Il a perdu ses cheveux, son épouse, une partie de son empire (Mediaset Premium vendu à Vivendi, le Milan AC, son club de foot, en passe d’être racheté par des entrepreneurs chinois). On pensait qu’il avait encore du flair, du sens politique, de la suite dans les idées. Il n’en est rien. Les élections municipales de Rome, dont le premier tour aura lieu le 5 juin, en sont la démonstration.
Après avoir investi Guido Bertolaso, ancien ministre et responsable de la protection civile, le leader de Forza Italia a subitement décidé de changer de monture pour conduire la bataille de la droite dite modérée à Rome. Il est vrai que Bertolaso, plusieurs fois mis examen, ne semblait pas le meilleur candidat pour s’imposer dans une ville marquée par l’affaire « Mafia capitale », un des plus retentissants scandales de ces dernières années en Italie.
Tourner la page déjà écornée du berlusconisme
Mais ce sont les sondages, davantage que le sens moral, qui ont conduit Berlusconi à limoger son candidat pour investir officiellement Alfio Marchini, un entrepreneur qui se dit « libre des partis » et a les faveurs des centristes. Bertolaso n’a jamais dépassé 10% des intentions de vote au premier tour, loin derrière la candidate de la droite extrême, Giorgia Meloni, soutenue par la Ligue du Nord. Cette dernière fait jeu égal avec le candidat du centre gauche, Roberto Giachetti, et n’est distancée que par Virginia Raggi, qui porte les couleurs du Mouvement 5 étoiles.
Mais derrière ce choix de dernière minute, c’est le reste de crédibilité politique et d’autorité de Berlusconi qui est en jeu. En refusant de soutenir Giorgia Meloni, considérée comme un épouvantail pour l’électorat modéré, le Cavaliere pensait pouvoir, comme il l’a fait pendant vingt ans, obliger toute la droite à se ranger derrière son candidat et ses décisions. Il n’en a rien été. Giorgia Meloni, 39 ans, et Matteo Salvini, 40 ans, secrétaire fédéral de la Ligue du Nord, ont refusé de se plier à la stratégie du vieux chef qui aura 80 ans en septembre et décidé de tourner la page déjà bien écornée du berlusconisme.
C’est donc le dernier pari de Berlusconi : qualifier son candidat de rattrapage Alfio Marchini, 51 ans (et un faux air d’Alain Delon) pour le second tour en devançant Meloni et le candidat de gauche, pour affronter (si les sondages d’aujourd’hui ne mentent pas) la candidate 5 étoiles. Une dernière victoire d’amour-propre ou une ultime défaite? Ezio Mauro sur La Repubblica du 29 avril, écrit joliment à propos de Forza Italia : « Les affiches arrachées de Bertolaso souriant sont la pierre tombale d’une aventure politique qui n’a plus raison de vivre mais qui ne sait pas mourir ».
Philippe Ridet