Tu veux être mon ami ?
Plus qu’un verre pour sceller l’amitié, la demande se fait officielle sur Facebook. Avec l’arrivée du réseau social, il y a dix ans, un nouveau réflexe est apparu les lendemains de soirées : vérifier ses demandes d’amitié, thermomètre social permettant de savoir si, et à qui, l’on a plu.
D’autant que se cache derrière ces demandes une autre préoccupation d’importance : le nombre. Pour certains – et pas que chez les adolescents –, faire monter la jauge des amis est le reflet de leur poids social. Entre ceux qui acceptent tout le monde, ceux qui ne demandent jamais, ceux qui refusent de dépasser un nombre limite pour faire de chaque place dans leur liste un bien rare… Dans cet open space virtuel se développent autant de stratégies que d’identités.
Montre-moi combien d’amis tu as, je te dirai qui tu es. Un reflet narcissique ? En tout cas, un facteur de stress sur le réseau, comme le montre une étude publiée en 2012 par la Business School de l’université d’Edimbourg. Collègues, amis, famille, simples connaissances… Plus que leur nombre, les chercheurs pointent la difficulté d’entretenir dans un même espace des relations appartenant à des univers différents de notre quotidien. D’où l’intérêt de créer des listes d’amis, qui auront un accès différent au profil, pour ranger chef dans un espace différent de celui où peut commenter belle-maman.
Chérie, on en est où ?
Il y avait la bague de fiançailles, l’alliance, le bracelet rose/rouge/vert précisant l’état sentimental de celui qui le portait… Facebook a apporté une dimension de plus dans l’affichage public du statut amoureux. De « célibataire » à « divorcé » en passant par « c’est compliqué » ou « relation libre », Facebook propose onze qualifications pour détailler aux yeux de vos « amis » votre état sentimental. Au point qu’il n’est pas rare d’apprendre un mariage, une rupture sur Facebook. Voire un coming out, puisqu’il est possible d’être « en couple avec » une personne du même sexe sur le réseau social. Signe des temps, Facebook a même ajouté en 2012 l’« union civile » et le « partenariat domestique », du moins dans certains pays, à la suite de la requête d’utilisateurs et d’associations contre la discrimination des gays, lesbiennes et transgenres.
« Poker » est-il flirter ?
Petit coup de coude ou tape discrète sur l’épaule, le « poke » est l’équivalent du petit bonjour, simplement comme ça, en passant. Mais c’est compter sans l’ambiguïté du geste sur Facebook, surtout s’il est reçu à 2 heures du matin. Œillade ou provocation ? Pour un « IL M’A POKÉ » en lettres capitales dans une fenêtre de chat, compter une heure de débat sur le sens qu’a voulu y donner le « pokeur ». Deux s’il est lancé par votre ex.
Passé 30 ans, par contre, un « poke » risque de vous faire passer pour un dragueur ringard et un peu lourd. Mais en plaçant un « like » au bon endroit, vous engendrerez le même débat.
Si je ne « like » pas, va-t-elle mal le prendre ?
Mais si je « like »… elle va croire qu’elle m’intéresse. Ou pire, que je la « stalk » (espionne), étant donné que j’ai déjà « liké » l’intégralité de ses photos de profil.
Un peu comme le choix de son voisin de cantine au collège, « liker » ou non une page, une photo ou un statut n’est pas toujours un choix spontané. Mille questions peuvent (ou devraient) se présenter avant de cliquer sur le célèbre pouce en l’air, qui montre à l’ensemble de vos amis ce que vous considérez comme « aimable », que cela soit des groupes de musique ou des partis politiques.
Un débat s’était ainsi lancé sur Facebook lors de l’affaire du bijoutier de Nice, qui avait tué par balle un braqueur qui venait de dévaliser sa boutique. Près d’1,6 million de personnes avaient levé leur pouce à la page de soutien au commerçant, risquant ainsi de se faire « unfriender » par certains de leurs amis ne cautionnant pas ce geste.
Si j’écoute Céline Dion sur Spotify, je perds ma « street cred » ?
« Liker » les pages des Lumineers, de David Bowie et de Leonard Cohen ne suffit pas si vous voulez cultiver une image de mélomane branché. Lier à Facebook ce qu’on écoute en direct peut en effet se révéler périlleux pour votre image, surtout quand une petite envie de Johnny vous prend. D’autant plus que l’excuse du « C’est mes potes/mes enfants » finira comme le chien qui mangeait vos devoirs lorsque vous étiez enfant : ça ne prend pas, même si c’est vrai. Alors vérifiez (encore une fois) vos paramètres de confidentialité.
Comment faire pour que Kevin ne puisse pas venir à ma soirée (et qu’il ne le sache pas) ?
Les événements Facebook n’ont rien inventé : parfois, on ne veut pas que Kevin soit invité (pardon Kevin). Mais pour ne pas créer de drame, contrairement au lycée, on ne veut pas non plus qu’il le sache (ni qu’il s’invite, avouons-le). Trois mots pour ça : paramètres de confidentialité (de la force de l’apprentissage par la répétition sortira l’intérêt de cet article).
Le « wall » est-il le mur des toilettes du lycée ?
Le mur Facebook accueille ce que vous publiez et ce que vous laissez les autres y inscrire. Il peut donc autant ressembler au mur des toilettes du lycée qu’à un journal intime, voire au panneau des petites annonces d’un hypermarché. Sauf si vous l’interdisez… dans vos paramètres de confidentialité.
Mais les paramètres ne protègent pas de tout. La grande dramaturgie de la vie privée en ligne peut créer quelques émois. Ainsi, en instaurant la timeline en septembre 2012, Facebook a créé la panique chez ses utilisateurs : des « messages privés » auraient été publiés, désormais visibles aux yeux de tous les contacts. A la torpeur générale suivit un grand nettoyage des murs. Finalement, après enquête, les messages incriminés étaient des discussions wall-to-wall (de mur à mur) et non tirées de la messagerie privée de Facebook. La nuance est infime cependant, car, à l’époque, les utilisateurs avaient des conversations privées de mur à mur.
La prudence est donc la seule alliée pour éviter que l’on trouve, pour les 20 ans de Facebook, des informations compromettantes sur les murs. Mais cela empêchera vos collègues de trouver ce genre de perles. Et c’est un peu dommage, convenons-en :