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L’Europe désarme les « civils »

Publié le 12 septembre 2016 par Alainhdv

Lors de son fameux discours devant le congrès, après les attentats du 13 novembre 2015 (vous vous souvenez : " La France est en guerre... "), François Hollande a décidé de donner aux magistrats les " moyens d'enquête les plus sophistiqués, pour lutter contre le trafic d'armes " car ce sont avec les armes du banditisme que les actes terroristes sont commis ".

L’Europe désarme les « civils »

Il a également rappelé que la France avait depuis longtemps demandé à l'Europe de prendre des dispositions pour lutter contre le trafic d'armes.

La Commission européenne avait alors réagi au quart de tour. 48 heures après ce discours, elle annonçait une révision de la directive sur l'acquisition et la possession des armes à feu en dressant une palette de mesures qui allaient du bon sens au non-sens. Finalement, lors des débats en commission du commerce intérieur, la présidente avait reconnu que " le texte avait sérieusement besoin d'être retravaillé ". En gros, il devenait quasi impossible pour un particulier de posséder une arme légalement. Un bien mauvais signal, car, historiquement, c'est l'une des premières mesures prises dans les pays où s'installe le totalitarisme.

Trop de précipitation, sans doute. Et pourtant, cette nouvelle directive n'était pas sortie du chapeau : elle était prévue dans le programme européen en matière de sécurité adopté au mois d'avril 2015, quelques mois après les attentats contre Charlie Hebdo et l'Hyper Cacher.

Je ne suis pas sûr que la com' à tout prix soit la bonne réponse à la mort d'innocents ! Mais ce n'est pas nouveau. En 1982, après l'attentat de la rue des Rosiers, on avait entendu à peu près les mêmes propos. Il avait d'ailleurs été créé au sein de la PJ, pour la circonstance, un office central pour lutter contre le trafic d'armes, l'OCRTIAMEMS. (Je vous laisse traduire le sigle. Tiens, si quelqu'un trouve la réponse dans les 3 jours, je lui envoie mon dernier livre dédicacé !) *

En novembre 2015, c'est Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, qui avait pris le relais du président français. " Nous ne tolérerons pas plus longtemps que des groupes criminels organisés aient accès à des armes à usage militaire et en fassent le commerce en Europe ", avait-il dit. Pour répondre à la menace des armes illégales tombant entre les mains de dangereux terroristes, " nous proposons des contrôles plus stricts de la vente et de l'enregistrement des armes à feu... ". Ces dernières paroles en avaient fait sourire plus d'un. C'est un peu comme si on disait que pour répondre aux dangers des drogues illicites, il faut renforcer le contrôle des médicaments contenant des produits stupéfiants...

C'était il y a maintenant bientôt un an, c'est donc avec impatience que l'on attend son discours du 14 septembre prochain sur l'état de l'Union. Pas de doute qu'il revienne sur le sujet, puisque son service de presse a invité certains journalistes à " un briefing off the record " sur la révision de " la directive européenne sur l'acquisition et la possession des armes à feu par les civils ". Et cela, à la veille de son intervention.

À cette occasion, je découvre avec étonnement que des journalistes peuvent assister à des briefings off the record...

Les mesures qui seront annoncées ne nous concernent pas directement, nous, Français, car il y a longtemps que nous sommes au taquet. Et sauf à interdire la possession d'armes aux chasseurs et aux tireurs sportifs, je ne vois pas trop ce que l'on pourrait faire de plus. Néanmoins, il ne faut pas être négatif, il y a effectivement des choses à mettre en place au niveau européen pour lutter contre le terrorisme. Ne serait-ce qu'une législation communautaire et l'installation d'un procureur européen. Mais pour rester dans le domaine des armes, deux mesures intéressantes sont dans les starting-blocks : des normes communes en matière de neutralisation des armes à feu ( voir sur ce blog) et une meilleure traçabilité de celles-ci au sein de l'UE. Pour les bonbonnes de gaz, on verra plus tard.

Ce n'est pas suffisant. Par définition, une arme est dangereuse, mais ce qui compte, c'est l'usage qu'il en est fait. Alors, pourquoi ne pas envisager un fichier européen qui contiendrait la signature balistique de toutes les armes en circulation (lorsque c'est techniquement possible), qu'elles soient détenues par des particuliers ou par des représentants de la puissance publique, ou qu'elles soient récupérées lors d'affaires judiciaires ! Cela n'empêcherait ni les crimes ni les attentats, mais ce serait un outil d'investigation important pour remonter une filière. Un peu comme la mémoire d'un téléphone portable.

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* En 1982, lors de l'installation de ce nouveau service, au sein de la DCPJ il avait été baptisé OCRTIAMEMS, pour Office central pour la répression du trafic illicite des armes, munitions, explosifs et matières sensibles. Par similitude avec l'OCRTIS (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants).
Le décret de création, publié en 1983, a supprimé le mot " illicite ", probablement, comme le dit Soph'la cap, parce qu'il ne peut y avoir de trafic licite d'armes. Il est mentionné dans ce texte la création d'un Office central pour la répression du trafic des armes, des munitions, des produits explosifs et des matières nucléaires, biologiques et chimiques. Je vous laisse imaginer le sigle... C'est Paul qui a gagné. Il a dégotté le décret. Il recevra donc ce bestseller (?) sur les coulisses de la lutte antiterroriste. Avec un lot de consolation pour Guillaume. Merci à ceux qui ont participé à ce quiz improvisé.
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