« Les tests - des études menées de manière routinière selon des protocoles standardisés - sont menés par les industriels eux-mêmes ou des laboratoires privés qu'ils sollicitent. Lorsque les agrochimistes mettent en avant l'absence d'effets en plein champ des insecticides systémiques, ils évoquent la majeure partie du temps les résultats de ces études. Celles-ci souffrent de tous les maux possibles. »
On s'interroge parfois sur le fait que des produits particulièrement dangereux pour l'environnement et la santé des humains ont pu être ou sont toujours autorisés par les pouvoirs publics à la vente bien que leur nocivité est démontrée par des études scientifiques.
« En sciences de la vie notamment, les financements d'une étude influent sur les données générées et/ou l'interprétation qui en est faite. Dans le cas de la science réglementaire, ce biais est institutionnalisé. Il est inscrit dans la loi. C'est vrai pour l'agrochimie comme pour les autres secteurs : afin d'évaluer les produits qu'il entend mettre sur le marché, l'industriel choisit et rémunère le laboratoire privé qui réalise ses tests toxicologiques. »
Pour bien comprendre comment un tel phénomène est possible, Stéphane Foucart a tout d'abord étudié la stratégie de l'industrie du tabac qui fut pionnière en matière de désinformation du public et des autorités publiques. Dès la fin de la seconde guerre mondiale, le lobby du tabac a financé la recherche scientifique, créé de toutes pièces des instituts de recherche scientifique et joué le rôle de mécène auprès de grands chercheurs. Les études scientifiques publiées qui en sont ressorties jetaient systématiquement le doute quant à la nocivité du tabac. Cette stratégie de contester les publications défavorables par d'autres publications qui relativisaient les dangers du tabacs a permis d'instiller le doute et de repousser à plus tard toute législation contre le tabac.
« Sachant ce que l'industrie du tabac nous a appris de l'importance des conflits d'intérêts et du funding effect, cette situation s'apparente à ce qu'Alexandre Koyré nommait "une conspiration au grand jour". »
Depuis, l'industrie n'a cessé d'imiter la stratégie de désinformation mise en place par celle du tabac, et ce avec beaucoup plus de facilité et d'efficacité du fait de la perméabilité entre le secteur privé et le secteur public en cette période néolibérale. En définitive, les pouvoirs publics valident les "recherches scientifiques" de l'industrie au nom de la bonne gestion des deniers publics et encouragent les acteurs de l'industrie à siéger dans diverses commissions scientifiques publiques nationales et européennes !
« Inscrire dans la loi le conflit d'intérêts, le rendre non seulement tolérable mais incontournable et obligatoire, c'est le désamorcer, le normaliser, le rendre insoupçonnable. C'est le blanchir. »
De plus, l'auteur révèle que dans le domaine des OGM et des produits phytosanitaires les études scientifiques traditionnelles ne sont plus pertinentes pour évaluer leur dangerosité. Et, certaines sont même classées comme secret industriel ce qui permet à l'industrie de fonder son avis sur des études fantaisistes, par exemple les effets du Cruiser sur les abeilles :
« Le taux de croissance "normal" des colonies d'abeilles au cours des mois de floraison du colza est de 11 % (...) ? Ou est-il près de quatre fois supérieur, comme l'affirment leurs contradicteurs ? A bien lire le commentaire technique (...), on se rend compte que ce taux de 40 % provient d'une étude publiée dans les années 1980, sur trois ruches seulement, au cours d'une seule saison et hors du contexte de la culture du colza ! Ce qui, en clair, signifie que la critique est très faiblement étayée. Voire franchement trompeuse. »
Il ressort de cette lecture que l'Industrie domine le monde politique, institutionnel et scientifique, et que l'Humanité court à la catastrophe, à moins que les peuples interviennent...