Plus d'un mois après son lancement, l'intervention française au Mali occupe toujours une place de choix dans l'actualité politique hexagonale. Si le consensus politique autour du bien-fondé de l'opération Serval est toujours de mise dans les discours officiels relayés par les medias traditionnels, ce dernier semble toutefois progressivement s'étioler sur le web. Ainsi, l'analyse des prises de parole issues de la communauté politique (composée des principaux sites et blogs de partis, d'élus ou de sympathisants) met en lumière une large adhésion à gauche (exception faite de l'extrême gauche) et une plus grande réserve à droite. Cette étude réalisée avec Radarly ( http://radarlyapp.com) développé par Linkfluence, illustre la spécificité du web en tant qu'espace d'expression offrant une plus grande liberté de parole que les medias traditionnels. Elle nous permet d'observer le degré et la constance de la mobilisation de la classe politique autour de l'opération Serval ainsi que les principales zones de clivages qui traversent la blogosphère politique française.
Une mobilisation éditoriale qui s'estompe au fil des semainesCommençons par un graphique mesurant l'intérêt de la blogosphère politique pour l'opération Serval. Le sujet croît sur les sites et blogs politiques la première semaine pour atteindre un pic éditorial le 20 janvier lors du dénouement de la prise d'otages d'In Amenas. S'en suit une décrue continue jusqu'au 8 février, exception faite de la visite de François Hollande au Mali qui génère un regain éditorial entre le 1 er et le 3 février. En l'absence d'événements marquants survenus sur le terrain, l'intervention française au Mali perd progressivement de son attrait pour la blogosphère politique.
L'activisme éditorial de la communauté d'extrême gaucheSi l'on s'intéresse maintenant à la mobilisation de chacune des grandes familles politiques sur le sujet, le taux de pénétration éditoriale - ou effort éditorial - (part de billets consacrés à l'intervention sur l'ensemble des publications issues la blogosphère politique) permet de quantifier précisément la volonté d'une communauté d'investir le thème.
Lors du premier mois de conflit, les sites et blogs de gauche ont été les plus prolixes avec 603 articles publiés entre le 10 janvier et le 8 février, contre seulement 238 dans la sphère d'extrême gauche et 117 à droite. Pour autant, ce constat doit être nuancé par un effort éditorial relativement faible de la gauche (3,50%) si on le compare à celui des autres composantes du champ politique. La communauté d'extrême gauche a en effet été la plus active sur le sujet comme en atteste la mesure de son effort éditorial : au global sur l'ensemble des articles publiés tout au long de cette période, 10,30% reviennent sur l'opération au Mali. L'extrême droite occupe la deuxième position avec un taux de pénétration éditoriale de la thématique de 7,50 %, suivie par la droite avec un taux de 6,80%.
De l'adhésion à la dénonciation : une blogosphère politique diviséeOutre le degré d'intérêt sur le sujet, l'analyse des discours permet de mettre en lumière les clivages existant parmi les grands courants politiques tant sur le bien-fondé de l'opération Serval que sur son déroulement sur le terrain. L'analyse sémantique propre à chaque communauté fait apparaître des grilles de lecture différentes de l'opération en fonction du positionnement politique.
1. Une gauche, porte-voix de l'action du gouvernement 2. A droite, une opposition hésitante 3. A l'extrême gauche, une opposition idéologiqueLogiquement, les sites et blogs de gauche privilégient un discours d'adhésion et de justification de l'intervention française. Cette posture s'illustre par l'omniprésence de mots ou expression tels " peuple malien ", " coopération " ou " partenariat ". Dans une moindre mesure, les sites et blogs de gauche mettent également en avant les succès de l'armée française sur le terrain notamment au travers du terme " libération du Nord Mali". Ce constat confirme le soutien de la gauche à la politique gouvernementale et à sa gestion du conflit malien.
Parallèlement, l'analyse de la terminologie mobilisée par la droite éclaire sur son positionnement équivoque vis-à-vis de l'intervention oscillant entre adhésion (opération menée au nom des " droits de l'homme " et contre le " terrorisme ") et condamnation de sa gestion par le gouvernement (" irresponsabilité socialiste ", " refus de l'inconscience ", " précipitation apparente "). On relève également les nombreuses références à Dominique de Villepin qui, très tôt, a exprimé sa réserve quant à l'opportunité d'une telle intervention. L'incontestable légitimité de l'ancien Premier ministre en matière de relations internationales a offert à ses propos, et tout particulièrement à son usage du mot " guerre ", un important rayonnement dans la sphère de droite.
Depuis le lancement de l'opération Serval, l'extrême gauche s'est écartée du consensus politique en privilégiant une opposition radicale à l'intervention française. Sur le web, ses représentants se montrent particulièrement virulents en usant d'un argumentaire fondé sur le passé colonial de la France. La prégnance d'expressions telles " passé colonial ", " politique africaine " ou " françafrique " témoigne de la dénonciation par la gauche radicale d'une opération perçue comme néo-impérialiste de la part de l'ancienne puissance coloniale.