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Enquête de l’OCDE sur les enseignants – Revaloriser le métier : une priorité pour la France

Publié le 25 juin 2014 par Lagafr

L’OCDE vient de publier les résultats de son Enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (TALIS 2013, www.oecd.org/edu/school/talis.htm). Il s’agit de la plus grande enquête internationale jamais réalisée sur ce sujet. Plus de 100 000 enseignants (dont 3 000 en France) et chefs d’établissement du premier cycle de l’enseignement secondaire – originaires de 34 pays et économies, et sélectionnés sur la base d’échantillons représentatifs – y ont participé.

Les enseignants aiment-ils  leur métier ? Se  sentent-ils valorisés par la société ? Leur formation initiale est-elle pertinente par rapport aux compétences requises une fois en poste ? Leur formation continue suffisamment développée et adaptée à leurs besoins ? Ou encore : les systèmes d’évaluation sont-ils efficaces pour motiver les enseignants et les faire progresser tout au long de leur carrière ? Autant de questions abordées dans l’enquête TALIS et dont nous vous présentons une synthèse dans cet article rédigé avec mes collègues de l’OCDE Patricia MANGEOL et Corinne HECKMANN. En substance, voici donc 6 enseignements majeurs pour la France concernant le métier d’enseignant qui se dégagent des résultats de TALIS 2013.

Les enseignants aiment leur métier mais ne se sentent pas valorisés par la société

Point positif et inattendu : l’enquête TALIS révèle que plus de 90% des enseignants, en moyenne (et en France), sont satisfaits de leur travail, et que près de 80 % des enseignants en France  choisiraient à nouveau, si c’était à refaire, d’exercer leur métier.

Cependant, cette satisfaction initiale est toute relative, car 42% des enseignants en France pensent que les avantages d’exercer cette profession ne compensent pas ses inconvénients (contre seulement 23 % pour la moyenne TALIS). Plus inquiétant encore – et c’est le chiffre le plus marquant de l’enquête TALIS pour la France –, seuls 5 % des enseignants estiment que l’enseignement est une profession valorisée par la société (contre 31% en moyenne dans l’enquête TALIS).

Graphique 1 : Pourcentage d’enseignants du premier cycle du secondaire qui se déclarent « d’accord » ou « tout à fait d’accord » avec l’affirmation suivante : J’ai l’impression que la profession d’enseignant est valorisée dans la société.

Il est important de souligner que les pays qui arrivent à concilier bons résultats éducatifs (dans PISA par exemple) et équité sociale sont également ceux où les enseignants se sentent les mieux considérés. La Finlande, les Pays-Bas, Singapour et l’Alberta (Canada) s’inscrivent ainsi dans ce schéma (voir graphique 1).

La revalorisation du métier d’enseignant est une priorité pour faire face à la crise de vocation observée ces dernières années en France. Elle ne pourra advenir qu’au prix de la création d’une dynamique positive entre tous les acteurs de l’éducation (parents, enseignants, chefs d’établissement), d’une réflexion approfondie sur le statut des enseignants (salaire, temps de travail, incitations pour travailler dans les établissements difficiles…), mais  aussi de la mise en place d’une politique plus efficace pour faire face à l’échec scolaire. Sur ce dernier point, l’enquête TALIS est claire : dans la plupart des pays participants, les enseignants dont la classe compte plus de 10 % d’élèves en difficulté font généralement état de niveaux inférieurs de sentiment d’efficacité personnelle et de satisfaction professionnelle. Cette relation est particulièrement marquée en France, suggérant un besoin, chez les enseignants, de mieux appréhender la diversité de leurs élèves pour se sentir satisfaits, efficaces et valorisés.

Les enseignants ne sont pas suffisamment préparés sur le volet pédagogique du métier

La formation des enseignants, tant initiale que continue, est primordiale dans le succès d’un système d’éducation. L’enquête TALIS nous en dit plus sur la formation initiale des enseignants et surtout sur la façon dont ils la perçoivent. En France, 90 % des enseignants s’estiment bien ou très bien préparés quant au contenu de la matière qu’ils enseignent (contre 93 % en moyenne TALIS). A contrario, près de 40% des enseignants se sentent insuffisamment préparés pour le volet pédagogique du métier, soit la proportion la plus élevée des 34 pays participant à l’enquête TALIS.

