« Les victimes et l’émotion en première instance, le droit en appel ». La remarque, lancée par Me Antonin Lévy lors du premier procès de la tempête Xynthia devant le tribunal des Sables d’Olonne, vient de trouver sa confirmation, lundi 4 avril à Poitiers. En prononçant une condamnation à deux ans d’emprisonnement entièrement assortis du sursis contre l’ancien maire de la Faute-sur-Mer, René Marratier et en relaxant ses co-prévenus, dont son ex adjointe à l’urbanisme, Françoise Babin, la cour d’appel a pris le contrepied du jugement très sévère rendu en décembre 2014 par les premiers juges. Ceux-ci avaient condamné l’ancien maire à 4 ans d’emprisonnement ferme.
Si René Marratier est bel et bien reconnu coupable d’homicides involontaires et de mise en danger de la vie d’autrui, la cour insiste sur le fait que ces délits sont « non intentionnels. » Contrairement au tribunal, elle souligne surtout que les fautes reprochées à l’ancien maire ne sont pas détachables du service et donc que sa responsabilité personnelle ne peut être engagée pour indemniser les victimes de la tempête Xynthia.
La lecture comparée des deux décisions de justice rendues à deux ans d’écart, montre l’interprétation radicalement différente faite par le tribunal et par la cour.
Le tribunal faisait de l’ancien maire le principal responsable des 29 morts de la tempête Xynthia et affirmait que le drame qui s’est abattu sur la Faute-sur-Mer était « le résultat d’une gestion publique communale pervertie. » Il exonérait de toute responsabilité les services de l’Etat en relevant que « l’Etat est surtout très impuissant lorsqu’il est confronté à la malveillance d’élus locaux, qui n’ont de cesse de faire obstruction à des démarches d’intérêt général absolument indispensables. ».
Que dit la cour ? « René Marratier n’est pas condamné pour avoir sciemment exposé ses administrés à un danger mortel. Sa responsabilité pénale est engagée parce qu’il n’a pas su prendre l’exacte mesure de la situation ni tirer les conséquences des informations qu’il avait à sa disposition ». Elle dit aussi que, « si les fautes commises ont contribué à créer le dommage, elles n’en ont pas été l’unique cause, l’intensité particulière du déchaînement des éléments et les fautes de tiers en ayant largement leur part. » Parmi ces « tiers », elle désigne les agents de la Direction départementale de l’équipement, qui ont instruit les permis de construire. « En signant sans aucune modification des permis préparés par des agents dont il pouvait légitimement penser qu’ils avaient davantage de connaissances que lui en la matière, René Marratier n’a pas commis de faute caractérisée », dit l’arrêt.
Là où le tribunal écrivait que René Marratier et son adjointe avaient « intentionnellement occulté [le risque d’inondation] pour ne pas détruire la manne du petit coin de paradis, dispensateur de pouvoir et d’argent » et « menti à leurs concitoyens » la cour rappelle que l’ancien maire n’a jamais été poursuivi pour conflits d’intérêts ou enrichissement personnel et que « de tels faits ne résultent d’ailleurs ni de l’instruction diligentée ni des investigations menées sur le patrimoine de l’intéressé. » Elle souligne que l’ancien maire « a manifestement toujours agi dans ce qu’il croyait être l’intérêt de sa commune et de ses administrés en encourageant l’urbanisation« .
Quand le tribunal dressait de René Marratier le portrait d’un élu borné « caricature du petit maire », « insoucieux de la sagesse des anciens », resté « confis dans ses certitudes », la cour rappelle qu’il a été « réélu pendant plus de vingt ans, ce qui témoigne d’une adhésion majoritaire des administrés à son action et à ses choix de maire à la tête de la commune » et qu’il a « été conforté dans ses options erronées par les errements et les atermoiements des agents de l’Etat dans le département. »
Si elle lui reproche des fautes « d’imprudence et de négligence » qui résultent « d’un manque de vigilance et d’une analyse dramatiquement erronée des données que le prévenu avait entre les mains », elle ajoute que « la rigidité de caractère et l’incapacité à se remettre en cause » de l’ancien maire « ne font pas disparaître la nature involontaire des infractions pour lesquelles il est poursuivi ».
Comme l’arrêt estime que la faute commise par René Marratier n’est pas « détachable du service public de maire à l’occasion desquelles elle a été commise », il ne peut être déclaré responsable sur ses deniers personnels des dommages et intérêts. Les parties civiles doivent donc désormais s’adresser à une juridiction administrative pour faire valoir leur préjudice. L’ancien maire a toutefois été condamné à leur rembourser près de 250.000 euros de frais d’avocats.