« Dans une ville durable, il faut une librairie » écrit Erik Orsenna dans le dernier numéro de la revue Le Débat (mai-août 2012), consacré à l’avenir du livre. Avallon a la sienne et elle va durer.
En décembre 2012, Carole et Evelyne, deux professionnelles du livre et de l’imprimerie, prendront officiellement la suite de Didier Voillot qui avait lui-même succédé à son père à la tête de la librairie. « L’an dernier, à cette époque, j’étais désespéré, confie Didier Voillot. Je venais de recevoir un appel d’une personne qui avait vu l’annonce de la vente sur le site du syndicat des libraires. Il était écrit “région Bourgogne”. Il m’a demandé où était la librairie, quand je lui ai répondu que c’était à Avallon, il m’a dit: “bon, alors ce n’est pas la peine de poursuivre la conversation…”
Carole et Evelyne, elles, cherchaient depuis plusieurs années à racheter une librairie dans la région, où elles possèdent une maison de campagne. A l’automne 2011, des amis leur envoient un article du quotidien l’Yonne républicaine qui annonce la fermeture redoutée de ce temple de la lecture, faute de repreneur. Un petit mot l’accompagne: « On compte sur vous, les filles! ».
Evelyne et Carole, futures libraires d'Avallon.©Helene Jayet
« On s’est dit que l’on n’avait pas le droit de laisser passer cette chance », raconte Evelyne. Mais la librairie Voillot d’Avallon n’est pas une petite affaire. 240 mètres carrés de surface commerciale pour les livres et la papeterie, 60 mètres carrés de réserve, sept salariés et…30.000 livres en stock.
Les négociations sont longues, mais les dossiers d’aide déposés tant auprès du conseil régional de Bourgogne, du Centre national des livres et de l’association pour le développement de la librairie de création, ont de solides chances d’aboutir.
©Helene Jayet
Carole et Evelyne, qui vivent en région parisienne, ne redoutent pas l’installation en sous-préfecture. « On a déjà pas mal d’amis sur place et on a pensé à s’acheter un très bon vidéo projecteur! » s’amusent-elles. Elles envisagent de vivre dans l’appartement situé au-dessus de la librairie que leur louera Didier Voillot pour ne pas avoir à faire la route quotidiennement jusqu’à leur maison de campagne.
Vont-elles changer le nom? « C’est LA grande question que nous nous posons, dit Carole. Mais de toute façon, pour les gens d’ici, ce sera forcément “la librairie Voillot”! » D’autant qu’elles aimeraient continuer à travailler avec l’équipe en place, qui a une longue expérience de la boutique.
Les changements se feront peu à peu. Les deux futures libraires imaginent un endroit plus convivial, moins impressionnant peut-être pour qui n’entre pas spontanément dans une librairie. Elles comptent également développer le rayon de littérature pour la jeunesse « avec un espace où les gamins peuvent venir s’asseoir » et ont déjà réfléchi à un projet de site. De son côté, Didier Voillot leur a promis de venir les remplacer de temps à autre si elles veulent s’absenter.
Le libraire Didier Voillot entouré des deux repreneuses de sa librairie©Helene Jayet
Toujours dans Le Débat, on retient cette phrase d’Erik Orsenna: « Le libraire qui survivra est celui chez qui l’on entre avec l’intention d’acheter un livre, pour repartir avec un autre. C’est la bonne définition du métier: le libraire est celui qui offre un autre livre, parce qu’il a le savoir des livres. Un vrai libraire est un tentateur. Il vous ouvre des univers, il vous propose des mondes. Ces libraires là sont irremplaçables ». Longue vie à la librairie d’Avallon!