La situation n’est toutefois pas aussi alarmante qu’il n’y paraît. La mise en place des ESPE (Écoles supérieures du professorat et de l’enseignement) depuis la rentrée 2013 doit permettre de rendre la formation des enseignants moins académique et surtout, d’amplifier l’importance donnée au « savoir-faire » dans la formation initiale. Restera à s’assurer du bon fonctionnement de ces écoles supérieures et surtout, à faire également bénéficier les enseignants déjà en poste de cette formation à la pédagogie.

Le système de tutorat est exclusivement réservé aux enseignants en début de carrière

En France, 76 % des enseignants travaillent dans un établissement proposant, selon le chef d’établissement, un système de tutorat – une proportion proche de la moyenne TALIS (73 %). Ce chiffre est néanmoins trompeur, le système de tutorat étant en effet presque exclusivement réservé aux enseignants en début de carrière.

Ainsi, si on n’est pas enseignant débutant, il n’est pas courant en France de bénéficier d’un système de tutorat lors de la prise de fonctions dans un nouvel établissement (seuls 5.4 % des établissements proposent ce dispositif dans ce cas, contre 22 % en moyenne TALIS), ni d’appartenir à un établissement où tous les enseignants, indépendamment  de leur ancienneté, peuvent bénéficier d’un système de tutorat (2.5 % des établissements en France, contre 25 % en moyenne TALIS).

Il serait donc important de renforcer l’accès aux programmes de tutorat, d’autant plus que leurs effets positifs peuvent s’étendre bien au-delà des enseignants qui en bénéficient. L’enquête TALIS montre ainsi que dans la plupart des pays, le fait d’assumer un rôle de tuteur est généralement associé à un sentiment plus important d’efficacité professionnelle, une association qui s’avère même plus forte qu’avec le fait de bénéficier de l’aide d’un tuteur. Cette relation est particulièrement marquée en France, ainsi qu’en Corée et au Japon.

 Les enseignants ont très peu recours à la pédagogie différenciée et n’utilisent pas suffisamment les nouvelles technologies dans les apprentissages

En France, les pratiques pédagogiques des enseignants sont, dans une assez large mesure, proches de celles de leurs homologues dans les autres pays de l’enquête TALIS. Ils sont ainsi 74 % à présenter souvent à leurs élèves un résumé du contenu récemment appris (chiffre identique à la moyenne TALIS). Par ailleurs, nombre d’entre eux mettent l’accent sur le travail des élèves, et 66 % déclarent vérifier régulièrement les cahiers d’exercice ou les devoirs de leurs élèves (contre 72 % en moyenne TALIS).

En revanche, en France, les enseignants sont bien moins nombreux que leurs collègues des autres pays de l’enquête TALIS à déclarer utiliser des pédagogies différenciées pour les élèves qui ont des difficultés d’apprentissage et/ou qui apprennent plus vite (22 % en France, contre 44 % en moyenne TALIS et 63 % en Angleterre, par exemple). Ils sont également moins nombreux à utiliser les nouvelles technologies dans le cadre de leur cours (24 % en France, contre 37 % en moyenne TALIS et 74 % au Danemark et en Norvège, par exemple).

Ces résultats s’expliquent en partie par des lacunes au niveau de la formation initiale des enseignants. La France aurait pourtant tout intérêt à généraliser l’usage de ces deux pratiques. Un pays comme le Portugal, par exemple, a mis en œuvre depuis quelques années des politiques visant un plus grand recours à la pédagogie différenciée pour lutter contre l’échec scolaire. Les enseignants des pays nordiques utilisent quant à eux, depuis bien longtemps, les nouvelles technologies dans le cadre de leur cours et considèrent cet outil comme un bon moyen d’offrir un enseignement moins uniforme et de garder les élèves attentifs.

