Nous sommes en 6e, nous sommes encore très jeunes et pourtant, quand nous pensons à notre tendre enfance, nous ne pouvons nous empêcher de la regretter. C’est étrange, nous le savons : normalement, on attend d’être un peu plus âgés pour être nostalgiques. Normalement, ce n’est pas à onze ans qu’on le devient. Et pourtant, nous le sommes. En tombant malencontreusement sur des souvenirs, des habits de notre enfance, sur des photos, des objets, nous ressentons du regret du bon vieux temps (pas si vieux), de la peine, de la honte, mais aussi tout de même un peu de bonheur, de rêve et de joie.
Je me souviens de la chanson Baby Lili. Je me souviens du temps où je m’entendais avec mon frère. Je me souviens du soleil qui se lève dans les Teletubbies. Je me souviens d’avoir hurlé « c’est le chemin de droite » devant Dora l’exploratrice et que ça réveillait mes parents. Je me souviens d’être restée réveillée en attendant le Père Noël. Je me souviens d’avoir cherché le Père Noël dans tout l’immeuble (pendant que mes parents mettaient les cadeaux). Je me souviens que j’ai pleuré quand j’ai fait tomber un cookie avec des pépites de chocolat. Je me souviens d’avoir trituré mes dents pour avoir l’argent de la Petite Souris. Je me souviens de l’avoir cherchée partout. Je me souviens de mes petits chaussons et de mes tout petits pieds. Je me souviens d’avoir étalé la bûche de Noël sur mon sweat-shirt. Je me souviens de l’odeur de mon grand-père qui se b
lindait de parfum un peu bizarre. Je me souviens de l’odeur des directeurs d’école qui avaient chacun la leur. Je me souviens de l’odeur de mes sept doudous (il m’en reste un). Je me souviens du petit pot écrasé sur le costard neuf de mon père. Je me souviens du Mixa bébé. Je me souviens de la joie d’ouvrir mes cadeaux d’anniversaire. Je me souviens de la peluche que j’ai reçue et dont je suis devenue folle. Je me souviens d’avoir essayé les robes de soirée de ma mère en cachette et d’avoir été très heureuse. Je me souviens de la musique de mon berceau, j’ai encore la musique dans ma tête. Je me souviens d’avoir colorié au feutre une robe blanche de ma mère. Je me souviens quand ma mère me chantait « Une chanson douce ». Je me souviens d’avoir crayonné la moquette de mes grands-parents trois jours avant Noël. Je me souviens quand on m’a annoncé que j’allais avoir une nouvelle console. Je me souviens quand je tapais sur le crâne chauve de mon père, pensant qu’un oiseau allait en sortir.Ce qui me manque : l’histoire que me racontait mon père (la grenouille à la grande bouche), la crèche, les promenades avec ma mamie, pouvoir être désagréable innocemment avec les invités, mes dessins moches, le bonheur d’être fille unique, prendre du champagne en douce, la musique du Papa pingouin, les belles vacances en Bretagne avec toute la famille, mon doudou dévoré par un chien, les bisous baveux que me donnait ma grand-tante, quand mon frère était protecteur, la tendresse entre frères et sœurs, quand je dessinais deux traits et que mes parents me disaient que j’allais devenir Van Gogh, quand je ne me faisais pas gronder pour une bêtise (maintenant, c’est terrible), quand il n’y avait pas école le mercredi, quand je pouvais faire croire que j’étais la victime de mon grand frère, quand j’étais le chouchou de tout le monde, quand on me donnait des cadeaux dans les commerces, quand l’école était facile.
Les vieux enfants (6e)