Matinée à droite, après-midi gaulliste. Mardi 1er mai dans la matinée, Nicolas Sarkozy commence par parler à la France qui a voté Front national. Y a-t-il trop d’immigrés en France, lui demande Jean-Jacques Bourdin, l’animateur vedette de RMC. « Oui », répond Nicolas Sarkozy, tandis que son ministre de la défense, Gérard Longuet, a accordé un entretien à l’hebdomadaire d’extrême droite Minute. Il y estime qu’avec Marine Le Pen, à la différence de son père, il sera désormais « possible de parler de sujets difficiles avec un interlocuteur qui n’est pas bienveillant, mais qui, au moins, n’est pas disqualifié ».
Mais place du Trocadéro, l’heure est au rassemblement néogaulliste. A 14 heures, la place est déjà engorgée par une marée de militants UMP, venus achever leur week-end du 1er-Mai dans le seizième arrondissement. Symboliquement, la tribune a été placée sur l’esplanade des droits de l’homme. Les images donnent en premier plan une marée de drapeaux tricolores et l’orateur, seul, surplombé par la tour Eiffel.
Les premiers inervenants, à 14 h 20, sont censés incarner la France populaire. Un coup au centre, avec le maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde, et un coup à droite, avec Nadine Morano, peu audible, les haut-parleurs étant mal réglés. Jean-Pierre Raffarin, qui incarne l’aile humaniste et a promis des explications après le 6 mai, fait huer « le socialisme qui démobilise. Nous n’avons pas peur ». Mais plutôt que de faire la chasse aux voix, il consacre l’essentiel de son discours à un décryptage de la mondialisation.
Jean-François Copé, lui, est purement politique. Il dénonce « des officines qui inventent des scandales d’Etat à une semaine du premier tour » et tranche : « la gauche morale a déposé le bilan rue Saint-Denis », là où le socialiste Julien Dray a fêté son anniversaire avec DSK en présence de responsables du PS. « Demain, la pêche à l’anguille est ouverte », conclut-il à propos de François Hollande, à la veille du débat d’entre-deux-tours. François Fillon achève la première partie : « Quand un syndicat appelle à voter à gauche, il n’est plus que la courroie de transmission des partis politiques », accuse-t-il, jugeant que « Bernard Thibault [leader de la CGT] a commis une faute contre les salariés et contre l’intérêt général ».
A 15 h 20, Nicolas Sarkozy fend la foule, commence par annoncer la participation : « Vous êtes 200 000 », prétend-il. Le chiffre est largement exagéré, mais les images sont spectaculaires. Depuis le discours de dimanche à Toulouse, c’est le retour d’Henri Guaino. La plume du président convoque l’histoire de France, la République et le général de Gaulle. Pas celui, héroïque, de 1940 ou conquérant de 1958. Non celui de la traversée du désert. Et de citer son discours à Bagatelle le 1er mai 1950 : « la masse immense que voilà prouve aux insulteurs que rien n’est perdu pour la France ».
Le président sortant fait la leçon et revendique toutes les avancées sociales de la République : « nous nous considérons comme les héritiers de ceux qui ont lutté pour le droit de grève, pour la liberté syndicale et pour les congés pays. Nous nous considérons comme les héritiers de ceux qui ont défendu Dreyfus et qui ont créé la sécurité sociale ». Et de rajouter : « Nous sommes le peuple de France et nous assumons l’Histoire dans sa globalité. »
Deuxième leçon en direction des syndicats : « Posez le drapeau rouge et servez la France. »
Troisième leçon, celle sans cesse répétée sur le travail. « Vous avez abîmé le travail en prétendant le défendre », dit-il à la gauche. Et il lance un message à la France du travail : « Elle n’a pas à s’excuser pour son patrimoine, pas à s’excuser pour ses efforts, pas à s’excuser pour son mérite. Ce qu’elle possède, elle l’a gagné. »
Après avoir cité de nouveau de Gaulle, le candidat UMP conclut sur une note ambiguë : « Il reste trois jours pour que chacun comprenne que dimanche, il ne votera pas pour un candidat, mais pour lui-même. Il ne votera pas pour un candidat, mais pour son avenir et celui de ses enfants. » Comme s’il voulait inciter les hésitants à passer outre sa personne.
Arnaud Leparmentier et Vanessa Schneider