Le gouvernement de Matteo Renzi devrait survivre aux motions de censure déposées à la Chambre et au Sénat par Forza Italia et La Ligue du Nord, d’une part et le Mouvement 5 Etoiles, d’autre part. On ne voit pas les partisans de Beppe Grillo voter le texte présenté par la droite et la droite extrême, et vice-versa. C’est pourtant à cette seule condition qu’ils pourraient faire tomber le gouvernement empêtré dans une affaire de favoritisme dans un marché pétrolier qui risque de « mazouter » le gouvernement.
Vendredi 1er avril, les sites Internet d’informations révélaient que Federica Guidi, ministre du développement économique, était mise en cause pour avoir favorisé les intérêts de son compagnon, Gianluca Gemelli. Dans une conversation téléphonique avec ce dernier, la ministre se félicitait, fin 2014, d’avoir pu insérer dans le texte de la loi de finance un amendement facilitant un forage pétrolier – exploité par Total et contesté par les écolos – en Basilicate, dont ledit compagnon aurait été un des sous-traitants avec un marché de 2 millions d’euros à la clef.
Trop bavarde, la ministre expliquait également qu’elle avait obtenu le feu vert de Maria Elena Boschi, ministre des réformes et des relations avec le Parlement. Or si Federica Guidi n’est qu’un pion dans l’exécutif, il n’en va pas de même de Maria Elena Boschi qui en est un des rouages essentiels. Toutes les grandes réformes (marché du travail, mode de scrutin, suppression du Sénat) sont passées par elle. C’est le joyau dans la vitrine du renzisme. L’affaiblir, c’est faire boiter le Premier ministre.
La démission expresse de Federica Guidi n’est pas parvenue à circonscrire l’incendie. L’opposition se déchaîne. Elle avait espéré porter un coup, sinon mortel, du moins gagnant à Maria Elena Boschi en exploitant la mise en examen de son père pour banqueroute frauduleuse dans la faillite de la Banca Etruria. Sans trop de succès. L’affaire du pétrole de Basilicate est autrement juteuse puisque la ministre est directement mise en cause. Elle devrait être entendue cette semaine par les magistrats chargés de l’enquête.
« Cet amendement, c’est moi qui l’ai voulu. Et je l’ai voulu pour défendre l’emploi! Si les enquêteurs veulent m’interroger, je suis disponible », a tonné, le Premier ministre particulièrement pugnace, dimanche 3 avril, dans une émission de télévision. Une manière d’assumer ses responsabilités et de faire rempart à sa précieuse ministre. Il a également confirmé que le Parti démocrate (PD, centre-gauche) allait poursuivre en justice Beppe Grillo, pour avoir dit que tout le monde au sein du PD avait les « mains salies par le pétrole et l’argent ».
Mais, ce n’est pas tant la motion de censure qui l’inquiète, que les deux scrutins inscrits au calendrier de ces prochaines semaines. Le 17 avril, les Italiens sont consultés par référendum sur la question de savoir si les concessions de forages offshore dans les eaux territoriales doivent être limitées dans le temps ou bien permises jusqu’à épuisement des gisements comme c’est le cas depuis 2015. Le gouvernement milite ouvertement pour l’abstention afin d’annuler le résultat de cette consultation quel qu’il soit.
Enfin, en juin, des élections municipales se dérouleront dans les villes de Milan, Turin, Naples et Rome (entre autres). Au moins jusqu’à cette date, l’opposition est prête à mordre les mollets du gouvernement. Elle pourrait même se poursuivre jusqu’au référendum d’octobre qui devrait entériner définitivement la réforme du Sénat. Renzi y joue son poste, ayant promis de démissionner en cas de défaite. Raison de plus pour stopper au plus vite ce début de marée noire.
Philippe Ridet