Des animaux terrorisés frappés, fouettés, enchaînés aux murs ou enfermés dans des cages. Dans une vidéo diffusée lundi 18 juillet, que Le Monde a pu consulter, l’association PETA révèle des méthodes de dressage des bêtes cruelles et violentes, ainsi que des conditions de vie « insupportables », dans les cirques de la ville de Suzhou, dans l’est de la Chine. Cette métropole proche de Shanghai, surnommée la « capitale mondiale du cirque », accueille 300 chapiteaux à l’année et des milliers d’animaux entraînés pour la piste. Une activité qui se fait, selon l’enquête de l’association, aux dépens de leur bien-être et de leurs besoins physiologiques.
Les images, les premières du genre, ont été tournées l’an dernier en caméra cachée par PETA Asie, dans 10 cirques et établissements de dressage. Elles montrent des oursons avec des chaînes autour du cou, forcés de rester debout sur leurs pattes arrière pendant des heures sous peine de s’étrangler. D’autres doivent tenir en équilibre sur une planche-balançoire ou marcher avec les pattes avant sur des barres parallèles. Tous crient, grognent et gémissent. Les grands félins tournent en rond dans des cages bien trop petites pour eux ou, lors de l’entraînement, sont contraints de se tenir en équilibre sur des ballons ou sauter à travers des cerceaux. Les dresseurs les traînent, les frappent, les fouettent et donnent des coups de pied aux animaux pour les faire obéir.
« Les animaux sauvages ne comprennent pas et ne veulent pas exécuter ces numéros qui n’ont pour eux aucun sens, ne sont pas naturels et sont souvent douloureux, mais ils sont obligés de les répéter encore et encore, sinon ils risquent d’être battus ou pire, déclare Isabelle Goetz, porte-parole de PETA en France. Mais ce genre de cruauté n’est pas inhérente à la Chine. Partout, les zoos emploient l’intimidation et la punition pour contrôler les animaux et les enferment dans des cages minuscules, des caravanes ou des wagons. »
Interdictions dans plusieurs pays
Des pratiques que certains pays refusent. En 2014, la Belgique a interdit les animaux sauvages dans les cirques. « Ces établissements ne respectent pas les normes en matière de détention des animaux, que ce soit l’hébergement ou le transport, expliquait alors au Monde Bruno Cardinal, conseiller scientifique pour le Conseil du bien-être animal, qui dépend du ministère belge de la santé publique. Les animaux sauvages doivent également pouvoir exprimer une série de comportements propres, tels que la fuite ou encore la recherche d’alimentation, ce qui n’est pas non plus possible dans l’enceinte d’un cirque. »
En Europe, l’Autriche et la Grèce (et la Catalogne en Espagne) ont également banni les animaux sauvages des chapiteaux tandis qu’une interdiction partielle – pour certaines espèces – existe en Allemagne, Hongrie, Danemark et Suède. La France, pays de grande tradition circassienne qui compte une centaine de troupes itinérantes, va-t-elle à son tour légiférer sur ce sujet ? La question divise. De nombreuses municipalités ont déjà pris des interdictions en ce sens, que ce soit Ajaccio (Corse-du-Sud), tout récemment, ou, bien avant, Montreuil et Bagnolet (Seine-Saint-Denis) ou Tourcoing (Nord). L’association PETA appelle d’ailleurs les citoyens à demander à leur maire d’interdire de tels spectacles dans leur ville.
« Ces villes restent minoritaires, rétorque Gilbert Edelstein, le PDG du cirque Pinder et président du syndicat national du cirque. Les lois en France sont strictes et on les respecte. Nos animaux sont bien traités et ne sont pas malheureux. Sans compter que toutes nos bêtes sont nées en captivité : elles ne tiendraient pas longtemps dans la nature. » Et d’asséner : « Un cirque sans animaux, ça n’est pas vraiment un cirque. »
Quelques efforts ont certes été réalisés : depuis le 18 mars 2011, un arrêté durcit la réglementation française datant de 1978. Parmi les mesures prises, les cages intérieures abritant des tigres doivent mesurer un minimum de 7 m2 par animal, les éléphants doivent être attachés par des chaînes matelassées ou avoir accès au minimum une heure par jour aux installations extérieures (minimum de 250 m² pour trois animaux maximum) et les otaries et lions de mer doivent bénéficier de piscines intérieures et extérieures.
« C’est clairement insuffisant et personne ne peut vérifier que cette réglementation est appliquée, surtout dans les cirques itinérants, réagit Isabelle Goetz. On reste dans une optique d’exploitation des animaux en dépit de leurs besoins fondamentaux. » Des conditions de détention également dénoncées par l’ONG Code animal, spécialisée sur ce sujet, et la fondation 30 Millions d’amis, dont la pétition pour des cirques sans animaux sauvages a récolté plus de 160 000 signatures.
Ce débat autour du bien-être animal dans les cirques n’a jamais été véritablement tranché par les éthologues. « Une relation de complicité et d’amour peut se créer entre le dresseur et l’animal, estime la philosophe Vinciane Despret, professeur à l’université de Liège et spécialiste des relations homme-animal. Tout dépend du mode de dressage : certains s’opèrent selon un système de récompenses, de négociation et de douceur, tandis que d’autres fonctionnent avec des punitions et peuvent s’avérer violents. » Quant aux conditions de transport et d’hébergement « très difficiles pour les animaux dans les cirques itinérants », elles pourraient être « améliorées si toutes les troupes avaient des cirques d’hiver, disposant d’un espace suffisant », juge-t-elle.
« Il peut effectivement y avoir une relation qui se noue entre l’humain et le cheval par exemple, mais ce n’est pas la réalité du dressage et de la captivité dans les cirques. Les animaux sauvages ne veulent pas être en contact avec les humains », rétorque Isabelle Goetz. Les cirques n’ont effectivement pas toujours accueilli des animaux exotiques : avant le XIXe siècle, les numéros faisaient intervenir des chevaux et des chiens, rappelle Vinciane Despret. Et le succès actuel des spectacles sans animaux, comme ceux du Cirque du soleil, prouve que l’option reste ouverte.
Audrey Garric
Photos : captures écran de l’enquête de PETA
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