Une cour d’école à Yicheng
“Le plus dur métier du monde” c’est ainsi que Feng Caishan se souvient de son travail, il y a 30 ans. Il était alors responsable de l’application de la loi de l’enfant unique à Yicheng une région rurale du Shanxi. Il devait aller de porte en porte, convaincre chaque famille du bien-fondé de cette nouvelle politique, du sacrifice nécessaire. « Ils m’écoutaient poliment mais je savais que dès que j’avais le dos tourné ils feraient comme ils le souhaitaient». « il fallait parfois envoyer la police » se souvient Feng. Le chemin de croix de Feng n’a pas duré trop longtemps. Après deux ans d’application de la loi de l’enfant unique, Yicheng a été choisi pour une expérience pilote et jusque récemment secrète : les familles rurales de Yicheng furent autorisées à un deuxième enfant.
Chez lui, Feng Caishan fonctionnaire du planning familial à Yicheng, aujourd’hui à la retraite.
Il s’agissait de mesurer l’impact de la loi sur l’enfant unique en le comparant à des zones au planning familial plus souple. Surprise : le taux de natalité à Yicheng est similaire à la moyenne chinoise. A Yicheng, nombreux sont les couples à avoir décidé de se limiter à un enfant. Mme Wang a un fils de 9 ans et ne souhaite pas en avoir plus. « Il faut que je l’élève dans les meilleures conditions possibles. Comment viverions nous avec un enfant supplémentaire ? » .
- Comme chaque famille à enfant unique de Yicheng, la famille Wang s’est fait offrir un portrait de famille, par les autorités locales.
L’expérience de Yicheng, ainsi que d’autres, fait dire à beaucoup de démographes et scientifiques qu’après trente ans, la loi de l’enfant unique a fait son temps. Non seulement elle n’apporte guère de bénéfices, mais ses effets pervers sont nombreux : déséquilibre démographique homme-femme, pénurie de main d’œuvre, vieillissement de la population… Soit une véritable remise en question du modèle économique sur lequel est actuellement fondée une large part de la croissance chinoise. Pire, la loi de l’enfant unique, a pour corollaire de nombreux abus : avortements forcés, extorsions… Une enquête de l’hebdomadaire Caijing révélait récemment l’existence d’un réseau de kidnapping d’enfants dans le Hunan. Des officiels sans scrupule, se sont enrichis en créant un lucratif réseau de kidnapping des enfants « en trop ». Ceux-ci venaient alimenter des réseaux d’adoption internationaux. L’enquête a fait scandale.
Le premier ministre Wen Jiabao, se faisant l’écho des démographes et de l’impopularité de la loi, déclarait récemment qu’il faudrait «progressivement améliorer la politique de planning familial ».
Mais, en dépit des analyses démographiques, des scandales, et de ces déclarations officielles, rien ne change.
Alors, pourquoi Pékin n’écoute-t-il pas ses démographes ? Peut-être, la réponse est à trouver dans ce business de l’enfant unique qu’il serait couteux de démanteler. Plus de 6 millions de personnes travaillent à l’application de la loi et les amendes infligées aux contrevenants sont une source de revenus non négligeables pour les autorités locales.
« Le plus dur métier du monde » n’est plus si difficile. Pour les fonctionnaires de l’enfant unique il s’agit moins de faire appliquer la loi, que de s’enrichir grâce à elle.
A 7 heures du matin, l’heure d’aller à l’école à Yicheng.
Retour de l’école à Yicheng