C’est un lancer de javelot très éloigné de l’éthique sportive qui prévaut aux Jeux Olympiques de Rio. Dans une vidéo diffusée sur Internet, un chasseur américain se filme tuant un ours noir affamé, à l’aide d’une lance, dans une forêt de l’Etat canadien de l’Alberta. Les images, vues plus de 200 000 fois, ont suscité la colère et l’indignation sur les réseaux sociaux. Mardi 16 août, les autorités de la province ont promis de bannir cette pratique « archaïque » à l’automne.
La vidéo de 13 minutes, tournée en mai, a été postée le 5 juin sur la chaîne YouTube du chasseur, Josh Bowmar, un bodybuilder et gérant d’un club de fitness de l’Ohio (Etats-Unis), âgé de 26 ans. Retirées du site lundi, face au tollé, les images ont été rediffusées mardi par les télévisions canadiennes.
On y voit un ours s’approcher d’un appât placé par le chasseur, embusqué à proximité, à une douzaine de mètres. L’ancien champion de javelot projette alors sur sa proie une lance massive, équipée d’une caméra GoPro. L’animal est touché, l’homme exulte : « Je viens de transpercer un ours ! Il tombe. C’est le plus long jet que je n’aurais jamais pensé pouvoir faire. » Il ajoute encore, fièrement : « Je viens de réussir quelque chose dont je ne suis pas sûr que quelqu’un ait déjà fait : abattre un ours avec une lance. Je l’ai fumé. »
La nuit sur le point de tomber, le chasseur quitte les lieux, avec sa femme qui a filmé la scène – et a également tué un ours à l’arc. Il y revient le lendemain, accompagné de trois comparses, pour retrouver l’ours qui gît à une cinquantaine de mètres du lieu où il a été atteint. Les rires fusent.
Sur les réseaux sociaux, l’heure est davantage à la colère et au dégoût, face à cet épisode qui n’est pas sans rappeler la chasse au lion Cecil, au Zimbabwe, par le dentiste américain Walter Palmer. De nombreux internautes ont également cédé à la loi du talion et le chasseur a reçu des milliers de menaces de mort…
Let's hope some day someone will track you and hunt you down #joshbowmar. You put the rest of us to shame! https://t.co/9SqLcdxByh
— Maxime AUBURTIN (@maxime_auburtin) August 17, 2016
« Ce type de chasse, archaïque, est inacceptable », a fait savoir le ministère de l’Environnement et des parcs de l’Alberta, qui lance également une enquête pour savoir s’il y a lieu de poursuivre le chasseur. Le président de l’association de chasse et de pêche Fish and Game de l’Alberta, Wayne Lowry, a même déclaré que la province devrait imposer une loi pour empêcher ce genre de pratique à l’avenir. Une technique déjà illégale en Ontario, la province la plus peuplée du Canada.
« C’était une mort éthique et personne ne se soucie plus de ces animaux que nous autres chasseurs. La lance est utilisée pour chasser depuis la nuit des temps », a rétorqué Josh Bowmar dans un email à Reuters. Il soutient que la lance est une arme plus « humaine » que l’arc, avec lequel il chasse habituellement. « La chasse à la lance donne à l’animal une plus grande chance de s’échapper, puisque notre distance éthique de mise à mort est inférieure à 10 yards [0,9 mètre]« , précise-t-il auprès du Guardian, ajoutant que toutes les parties du plantigrade ont été utilisées, et que sa viande a été mangée.
La chasse à la lance est actuellement autorisée en Alberta. L’an dernier, 19 % des 119 000 chasseurs de gros gibier de la province – qui compte 40 000 ours bruns – ont acheté des permis de tir à l’arc, selon les chiffres du gouvernement rapportés par Reuters. Aucune donnée n’a en revanche été fournie sur le tir à la lance. Selon les chiffres des autorités locales, la chasse et la pêche, qui représentent une des « grandes attractions » de l’Alberta rurale, s’avèrent des activités très lucratives, ayant généré, de manière directe et indirecte, une valeur économique de 800 millions de dollars en 2008, dont 300 millions pour la seule chasse.
Audrey Garric
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