Jusqu’à dimanche 19 janvier à 22 heures 59, Virginia Raggi, élue première femme maire de Rome (3 millions d’habitants et grande comme 12 fois Paris) avec 67% des suffrages, n’était responsable de rien. Une minute plus tard à la publication des premières estimations après la fermeture des bureaux de vote, une montagne se dressait devant elle.
Les Italiens ont une belle expression pour encourager ou refroidir l’enthousiasme de ceux qui voient leurs désirs s’éxaucer: « hai voluto la bicicletta, adesso pedala! » (Tu as voulu un vélo, maintenant pédale!). Mais la monture de Virginia Raggi devra être renforcée car c’est plus une épreuve de mountain bike qui l’attend qu’une étape de plat. Elle-même devra être bien protégée car les ennuis ne viendront pas seulement des innombrables trous dans les chaussées de la capitale d’Italie.
Effacer l’infamie de « Mafia Capitale ». C’est le premier de ses défis. La ville a été profondément meurtrie par la révélation, en décembre 2014, de ce scandale de pots-de-vins et de marchés truqués mêlant élus de droite comme de gauche, entrepreneurs et mafieux locaux. L’exemplarité du verdict à l’encontre des 42 premiers prévenus dans le procès qui se tient en ce moment dans un tribunal hypersécurisé de la prison romaine de Rebibbia dira si une résilience est possible.
Négocier la dette. Tous les maires qui ont précédé Virginia Raggi au Capitole, siège de la mairie de Rome, ont laissé une ardoise. La dette cumulée atteint 13,5 millards d’Euros. Virginia Raggi voudrait la restructurer. Or elle est détenue en grande partie par La cassa dei Depositi e dei Prestiti (la caisse des dépôts), contrôlée par l’Etat. Chaque année, le premier élu de la capitale, doit aller tendre la main au ministère de l’économie pour pouvoir boucler son budget. Le gouvernement de Matteo Renzi dont le Mouvement 5 Etoiles est le plus acharné des ennemis sera-t-il enclin à lui faire un cadeau?
Mettre l’administration au pas. Rome c’est aussi 60 000 fonctionnaires municipaux travaillant dans les différentes entreprises de la municipalité. Le premier souci de ses dirigeants et de certains de ses employés n’a pas toujours été le service public. Les moyens de transport sont chaotiques et pour certains antédiluviens. Quelques uns des onze syndicats de chauffeurs de bus appellent régulièrement à faire grève la veille des weekends ou les jours de matches de l’équipe nationale de football. Virginia Raggi s’est bien gardée de se les mettre à dos en prétendant que « ses prédécesseurs n’avaient pas su leur parler et les responsabiliser ».
Régler le problèmes du ramassage des ordures. La première visite de campagne de Virginia Raggi s’est déroulée au mois de février au siège de l’Association de la presse étrangère à Rome. Les médias internationaux, dont Le Monde, avaient consacré plusieurs reportages au délabrement de la Ville Éternelle. 40% de la voirie serait à refaire… Côté poubelles, ce n’est pas mieux. Pour des raisons inexpliquées, des monceaux d’ordures peuvent surgir au coin des rues. Le taux de tri sélectif est un des plus bas d’Italie et la région n’a pu fermer que très récemment le plus grand dépôt de déchets d’Europe aux portes de Rome.
Décider le sort des Jeux olympiques. A l’instar de Paris, Rome est candidate à l’organisation des JO de 2 024. Virginia Raggi ne fait pas mystère de son opposition aux chantiers pharaoniques pour lesquels l’Etat prévoit de dépenser 5 milliards d’euros. « Il y a d’autres priorités. Rome a besoin de normalité » a-t-elle dit aux partisans des JO (politiciens, entrepreneurs, représentants du monde sportif). Elle souhaite lancer un référendum consultatif sur la question. Pourtant elle a prévu de nommer l’ancien rugbyman de l’équipe national ,Andrea Lo Cicero, comme assesseur aux sports. Or ce dernier a participé à la campagne publicitaire pour les Jeux à Rome…
Bref, il faudra clarifier.
Philippe Ridet