 La formation continue des enseignants n’est pas suffisamment centrée sur leurs besoins

En moyenne, dans les pays participant à l’enquête TALIS, environ 88 % des enseignants déclarent avoir suivi une activité de formation continue au cours des 12 derniers mois. En France, la proportion est inférieure (76 %), et encore moindre dans les établissements privés (seulement 69 %, contre 86 % en moyenne TALIS). Les formations proposées aux enseignants sont également moins intensives en France. Ainsi, Le nombre de jours de formation dans des cours ou ateliers est, par exemple, deux fois moins élevé en France qu’en moyenne dans les pays de l’enquête TALIS (4 jours par an, contre 8 jours par an en moyenne TALIS).

En général, le niveau et l’intensité de la participation des enseignants à des activités de formation continue sont influencés par les types de soutien qu’ils reçoivent. Cependant, en France, il faut chercher plus loin les causes de cette moindre participation, car pour 73 % d’entre eux (contre 66 % en moyenne TALIS), les enseignants bénéficient d’une prise en charge financière totale de leur formation continue ou d’un autre type de soutien pour y participer.

Selon l’enquête TALIS, les raisons qui freinent la participation des enseignants français sont davantage le manque d’incitations, l’incompatibilité de l’emploi du temps professionnel (ou familial), ou l’inadéquation, aux yeux des enseignants, de l’offre de formation avec leurs besoins. Deux possibilités d’action se font donc jour : élargir l’offre en matière de formation continue et mieux la centrer sur les besoin des enseignants.

Les enseignants perçoivent l’évaluation de leur travail comme un exercice purement administratif

TALIS montre que les évaluations remplissent mal leur rôle : 50 % des enseignants, en moyenne TALIS (et même 60 % en France), les perçoivent comme un exercice purement administratif. Dans le même ordre d’idée, seul un tiers des enseignants en France (chiffre identique à la moyenne TALIS) pensent que leur évaluation peut donner lieu à un avancement de leur carrière, tel qu’une augmentation de salaire ou l’octroi de plus grandes responsabilités.

Il apparaît donc essentiel d’améliorer les systèmes d’évaluation du travail des enseignants et de commentaires qui leur en sont faits. En France, le fait que plus de 70 % des enseignants déclarent que les évaluations et commentaires reçus proviennent uniquement de sources externes (inspecteurs) constitue un frein indéniable pour rendre l’exercice performant et moins administratif. Plus encore, lorsque l’on sait par exemple que près de 8 enseignants sur 10 en France n’observent jamais les cours d’autres enseignants (contre 5 enseignants sur 10 en moyenne TALIS), on comprend que les évaluations gagneraient à devenir un processus plus interne à l’établissement.

Pourtant, ces observations, quand elles existent, sont utiles pour le développement personnel. Ainsi, une majorité des enseignants en France, comme dans les autres pays de l’enquête TALIS, estiment que les commentaires qui leur sont faits sur leur travail ont un impact positif modéré ou important sur leur motivation (62 % contre 65 % en moyenne TALIS), leur satisfaction professionnelle (59 % contre 63 % en moyenne TALIS) et leur confiance en eux en tant qu’enseignants (65 % contre 71 % en moyenne TALIS).

Il s’agit donc de faire en sorte que les évaluations soient plus formatives qu’elles ne le sont à l’heure actuelle. Outre leur fonction en termes de récompense ou de sanction du travail des enseignants – qui, comme on l’a vu, est peu effectif dans tous les pays de l’enquête TALIS et en particulier en France –, les évaluations doivent jouer un rôle déterminant pour permettre aux enseignants de développer leurs compétences tout au long de leur carrière.

Ces 6 enseignements font écho à l’article écrit il y a déjà plus d’un an sur ce sujet : http://educationdechiffree.blog.lemonde.fr/2013/04/05/les-enjeux-de-la-formation-des-enseignants-attirer-former-accompagner-et-retenir/. Ils rappellent également que les pays performants dans les évaluations internationales, tout comme les pays qui ont reformé en profondeur leur système d’éducation ces dernières années, ont tous mis la formation des enseignants au cœur de leurs efforts. Car au fond, la qualité d’un système d’éducation n’excèdera jamais celle de ses enseignants.

 

 

 


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