Une semaine après la victoire de Donald Trump, les investisseurs du monde entier fonçaient vers l'espoir d'un regain d'une croissance économique supposée intarissable, du même coup menaçant au contraire d'accélérer le processus susceptible de conduire à une plausible nouvelle crise financière d'une ampleur inouïe, une déflation par la dette fondamentalement induite par l'incapacité de l'humanité technique à maintenir la croissance du flux d'énergie jusqu'ici nécessaire à son essor.
De nombreux investisseurs caressent aujourd'hui l'espoir que la politique de Donald Trump reproduise le " miracle " des années de présidence de Ronald Reagan, dans les années 80. Baisse des impôts (surtout pour les riches), dérégulation, relance de l'économie par l'injection de centaines de milliards de dollars d'investissements publics et privés dans les infrastructures, et hop, voilà la croissance économique régénérée et, grâce à elle, les déficits publics des Etats-Unis en passe d'être jugulés.
Un point commun entre la situation actuelle et le temps des Reaganomics : l'économie mondiale traverse un contre-choc pétrolier, bien plus profond qu'à l'époque. Ce contre-choc succède au long choc pétrolier des années 2005-2014, lui-même responsable, me semble-t-il, de l'éclatement de la bulle des subprimes. Ce long choc, manifesté par la fin du pétrole " facile " et une envolée sans précédent des cours du baril est, je crois, le premier symptôme majeur des limites physiques à la croissance (nous allons y revenir).
Une différence de taille avec les Reaganomics, maintenant : même si Reagan n'a jamais réduit la dette publique - c'est même tout le contraire -, le niveau d'endettement est désormais beaucoup (beaucoup) plus important que dans les années 80 :
Pour l'heure (mais il n'est pas sûr que la confiance règne longtemps), les investisseurs vendent massivement des titres de dette pour se précipiter sur les actions d'entreprises censées pouvoir tirer profit d'une relance des investissements dans les infrastructures américaines. Petit problème : ce mouvement, en faisant chuter la valeur des titres de dette, entraîne mécaniquement la hausse des taux d'intérêts sur ces mêmes titres... ce qui sape la capacité d'Etats lourdement endettés à financer, par exemple, une relance par les investissements publics. Des Etats endettés tels que, par exemple, les Etats-Unis d'Amérique. Entre autres.
En une semaine depuis le scrutin américain du 8 novembre, le marché obligataire a " fondu " de 1 000 milliards de dollars, indiquent Les Echos. Jusque-là scotchés à peine au-dessus de 0 % - une situation à la limite du paradoxe, conséquence directe des politiques monétaires exceptionnelles mises en place pour répondre à la crise de subprimes -, les taux d'intérêts sur les dettes souveraines remontent aux Etats-Unis, mais aussi un peu partout dans le monde. Si la situation dure, elle risque d'empêcher à nouveau les Etats les plus vulnérables de refinancer des dettes creusées de façon extraordinaire depuis la crise de 2008.
Donc, Trump.
Glissons assez vite sur le fait que le bonhomme s'est fait le porte-voix des sales petits secrets de la droite conservatrice. Lorsqu'il est question des arrières-pensées relatives au dernier grand mouvement stratégique calamiteux d'Uncle Sam, Donald Trump agit comme une vivante catharsis. Voici un échange (parmi d'autres) au cours duquel Trump exprime de manière limpide la compacité du lien entre énergie d'une part et puissance économique, politique et militaire d'autre part. L'exemple ci-dessous date de 2011, lorsque Barack Obama retirait la quasi-totalité des troupes américaines stationnées en Irak :
TRUMP. George, laissez-moi vous expliquer quelque chose. On va en Irak. On a dépensé là-bas 1 500 milliards jusqu'ici. On aurait pu rebâtir la moitié des Etats-Unis. 1 500 milliards. Et après on va s'en aller. Dans le temps vous savez, quand il y avait une guerre, au vainqueur revenait le butin. Vous y allez. Vous gagnez la guerre, et vous le prenez.
JOURNALISTE. Cela demanderait des centaines de milliers de soldats pour sécuriser les champs de pétrole.
TRUMP. Pardon mais non, pas du tout.
JOURNALISTE. Alors, on vole le pétrole ?
TRUMP. Pardon. Vous ne volez pas. Pardon. Vous ne volez rien du tout. Vous prenez - on se rembourse - au moins, au minimum, et je dis [on prend] plus. On reprend 1 500 milliards pour se rembourser.
Parmi les favoris de Trump pour diriger la diplomatie américaine figure John Bolton, acteur clé, au sein de l'administration Bush, de l'épisode des armes de destruction massive soi-disant détenues par l'Irak. Sur Fox News en 2011, John Bolton évoquait " ces régions décisives productrices de pétrole et de gaz naturel pour lesquelles nous avons combattu durant tant de guerres, afin de tenter de protéger notre économie des conséquences néfastes qu'il y aurait à perdre cet approvisionnement ou d'en disposer seulement à des prix très élevés " :
La doctrine Trump en matière d'énergie, telle qu'elle figure noir sur blanc dans son programme de campagne, est si claire qu'elle se passe de traduction :
" Declare American energy dominance a strategic economic and foreign policy goal of the United States. "
Pas " independence " : " dominance ". C'est plus fort que du Reagan ou du Bush père et fils, et épuré de toute litote diplomatique.
Marx prétendait que l'histoire se répète toujours deux fois, la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. A force de tourner en rond, j'ai peur qu'on ne s'enfonce dans la tragi-comédie.
Afin de démanteler la politique énergétique et climatique de Barack Obama, Donald Trump a chargé un climato-négationniste des plus notoires, Myron Ebell, d'organiser la transition au sein de l'EPA, l'Agence américaine de protection de l'environnement. Myron Ebell qualifie de " forces obscurantistes " les militants de la lutte contre le réchauffement climatique, car " ils veulent éteindre les lumières partout dans le monde ". M. Ebell a jugé " scientifiquement mal-informée, économiquement illettrée, intellectuellement incohérente et moralement obtuse ", voire même " théologiquement suspecte " l'encyclique du pape François publiée à la veille de la COP21.
Signaler ce contenu comme inappropriéLa personne chargée des questions économiques au sein de l'équipe de transition du nouveau président américain est l'ex-économiste en chef de la banque Bear Stearns, l'une des premières à avoir fait faillite durant la crise des subprimes. Son nom : David... Malpass. Sic.
Allez, assez rigolé. On sait à quoi s'en tenir. Revenons à la question fatidique posée : sommes-nous sur le point de rencontrer les limites physiques de la croissance ? (A SUIVRE)