Devant les grilles de l’hôpital de Pretoria où se trouve l’ex-président Nelson Mandela (©Sébastien Hervieu)
« Alors, il va mourir quand ? » Cela fait désormais 35 jours que cette drôle de question est régulièrement posée au correspondant en Afrique du Sud (qui s’est aussi beaucoup interrogé). Un peu moins ces derniers temps, les envoyés spéciaux étant presque tous rentrés à Paris.
Spéculer sur la mort d’un homme met plus que mal à l’aise. Surtout, cela fut longtemps vain. Les premières semaines, seuls les membres de la famille et la présidence sud-africaine avaient accès à la chambre d’hôpital et pouvaient donc voir l’illustre patient pour se faire une idée précise de son état.
Les intérêts des uns et des autres obligeaient forcément à questionner la crédibilité de ces ersatz de bilans de santé qu’ils formulaient en public. La porte ne cessait ainsi d’être ouverte à toutes les rumeurs et spéculations.
N’est-ce pas l’avocat représentant la majorité des membres de la famille Mandela qui le 26 juin assurait dans un document remis au juge – sans doute pour obtenir une décision rapide et favorable dans une funèbre affaire de déplacement de tombes familiales – que Nelson Mandela était « dans un état végétatif permanent » ?
Que les médecins avaient conseillé à la famille « de débrancher l’appareil qui le maintient artificiellement en vie » et que celle-ci « envisageait cette option » ?
« Il allait beaucoup mieux que ce que j’avais pu imaginer » a expliqué Denis Goldberg la semaine dernière à la BBC, « il est en train de s’accrocher »
Puis, ces derniers jours, des amis du combattant anti-apartheid sont venus lui rendre visite. Et sans retenue apparente, ils ont confié ce qu’ils avaient vu. « Il est sans aucun doute très malade mais il n’était pas inconscient, il a même essayé de bouger ses yeux et sa bouche quand je lui ai parlé », a ainsi expliqué Denis Goldberg.
Prisonnier pendant 22 ans des geôles de l’apartheid, il a précisé que Nelson Mandela ne pouvait s’exprimer à cause d’un tube placé dans sa bouche. Ce qui confirme qu’il est sous assistance respiratoire.
Sa femme « Graça m’a dit que les docteurs lui avaient dit qu’il n’y avait pas eu de défaillance majeure de l’un de ses organes vitaux, et donc qu’ils ne conseillaient même pas à ce stade de réfléchir à débrancher » tel ou tel appareil.
Un autre camarade de lutte, Ahmed Kathrada, a pu aussi le voir quelques minutes. Nelson Mandela ne pouvait pas parler, mais l’expression de son visage « a changé » quand il l’a vu. Il a montré qu’il avait reconnu le visiteur « à travers ses yeux ».
Mercredi, le roi thembu, Buyelekhaya Dalindyebo, racontait que son sujet n’allait « pas trop bien » mais qu’il était conscient. « Il ne pouvait pas parler, mais il m’a reconnu et a fait quelques gestes de reconnaissance, comme bouger ses yeux (…) chaque fois que je parlais, il hochait la tête ».
Graça Machel, la troisième femme de Nelson Mandela (©Elmond Jiyane-AFP)Même si les communiqués publiés régulièrement par la présidence sud-africaine sont avares de détails (au nom du secret médical et du respect de la vie privée de l’ex-chef d’Etat), le passé a montré que les autorités étaient en général une source crédible pour faire part des grandes tendances de l’état de santé de Nelson Mandela.
Et aujourd’hui, le ton est légèrement plus optimiste, le porte-parole expliquant pour la première fois ces deux derniers jours que le héros national « réagissait au traitement » même si son état était « toujours critique mais stable ».
Celui qui doit fêter ses 95 ans le 18 juillet, est toutefois loin d’être tiré d’affaire. C’est sa quatrième hospitalisation depuis décembre, et son état n’a jamais été si fragile, laissant ainsi libre cours à la Faucheuse de l’emporter du jour au lendemain.
En écho au débat sur la fin de vie, des Sud-Africains s’interrogent sur le niveau de souffrance qu’endure aujourd’hui « Madiba » (du nom de son clan). A ses côtés nuit et jour depuis les premières heures de son hospitalisation, son épouse, Graça Machel, assurait la semaine dernière que « même si Madiba n’a pas toujours été bien, il n’a que très peu souffert ».
On a envie de croire celle qui l’accompagne au quotidien depuis maintenant quinze ans et que les Sud-Africains respectent pour cette « veillée d’amour » qu’elle assure au chevet de l’homme que la majorité d’entre eux, comme elle, chérissent tant.