C‘est une drôle de petite série. Norvégienne. Discrète. Qui sans bruit a traversé l’Atlantique pour faire l’objet d’une adaptation en anglais. Skam, qui compte désormais trois saisons et une trentaine d’épisodes (de durées variables), a été conçue pour un public très ciblé, les adolescentes de 15-20 ans, consommant des vidéos sur leurs smartphones. Diffusée en premier écran sur le web, cette histoire d’un groupe de lycéennes d’Oslo était ensuite proposée chaque semaine sur la chaîne publique NRK permettant à d’autres classes d’âge mais également aux parents de se passionner pour ce teen drama original devenu un phénomène national.
Skam, qui va devenir Shame aux Etats-Unis et au Canada, est conçue comme une série pour le web. Elle revendique une simplicité dans le tournage et une forme de spontanéité dans la mise en scène et dans l’écriture qui conviennent aux habitudes de visionnage du public cible, grand consommateur de contenus en ligne. Le naturel et l’immédiateté des situations, qui pourraient être filmées par l’un des personnages avec son téléphone portable, donnent à l’ensemble un caractère familier et intime.
L’ambition est de parler aux adolescents d’eux-mêmes, avec leurs mots, leurs préoccupation mais également à leur manière. A première vue, Skam rappelle bien sûr Skins qui avait marqué un tournant dans le genre. D’abord en proposant un discours plus réaliste et ensuite en plaçant les parents comme repoussoirs.
Skam va encore plus loin en adoptant un style débarrassé de fioritures dans la mise en scène. Le caractère immédiat et brut donne une impression d’authenticité et facilite l’identification des spectateurs. Il ne s’agit pas de proposer un documentaire scénarisé mais de reconstituer de courtes tranches de vie telles qu’elles pourraient se produire et certainement telles que les lycéens ont l’impression de les vivre.
L’aspect répétitif est évident quelle que soit l’heure et le jour où sont tournées les séquences et qui s’affichent en gros caractères jaunes barrant la totalité de l’image, exactement comme sur un agenda scolaire. Le fil rouge est celui d’une jeunesse en proie à ses occupations, ses doutes et ses amours. On passe d’un week-end dans une maison de campagne, à la participation à la prochaine fête, à l’obtention de moyens de contraception, à la consommation de drogue et d’alcool.
Rien d’évidemment original, sinon que toutes ces questions donnent le sentiment d’être d’abord posées par les ados eux-mêmes et que les réponses sont celles qu’ils vont apporter avec un langage qui est le leur et non celui projeté et attendu par les adultes. Le propos est direct, simple, comme s’il s’agissait d’une conversation à ciel ouvert à laquelle chacun est convié. Les discussions sur les thèmes abordés semaine après semaine se poursuivent sur les réseaux sociaux. Le public cible a le sentiment d’évoluer en territoire connu et la fiction devient une manière de réfléchir à la réalité.
La démarche est également stimulante pour les adultes qui sont ainsi invités dans le monde de leurs progénitures dont ils sont la plupart du temps tenus à l’écart. Il y a donc un caractère pédagogique, à la fois pour les premiers intéressés mais également pour les parents, en se gardant bien d’offrir un discours moralisateur ou en jouant sur la culpabilité des uns ou des autres.
L’idée est de faire appel au bon sens et à la responsabilité de chacun et de rappeler à tous que le passage à l’âge adulte est jalonné d’expériences heureuses formatrices et d’expériences douloureuses, non moins formatrices. Vouloir protéger les enfants est un sentiment naturel des parents mais c’est surtout une attitude assez vaine : cela n’est jamais totalement possible et le mieux est certainement d’apprendre à leur faire confiance.
(Photo: NRK. Dessin: Martin Vidberg)