Mansuétude. Les opérateurs, qui déplorent chaque année une perte de 500 millions d’euros, sont confrontés à cette réalité implacable : ne pas acheter ticket de bus ou de métro n’est au fond, pas vraiment condamnable. Un peu comme le non-paiement du stationnement sur la voirie, une pratique extrêmement répandue et largement encouragée par certains médias (ici Le Point et là Auto Plus)
Cliché du pauvre fraudeur. « Il existe une forme de complaisance à l’égard du fraudeur qui n’aurait pas les moyens d’acheter un billet », constate Jean-Pierre Farandou, qui préside l’UTP. Or, ajoute-t-il, « c’est un cliché. La fraude n’est pas le fait des voyageurs les plus pauvres ». En outre, contrairement aux idées reçues, un taux de fraude de 10% ne se traduit pas par une proportion de fraudeurs de 10% : 55% fraudent de temps en temps, 40% jamais et 5% toujours.
Plus de précisions ici : « Presque tout le monde se trouve une bonne raison pour frauder » (mars 2015)
Pour l’UTP, cette tolérance pour la resquille s’expliquerait par des facteurs culturels. « En France, il existe une attitude à l’égard de la fraude très différente de celle qui prévaut dans bon nombre d’autres pays occidentaux », estime l’organisation. Dans les capitales européennes, le taux de fraude s’élèverait, selon « plusieurs études » citées par l’UTP, à « 3,1% », tandis qu’il atteindrait 9% en France. Et cela ne résulte pas nécessairement d’une opposition entre les vertueux pays aux langues gutturales et les peuples frivoles aux langues chantées : « en Espagne, la fraude n’est pas un sujet », estime M. Farandou.
Or, selon l’UTP, en euros constants, cette image est fausse. Le transport routier de voyageur, en bus, donc, a baissé depuis 10 ans, alors que tous les autres services sont en hausse. Le prix de l’usage de la voiture a fortement augmenté en 10 ans, « mais ce n’est pas la perception qu’en ont les usagers, car ils ne prennent en compte que le carburant, le péage et éventuellement le stationnement, qu’ils sont nombreux à ne pas payer (61% en 2013, selon cet article) », indique Claude Faucher, délégué général de l’UTP. Espérant « récupérer 200 millions d’euros », M. Farandou insiste sur la mise en place, en juin 2017, d’une plateforme informatique destinée à repérer les adresses des contrevenants (détails sur le site de France Inter).
Mais les conséquences de la fraude dans les transports ne se limitent pas au manque à gagner de 500 millions d’euros, un montant que certains cadres de la SNCF estiment même à un milliard. La mansuétude dont bénéficie la malhonnêteté est également liée au peu de considération dont bénéficient les transports.
Enfin, ce que ne dit pas l’UTP, la gratuité des transports, ou la fraude largement tolérée, laissent penser que le fait de se déplacer n’a aucune conséquence. Or, le transport ne coûte pas seulement de l’argent. Il mobilise du personnel, occupe de l’espace, consomme de l’énergie, pollue l’atmosphère (certes beaucoup moins que le moteur individuel), use des infrastructures. Des biens immatériels qui ne sont aucunement gratuits.