Le web de l’avortement : pro VS anti

Publié le 18 juin 2013 par Rolandlabregere

L'internaute composant la requête " IVG " ou " avortement " sur les moteurs de recherche se voit proposer un corpus de sites organisé autour de portails institutionnels, plateformes d'information sur la santé et blogs dédiés à l'IVG. L'identification des liens hypertextes issus de ce référencement naturel nous a permis de reconstituer l'écosystème web de l'IVG, c'est-à-dire d'examiner l'ensemble des contenus auxquels un internaute sera confronté au cours de ses recherches en suivant l'itinéraire tracé par les liens échangés entre les différents espaces du web consacrés à cette thématique.

Une fois constitué, ce corpus (composé de 152 sites) a fait l'objet d'une classification en fonction de deux critères :

- L'orientation éditoriale de chaque site qui permet de catégoriser ce corpus en plusieurs " communautés "

- Le positionnement de ses auteurs par rapport à l'IVG

A l'issue de ces différentes étapes, Linkfluence a dressé une cartographie du web de l'IVG. Cette carte se décompose en 2 clusters bien distincts échangeant peu de liens, venant ainsi confirmer la racine profondément manichéenne du débat sur l'IVG symbolisée ici par le clivage existant entre les galaxies des " pro choix " et " anti IVG " sur le web.

Le premier cluster, situé à droite sur la carte, est composé des sites " pro-vie ". Ils forment un groupe particulièrement endogène et structuré autour de sites d'associations catholiques ( sos-tout-petits.org, renaissancecatholique.org ou encore evangelium-vitae.org) qui constituent la pierre angulaire du mouvement anti-IVG sur le web. Les nombreux liens échangés entre ces sites attestent d'un système de reconnaissance mutuelle entre ces associations qui, outre l'avortement, se rejoignent sur de nombreux sujets de société : opposition au mariage pour tous, interdiction de l'euthanasie, etc.

On retrouve également bien implantés dans la sphère des opposants à l'IVG les sites d'information tels ecouteivg, ivg.net ou sos-bébé au discours volontairement équivoque sur l'avortement mais dont l'ancrage dans la galaxie des anti-avortement lève toute ambiguïté quant à leur positionnement sur cette question. Sous couvert d'une présentation neutre et informative, ces sites privilégient un discours anti-IVG visant à inciter les femmes à ne pas avorter (voir articles Figaro et Le Monde).

Cette galaxie des " anti " est également composée de sites et blogs d'actualité proches de la droite conservatrice ( lesalonbeige.blogs.com , ndf.fr , etc.) et bénéficiant d'une influence notable au sein de l'écosystème web des pro-vie.

Le second cluster, regroupant les espaces favorables au droit à l'avortement, apparaît plus composite. Les sites d'associations militant pour le droit des femmes ( femmes-solidaires.org, collectifdroitsdesfemmes.org, etc.) ou plus spécifiquement pour le droit à l'avortement ( collectifivgtenon.wordpress.com) constituent les communautés les plus actives en la matière et représentent les principaux relais du discours pro-choix sur le web.

Au sein de cet univers, nombre de sites institutionnels influents sont également présents parmi lesquels sante.gouv.fr ou encore planning-familial.org qui délivrent aux internautes une information précise sur la législation encadrant l'avortement en France.

L'écosystème web de l'IVG n'est pas pour autant circonscrit à la seule sphère française. En effet, l'internaute à la recherche d'informations sur l'avortement peut rapidement être dirigé vers des sites étrangers francophones (canadiens, suisses ou belges) ou proposant une traduction française de leurs contenus éditoriaux. A l'instar du web français, il s'agit en majorité de sites d'associations pro-choix ou d'espaces d'information à destination de femmes souhaitant se renseigner sur l'avortement.

Parmi ces sites étrangers accessibles aux internautes français, on relèvera la présence de cliniques basées en Espagne, aux Pays-Bas ou encore en Belgique. Ces structures utilisent le web à des fins commerciales en mettant notamment en avant une législation nationale moins restrictive qu'en France offrant même, pour certaines d'entre elles, la possibilité aux femmes de pratiquer des avortements jusqu'à 22 semaines de grossesse (contre 14 semaines en France).

Comme l'ont récemment révélé plusieurs enquêtes journalistiques (publiées notamment sur les sites du Figaro et du Monde), le web est devenu un espace privilégié par les groupes anti-IVG pour faire valoir leur opposition à l'avortement et influer sur le choix de femmes en quête d'information sur le sujet. Dans ce contexte, l'identification des liens existant entre les différentes composantes de l'écosystème web de l'IVG montre à quel point l'internaute souhaitant se renseigner sur cette question peut rapidement être conduit vers des espaces militants au discours particulièrement radical. Ainsi, les opposants à l'IVG semblent avoir parfaitement intégré ces dynamiques propres au web en érigeant des sites " passerelles " au contenu éditorial édulcoré et facilement accessibles à partir des moteurs de recherche, pour ensuite rediriger les internautes sur des sites au contenu plus explicite.

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