages par cet “effet de transfert”. Ubisoft m’a laissé totalement libre sur ce sujet et j’en suis très heureux !”
Du jeu au livre
Si le roman reste fidèle aux thèmes et à l’univers général des jeux, Matthew Kirby a souhaité opter pour une trame narrative tout de même assez éloignée de celles que l’on retrouve sur consoles et ordinateurs. C’est dans cette démarche qu’il a choisi d’évoquer la question éthique qui sépare les deux camps qui s’affrontent dans Assassin’s Creed : les Templiers et les Assassins. En effet pour l’écrivain, l’un des thèmes centraux du jeu a toujours été la question du passé et de son rôle dans notre libre arbitre : “. Savoir quel camp choisir entre les Templiers et les Assassins est une question qui fait réfléchir et chacun, suivant ses expériences, est susceptible de changer d’avis.” C’est pour répondre de la façon la plus large possible à cette question que l’auteur a créé toute une galerie de personnages avec des histoires tout à fait différentes, complexifiant ainsi beaucoup la question : “Il n’y a pas de bons et de méchants, il y a simplements plusieurs camps qui veulent la même chose et qui possèdent des manières différentes pour y arriver. Nous sommes tous le héros de notre propre histoire.”
Faire prendre conscience
Si Matthew Kirby a choisi de situer son roman pendant les émeutes de 1863 aux Etats-Unis, c’est parce que ces dernières constituent pour lui un moment trop souvent oublié de l’Histoire de son pays : “Trop peu d’Américains n’ont conscience de l’importance de cet événement qui a pris place pendant la guerre de Sécession.” En effet, Abraham Lincoln, à la recherche de nouveaux soldats, avait mis en place un système de conscription. Ce système permettait cependant aux plus riches de s’acquitter de cette tâche en échange d’une somme considérable pour l’époque. Cette conscription obligatoire mis le feu aux poudre et New-York devient rapidement un champ de bataille entre les forces de l’ordre rapidement submergés et les contestataires : “Cette révolte possède également une forte dimension raciale puisque les pauvres partis au combat craignaient que les esclaves du sud ne leur prennent leur travail. Émeutes raciales, méfiance envers le gouvernement et un pouvoir entre les mains de quelques hommes très riches : cela ressemble beaucoup à l’Amérique d’aujourd’hui…”
Évoquer cette période de l’histoire, c’est pour Matthew Kirby non seulement l’occasion de la faire connaître auprès des plus jeunes, mais aussi d’apprendre de son passé : “Pour éviter les erreurs, il faut déjà avoir conscience de celles que l’on a commises par le passé et j’aimerais que les USA aient une conscience de leur Histoire, ce qui n’est pas souvent le cas aujourd’hui.”
Adapter la violence
Les connaisseurs du jeu se sont sans doute posé la question de la violence : comment l’adapter en un roman pour adolescent ? Matthew Kirby a sa vision des choses : “ J’ai toujours écrit pour la jeunesse et je sais que les jeunes sont beaucoup plus intelligents qu’on ne veut bien le penser et peuvent encaisser beaucoup. Ils veulent, comme nous, la vérité et tout est à mes yeux question de présentation. Des choses affreuses arrivent dans la vraie vie et ils doivent savoir les affronter. Pour cette raison, je n’ai rien contre les livres sur la Seconde Guerre mondiale et sur les massacres en général : nos jeunes ont besoin de s’y confronter pour apprendre. Il suffit simplement de leur présenter de façon abordable. Le livre est dur mais je n’aborde pas la violence d’une manière graphique ni gratuite, c’est ma règle.”
Retrouvez Assassin’s Creed, The last descendant, de Matthew J. Kirby, publié chez Bayard jeunesse.